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A) Interaction avec les protéines de réparation

1. Interactions avec les protéines de la voie NER

La souplesse de la voie NER, c'est-à-dire sa capacité à détecter des lésions parfois assez différentes en termes de degré de déformation de l’ADN, passe par l’existence de

plusieurs acteurs de leur reconnaissance. La sous-voie GGR fait appel à deux complexes spécialisés : XPC-HR23B et UV-DDB. Nous allons tout d’abord nous intéresser aux propriétés de ceux-ci, en insistant largement sur la composante DDB2 du complexe UV-DDB puisque celle-ci se trouve au cœur de l’un des axes de cette thèse. Ensuite, les autres acteurs significatifs de la voie NER seront aussi abordés.

 XPC-HR23B

Cet hétérodimère senseur des lésions volumineuses reconnaît la structure particulière de l’ADN induite par la taille importante du dommage, de type petite bulle simple-brin (Mocquet & Egly, 2006). Il est suffisant pour effectuer l’étape de détection lors de reconstitions de l’activité de la NER in vitro, alors qu’in vivo la protéine culine 2 est également présente dans le complexe, sans que l’on puisse encore préciser son rôle exact (Neher et al., 2010). L’extraordinaire capacité de XPC à distinguer efficacement la conformation physiologique de la double hélice (lors de l’assemblage de la chromatine ou durant la transcription) des déformations induites par des bases lésées est longtemps restée mal expliquée. Deux acides aminés aromatiques critiques (Trp690 et Phe733) ont été récemment identifiés dans la partie C-terminale conservée de la protéine, au sein d’un motif de type repliement OB (oligonucleotide-binding) caractéristique des protéines se liant à des séquences d’acides nucléiques simple-brin (Maillard et al., 2007). Ces résidus semblent participer à un mécanisme de reconnaissance inversé au cours duquel c’est la partie simple- brin non lésée (en face de la lésion) dont les bases se trouvent expulsées vers l’extérieur de la double hélice, qui est repérée. Ce mécanisme procure un mode de reconnaissance universel à toute lésion induisant de grandes déformations de l’ADN.

L’influence de HR23B n’est pas encore précisément définie, mais elle participerait à l’ubiquitinylation de XPC, qui au lieu d’envoyer cette protéine vers la machinerie de dégradation, augmenterait son affinité pour l’ADN (Nouspikel, 2009). Des travaux récents sur l’adduit majoritaire du cisplatine suggèrent même un mécanisme de reconnaissance plus complexe que celui que l’on vient d’évoquer, au cours duquel XPC établirait un contact avec brin lésé et brin non lésé, en 5’ et en 3’ de la lésion, et qu’il en serait de même pour HR23B (Neher et al., 2010).

La fixation de XPC-HR23B accentue la distorsion de la double hélice, facilitant ainsi le recrutement des autres facteurs. L’affinité du complexe mesurée par retard sur gel est plus de dix fois supérieure pour l’ADN portant un adduit du platine que pour l’ADN non lésé, et environ trois fois inférieure (Kd = 27nM) pour les adduits 1,2-d(GpG) que pour les adduits

1,3-d(GpNpG) (Kd = 8nM), ce qui est corrélé avec la différence de vitesse de réparation de

ces lésions, de deux à trois fois supérieure pour l’adduit 1,3-d(GpNpG) (Trego & Turchi, 2006).

 UV-DDB

Les dommages UV, comme les adduits des dérivés du platine, déstabilisent la double hélice d’ADN qui devient plus flexible. Les bases dimérisées sont susceptibles d’être éjectées vers l’extérieur de l’hélice. Les lésions CPD ont un effet moins perturbateur que les lésions (6-4)-PP sur la structure de l’ADN (Kim et al., 1995). En raison de cette particularité, XPC- HR23B, pourtant capable de reconnaître une grande variété de déformations, se retrouve limité dans son aptitude à détecter les CPD, notamment en contexte chromatinien (Fitch et al., 2003b). Un autre mécanisme est donc nécessaire, et il passe par le complexe UV-DDB (Scrima et al., 2008).

