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B) Identification d’un interactome

2. Ligand fishing : améliorations récentes

L’un des obstacles à la mise au point de méthodes de ligand fishing est le « bruit de fond » important susceptible d’être généré, principalement par le support du piège mais aussi par le piège lui-même (les séquences d’ADN). Ce bruit de fond correspond à l’ensemble des protéines indésirables collectées dans l’échantillon final. Ces protéines sont présentes car la taille et la nature du support favorisent généralement les interactions non spécifiques avec les différents facteurs présents dans les extraits. Ainsi, dans l’approche que nous venons de décrire, la récupération des protéines fixées est effectuée à l’aide d’un tampon dénaturant. Ceci présente le désavantage de décrocher les protéines également fixées sur les billes magnétiques, et donc d’augmenter la présence de contaminants au sein de l’échantillon obtenu. Les contrôles appropriés peuvent permettre de palier à ce problème. Cependant, l’échantillon se trouve inutilement enrichi en espèces sans intérêt, qui sont par leur nombre à même de gêner l’analyse par spectrométrie de masse et donc de limiter la détection des protéines potentiellement intéressantes.

Quelques méthodes visant à limiter la présence de protéines non pertinentes peuvent être retrouvées dans la littérature (Hegarat et al., 2008) :

- génération de pontage sonde/protéine à l’aide d’agents chimique ou par irradiation (déjà vu dans certains des exemples précédents) ;

- fractionnement préalable de la source de protéines (élimination des compétiteurs non spécifiques à l’aide de colonnes dédiées ou par incubation avec le support du piège) ;

- augmentation progressive de la concentration en détergent ou en sels (élution séquentielle de fractions hétérogènes) ;

- augmentation progressive de la température (rupture séquentielle des interactions par dénaturation) ;

- addition d’un compétiteur spécifique (décrochage ciblé des protéines ou des sondes) ; - action directe sur la sonde (dégradation enzymatique de la sonde oligonucléotidique ;

coupure de sa liaison au support solide).

Nous n’illustrerons pas chacun de ces points, mais allons tout de même évoquer deux techniques pour décrocher les sondes du support et relarguer les protéines associées : l’utilisation d’une nucléase et l’utilisation de groupements photoréactifs permettant de décrocher la sonde de son support.

L’un des premiers essais de ce genre d’approche sur l’ADN lésé utilisait l’un des propriétés des glycosylases spécialisées dans la prise en charge des sites abasiques. Ces enzymes possèdent une activité lyase qui leur sert à cliver le brin d’ADN où se trouve le site abasique. Durant ce processus un intermédiaire réactionnel aldimine (base de Schiff) se forme. Il peut être aisément réduit en présence de borohydrure de sodium, créant une liaison entre la protéine et l’ADN. Cette liaison covalente facilite la récupération de la protéine. Des oligonucléotides portant un site abasique ont été exposés à des extraits bactériens et de levure en la présence et en l’absence de l’agent réducteur. Afin de minimiser le bruit de fond engendré par le support (résine recouverte de streptavidine), une endonucléase est utilisée pour dégrader les sondes et ainsi ne décrocher que les protéines capturées. Après une analyse protéomique par spectrométrie de masse ces travaux n’ont révélé (outre la présence de protéines connues) qu’un seul candidat original (Rieger et al., 2006). Cependant, cette approche est chronologiquement l’une des premières du genre, et soulève plusieurs points que nous aurons l’occasion d’aborder lors de la description de nos propres travaux.

L’emploi d’un groupement photolabile placé entre le support et la sonde est une approche élégante qui a été testée pour l’étude des cassures double-brin. Après exposition du piège à la source de protéines désirées, il suffit de réaliser une irradiation (λ > 300nm) pour détacher l’ADN et les protéines et éliminer les billes (Figure 30). Là encore, des analyses protéomiques subséquentes servent à identifier les protéines liées (Hegarat et al., 2007). Tout d’abord évaluée par la fixation réussie de TetR (tetracycline repressor protein) sur sa séquence privilégiée (avec la présence d’un contaminant unique), cette technique a ensuite permis d’isoler, grâce à son extrémité laissée libre qui mime une cassure double brin, les protéines composant le complexe impliqué dans la réparation de ce type de dommage : DNA-PKcs, Ku70

et Ku80, PARP-1. L’emploi d’une élution douce assure de plus la récupération de protéines dans leur conformation native, et qui retiennent donc leur activité (test de phosphorylation de XRCC4 par DNA-PKcs).

Figure 30 : Schéma du piège à protéines permettant une récupération sélective de

l’ADN et des protéines liées par irradiation UV. Il utilise un groupement 1-(2 nitrophényl)-éthyl photoréactif lié à une molécule de biotine via un lien acide 6- aminocaproique, commercialement disponible (adapté de Hegarat et al., 2007).

3. Puces à protéines

Les méthodes précédemment évoquées font appel à l’immobilisation de sondes d’ADN. À l’inverse, des puces à protéines, plus difficiles à mettre en œuvre en raison des contraintes de production de protéines, peuvent aussi être utilisées pour vérifier la fixation de séquences nucléiques marquées et l’identification subséquente de leur(s) partenaire(s), par exemple pour identifier les séquences de certains facteurs de transcription (Ho et al., 2006).

Peu d’études de ce genre ont pour l’instant été menées en lien avec les lésions de l’ADN. Parmi celles-ci, un protocole simple d’expression de 4 256 gènes d’Escherichia coli K12 (> 99% de son génome) et de dépôt sur puce a pu être réalisé (Chen et al., 2008). Une recherche subséquente des capacités d’interaction de ces protéines avec des oligonucléotides marqués (cyanines) portant des lésions particulières (mésappariements ou sites abasiques) a entraîné l’identification de nouvelles protéines reconnaissant ces lésions avec de fortes affinité et spécificité, parmi lesquelles : CspE, protéine de choc thermique capable de déstabiliser la sructure secondaire des acides nucléiques reconnaissant mésappariements et sites abasiques ; YbcN, reconnaissant mésappariements et sites abasiques et capable de déplacer les bases endommagées vers l’extérieur de la double hélice ; YbaZ, capable de reconnaître les sites abasiques et la lésion O6-méthylguanine.

Si ce type d’approche est rendu possible par l’expression de protéines procaryotes, plus aisée, les protéines humaines et l’ADN modifié par les métaux n’ont pas été laissés pour compte. Ainsi, de telles puces ont été utilisées pour évaluer les capacités d’interaction d’une bibliothèque de protéines avec des oligonucléotides contenant des adduits métalliques (Stansfield et al., 2009). C’est tout d’abord HMGB1, capable de reconnaître à la fois les adduits du platine et du chrome, qui a été utilisée sur des lames de type macroarray recouvertes de nitrocellulose pour réaliser la preuve de concept à l’aide de sondes nucléiques marquées avec un agent fluorescent. Malgré une bonne spécificité, la méthode développée a montré des limites importantes en comparaison de l’EMSA : les Kd obtenus avec cette technique éprouvée

diffèrent d’un facteur 100 entre l’ADN lésé et l’ADN non lésé, alors que la fluorescence n’augmente ici que d’un facteur 4-8, mettant en question la possibilité d’obtenir des informations quantitatives avec ce type de biopuce. Ensuite transposée à un format de type