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A) Optimisations du système de ligand fishing

3. Évaluation de deux méthodes de relargage des protéines piégées

La construction du piège implique la sélection d’un support pour fixer les sondes, appliquer l’extrait biologique, effectuer les éapes de rinçage, et récupérer les protéines. Nous avons vu lors de l’analyse bibliographique que les billes magnétiques constituent un support très populaire pour les approches de ce type, ce qui a guidé notre choix. Il s’agit d’un système micrométrique mais facile à mettre en œuvre à toutes les étapes de la création du piège et de son utilisation. Malgré tout, un tel système implique la fixation non spécifique de protéines sur la surface des billes magnétiques. Ceci a pour effet de prélever un certain nombre de protéines d’intérêt de la population disponible et, surtout, d’introduire dans les échantillons isolés une grande quantité de protéines non pertinentes susceptibles de générer un bruit de fond important. Pour une simple immunodétection cela est généralement peu gênant. En revanche, pour une analyse protéomique par spectrométrie de masse, identifiant simultanément des centaines de protéines, c’est un problème qu’il est nécessaire de contourner. L’ampleur de ce bruit de fond peut être constatée sur la Figure 45, qui présente une coloration au nitrate d’argent d’échantillons protéiques issus de la capture sur la sonde lésée et ses deux contrôles.

Figure 45 : L’ensemble des protéines présentes dans chaque condition

expérimentale après piégeage au sein d’extraits nucléaires HeLa visualisées par coloration au nitrate d’argent après migration sur gel.

Deux approches, l’une dite « totale », et l’autre utilisant des nucléases censées limiter la récupération de protéines non pertinentes, ont été testées. L’élution totale utilise directement un tampon de type Laemmli, employé pour les migrations sur gel qui suivent la récupération des protéines. En raison de la présence d’un détergent (SDS) et d’un agent réducteur (β- mercaptoéthanol), les protéines sont dénaturées et détachées du piège. Cette méthode présente l’avantage de n’exclure, théoriquement, aucune des protéines capturées, mais son revers est évidemment d’augmenter le bruit de fond dans l’échantillon obtenu par la libération des protéines fixées sur le support et les parties non lésées de nos sondes. Ainsi, afin de récupérer les protéines fixées tout en minimisant la présence des contaminants non spécifiques issus des billes, nous avons envisagé d’utiliser une enzyme à activité nucléase pour digérer l’ADN du piège et ne relarguer que les protéines présentes sur l’ADN.

À cet effet, deux endonucléases ont été évaluées sur le piège nu, c'est-à-dire l’ADN lésé fixé sur les billes magnétiques (sans protéine piégée) : la nucléase P1 et la DNase I. La nucléase P1 possède une double activité phosphodiestérase et 3’-phosphomonoestérase, sans spécificité de base. Elle est couramment utilisée pour hydrolyser l’ADN simple-brin et l’ARN, mais les observations de notre laboratoire (Frelon et al., 2000) prouvent qu’elle fonctionne également très bien sur l’ADN double-brin. Dans un premier temps, notre choix s’est porté sur cette enzyme car le tampon utilisé (30mM acétate d’ammonium 0,1mM sulfate de zinc) est adapté à la lyophilisation, ce qui présente l’avantage de pouvoir concentrer les échantillons à l’issu des étapes de capture et relargage. La DNase I, quant à elle, coupe l’ADN de façon non spécifique et génère des oligonucléotides possédant une extrémité 5’ phosphorylée et une extrémité 3’ hydroxylée. Elle fonctionne sur l’ADN simple- et double-brin.

Une première évaluation a été réalisée avec la nucléase P1 seule, en employant des dilutions de l’enzyme allant de 1:1 (2 unités) à 1:100 afin de digérer l’ADN lésé par le cisplatine et fixé sur billes magnétiques (1,2µg d’ADN fixés sur 60µg de billes par échantillon – quantités égales à celles utilisées dans la version finale du protocole de ligand fishing –). Le but de tester ces dilutions est de trouver la concentration idéale d’enzyme : celle-ci doit être suffisante pour digérer l’ADN efficacement, mais la plus basse possible pour éviter au maximum les interférences avec l’analyse protéomique. L’hydrolyse a été mesurée par un dosage d’ADN (absorbance à 260nm) dans le surnageant, révélant que jusqu’à la dilution 1:50, une proportion très importante de l’ADN lésé (≥ 75%) se trouve effectivement libéré (Figure 46). Cette série d’expériences a montré que l’hydrolyse de l’ADN nu fixé sur les billes magnétiques est envisageable et, surtout, se fait de façon efficace avec une faible quantité d’enzyme. Une seconde évaluation de la digestion enzymatique des sondes a été réalisée, mettant en parallèle nucléase P1 et DNaseI, mais cette dernière ne s’est pas montrée plus peformante que la nucléase P1, qui a donc été conservée pour la suite de l’évaluation de cette approche (dilution 1:50).

Figure 46 : Mesure par absorbance UV du relargage d’ADN plasmidique lésé fixé

sur billes magnétiques par différentes concentrations de nucléase P1 (concentration maximale en nucléase P1 = 2U).

Pour ces tests en présence de nucléase, nous avons travaillé sur l’établissement de l’interactome des lésions du cisplatine uniquement (avec les deux contrôles classiques : billes + ADN non lésé et billes seules). Trois expérimentations successives ont été effectuées, celles-ci se sont avérées décevantes pour plusieurs raisons :

- manque de reproductibilité dans le nombre et la nature des protéines identifiées ;

- présence de protéines peu pertinentes parmi celles piégées spécifiquement sur les sondes platinées ; en effet, seule HMGB1 (5 peptides, score 177) a été identifiée comme membre déjà connu de l’interactome ; de plus, plusieurs des protéines détectées (GRP78, diverses heat shock proteins) font partie des protéines récurrentes observées lors d’analyses protéomiques différentielles (sur- ou sous-expression par les cellules lors d’un stress) (Petrak et al., 2008).

Bien que les nucléases soient capables de digérer le piège nu, ce que nous avons eu l’occasion de vérifier, nous supposons que la présence de nombreuses protéines liées à l’ADN empêche ces enzymes d’agir aussi efficacement. Ainsi, les précautions que nous avions prises apportaient plus d’inconvénients que de bénéfices puisque, diminuant la complexité de nos échantillons et limitant le bruit de fond, elle occasionnait aussi la perte des candidats potentiellement intéressants, restés sur l’ADN imparfaitement digéré du piège. Disposant de contrôles a priori sûrs (ADN non lésé et billes magnétiques seules) permettant d’exclure les protéines récupérées de façon non spécifique sur le piège, nous avons finalement décidé de ne réaliser que l’élution « totale » à l’aide du tampon dénaturant. Cette optimisation fut la dernière réalisée, et a permis de disposer d’un protocole de ligand fishing à partir duquel nous avons obtenu les résultats qui vont maintenant être présentés.