UV-DDB est, au sein de la sous-voie GGR, l’acteur spécialisé dans la détection des lésions UV en contexte chromatinien. Sa découverte est maintenant assez ancienne (Feldberg & Grossman, 1976) mais son mécanisme d’action fait encore l’objet de travaux. Ce complexe ne remplace pas intégralement XPC-HR23B, mais intervient plutôt en amont de ce dernier, dont il va favoriser le recrutement. Il est formé de deux sous-unités, DDB1 et DDB2, autrement appelées p127 et p48, respectivement. Le gène codant pour DDB2 est muté chez les malades souffrant de la variante XPE du syndrôme de xeroderma pigmentosum. Cette pathologie est associée à des mutations au sein des acteurs de la voie NER. Elle se caractérise par une extrême sensibilité au rayonnement UV et par une forte incidence de cances cutanés. La forme XPE de cette atteinte présente des symptômes atténués par rapport aux autres variants, puisque les capacités de réparation par la voie NER dans les cellules issues de patients conservent 40 à 60% des capacités de cellules normales (Rapic Otrin et al., 1998). DDB2 est une protéine exclusivement nucléaire qui, au sein du complexe, constitue l’élément de reconnaissance des photoproduits. DDB1, majoritairement cytoplasmique, est relocalisé à l’intérieur du noyau suite à l’augmentation de l’expression de DDB2 (Shiyanov et al., 1999). À l’inverse de cette dernière, DDB1 n’établit pas de contact avec l’ADN (Scrima et al., 2008) mais est cependant capable d’interagir avec CSA pour permettre la réparation par la voie TCR (Fousteri et al., 2006).

Les mutations observées chez les patients XPE ciblent des éléments responsables de l’interaction de DDB2 avec soit l’ADN lésé, soit DDB1. Si le mécanisme d’interaction entre DDB1 et DDB2 se trouve aboli, les conséquences sont négatives pour l’enclenchement du GGR (Scrima et al., 2008). UV-DDB reconnaît tout d’abord la lésion sur l’ADN et recrute XPC-HR23B. DDB1 s’associe ensuite avec CUL4/RBX1 pour former un complexe de type E3 ubiquitine ligase, dont l’activité est inhibée en temps normal par une association avec le signalosome COP9. La relocalisation chromatinienne suite à un stress génotoxique entraîne la perte de cette association, rendant UV-DDB/CUL4/RBX1 capable d’ubiquitiner XPC et DDB2 après fixation sur le dommage. L’affinité de DDB2 pour le dimère photoinduit se trouverait alors diminuée, ce qui lui permettrait de se détacher et être subséquemment dégradée par le protéasome (Li et al., 2006). À l’inverse, l’affinité de XPC pour le dommage se trouverait renforcée. Par ce mécanisme se produirait donc un transfert de la prise en charge

de la lésion, de DDB2 vers XPC, alors que le reste du complexe se détache grâce à l’auto- ubiquitination de CUL4/RBX1 (Sugasawa et al., 2005). Ce mécanisme, s’il est communément admis, est peut-être plus complexe, puisque UV-DDB paraît être également capable de recruter sur le site du dommage XPA, facteur qui se positionne suite à la reconnaissance de la lésion par XPC-HR23B (Wakasugi et al., 2009).

Le site de reconnaissance des dommages de DDB2 est de petite taille et parfaitement adapté aux photoproduits, peu déformants. Ceci explique le fait que des lésions de taille plus importante, comme par exemple les moutardes azotées, soient de moins bons substrats pour la protéine. DDB2 possède un élément en « épingle à cheveux » (hairpin) composé des résidus Phe371, Gln372 et His373, très conservés parmi ses orthologues. Il s’insère au cœur du duplex d’ADN, au niveau du petit sillon, élargissant celui-ci et générant un débobinage de l’ADN d’environ 23°. Par ce mécanisme le dimère de lésion est éjecté vers l’extérieur (remplacé, en quelque sorte, par les résidus Gln372 et His373), alors que ses bases complémentaires restent à leur position initiale. Cette section d’ADN simple-brin est stabilisée par l’épingle de DDB2 (Figure 18). Les bases flanquantes de la lésion ne semblent pas avoir d’influence sur les capacités de reconnaissance de DDB2 (Scrima et al., 2008). In

vitro, DDB2 interagit préférentiellement avec les (6-4)-PP. In vivo en revanche, ce sont les

CPD qui sont préférentiellement reconnus du fait de la capacité réduite de XPC à traiter ces lésions. Ainsi, la réparation des CPD est largement diminuée chez les cellules de patients XPE, alors que celle des (6-4)-PP est moins affectée. Ces considérations expliquent le phénotype moins sévère de ces malades (Tang & Chu, 2002).

Figure 18 : Structure du complexe UV-DDB fixé sur une lésion de type (6-4)-PP.

DDB2 insère deux de ses résidus (en vert) au niveau du petit sillon près du site de la lésion. DDB1 assure la stabilisation du complexe. XPC-HR23B peut ensuite être recruté afin de poursuivre les étapes de la NER (adapté de Chu & Yang, 2008).

La présence de sept domaines WD40 sur la protéine indique qu’elle pourrait être capable de faciliter le remodelage de la chromatine au niveau du site de lésion, justifiant par là son rôle aux côtés de XPC (Hwang et al., 1998). Il faut ajouter que l’ubiquitination par le complexe UV-DDB/CUL4/RBX1 des histones entourant la zone lésée aurait pour conséquence une relaxation du nucléosome, facilitant l’accès aux facteurs de la NER dont l’assemblage nécessite, on l’a vu, le dégagement d’une certaine longueur de brin (Thoma, 2005; Scrima et al., 2008). Ce mécanisme implique une diminution rapide de la quantité de DDB2 au sein de la cellule après un stress génotoxique. En outre, l’expression de DDB2 est maximisée lors de la transition G1/S, ce qui concorde avec un mécanisme de contrôle de

l’ADN génomique avant sa réplication (Nag et al., 2001).

La modulation de l’expression de DDB2 au cours du temps suite à une exposition au rayonnement UV est bien documentée. Le niveau de la protéine décroît rapidement (01h00- 02h00) après application du stress (Rapic-Otrin et al., 2002; Fitch et al., 2003a; Barakat et al., 2009), puis la transcription du gène reprend alors véritablement dès 04h00 chez des cellules HeLa (Praetorius-Ibba et al., 2007), mais bien plus tardivement (24h00 à 48h00) chez les fibroblastes (Nichols et al., 2000; Rapic-Otrin et al., 2002). Ceci est en accord avec le mécanisme de prise en charge des photoproduits impliquant le recrutement de XPC-HR23B par UV-DDB et la dégradation de ce dernier afin de permettre au premier de se stabiliser et enclencher les étapes suivantes de la voie NER-GGR. Une diminution de son expression permet de ne pas interférer avec ce mécanisme, alors que l’expression est augmentée tardivement afin de restaurer la quantité basale de la protéine (Ford, 2005).

En plus des photoproduits, DDB2 possède la faculté de reconnaître d’autres types de lésions, notamment les sites abasiques, pour lesquels elle démontre une affinité plus importante que pour les CPD. Une capacité à reconnaître les adduits majoritaires du cisplatine a également été relevée, ce qui explique la présence de cette protéine dans ce chapitre (Chu & Chang, 1988; Payne & Chu, 1994; Fujiwara et al., 1999). Cette propriété suggère à nouveau, pour DDB2, un rôle dans la réparation de ces dommages. En effet, on peut remarquer que la déstabilisation de la structure tridimensionnelle de la double hélice d’ADN générée par les lésions UV-induites, avec une éjection des bases concernées vers l’extérieur, est une propriété partagée avec les pontages du cisplatine. En accord avec l’hypothèse de la prise en charge des adduits platinés par DDB2, la culture de cellules HeLa avec des concentrations croissantes de cisplatine engendre l’apparition de lignées quatre fois plus résistantes que la lignée parentale, et pour lesquelles l’expression de DDB2 est augmentée d’un facteur identique. De plus, ces lignées résistantes présentent de meilleures capacités de réparation des adduits du platine (Chu & Chang, 1990) et des dommages générés par les UV (Chao et al., 1991) par rapport à la lignée parentale. Malgré cela, d’autres travaux sur des fibroblastes XPE ont montré que, malgré l’absence d’une DDB2 fonctionnelle, ces cellules conservent la capacité de traiter l’adduit 1,3-d(GpTpG) du cisplatine, capacité qui est inchangée après supplémentation en UV-DDB alors que l’ajout de RPA permet d’augmenter l’efficacité de réparation (Rapic Otrin

et al., 1998). Cette étape de reconnaissance des lésions du cisplatine par DDB2 et ses

répercussions biologiques ne sont pas encore bien caractérisées.

DDB2 semble posséder des rôles annexes à la seule réparation de l’ADN, que nous allons illustrer par deux exemples. Cette protéine est ainsi capable d’augmenter les capacités de transactivation du facteur de transcription E2F1, un effecteur qui se trouve en aval des voies de contrôle dépendant de pRb (suppresseur de tumeur) (Hayes et al., 1998; Shiyanov et

al., 1999). DDB2 influe également sur le phénotype (prolifératif/invasif et métastatique). Une

plus forte expression de DDB2 est associée à l’augmentation des capacités de prolifération (Kattan et al., 2008), et à une régulation négative de la superoxyde dismutase à manganèse (interaction directe avec le promoteur du gène de cette enzyme), ce qui pourrait permettre l’accumulation du radical superoxyde, potentiellement impliqué dans la prolifération (Minig

et al., 2009).

 RPA et XPA

Ces deux facteurs responsables de la stabilisation du complexe de réparation possèdent eux-aussi, à des degrés différents, des capacités de liaison à l’ADN endommagé. XPA, tout d’abord, présente une faible affinité pour les adduits du cisplatine. Plus particulièrement, des mesures par anisotropie de fluorescence et retard sur gel permettent de chiffrer cette affinité (Kd ≈ 400nM), qui est trois fois supérieure pour l’ADN portant un adduit 1,3-d(GpTpG) que

pour l’ADN non lésé, et pratiquement équivalente pour l’ADN simple-brin non lésé que pour l’ADN double-brin non lésé. De plus, des mesures identiques en conditions physiologiques montrent un Kd de l’ordre de 2µM pour la fixation sur la même lésion. Cette affinité est

dépendante de la salinité, puisqu’elle diminue d’un facteur 2-10 lorsque la concentration en ions mono- et divalents (surtout ces derniers) est abaissée. Cela suggère un rôle accessoire, sinon inexistant, de XPA dans la reconnaissance des lésions.

Quant à RPA, des mesures utilisant la même méthode indiquent une affinité pour l’ADN lésé par le cisplatine proche de celle de XPC (Kd = 23nM), indépendamment de la

présence de XPA (Hey et al., 2001). RPA se lie préférentiellement aux adduits 1,3- d(GpNpG), puis aux 1,2-d(GpG), mais interagit plus avec l’ADN non lésé qu’avec les lésions interbrins. La déstabilisation plus importante de la structure tridimensionnelle de l’ADN par les adduits 1,3-d(GpNpG), avec notamment la rupture des liaisons hydrogène, favorise la formation d’une zone simple-brin en face de la lésion, ce qui expliquerait cette préférence. De plus, RPA perd sa capacité à se lier aux adduits du platine en présence d’HMGB1, ce qui est en accord avec le modèle de protection des lésions par cette protéine (Turchi et al., 1999).