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Le système d’innovation est un élément incitatif à l’innovation pharmaceutique

INTRODUCTION GENERALE

H 3 Le système d’innovation est un élément incitatif à l’innovation pharmaceutique

endogène et aux transferts de technologie dans le secteur.

Afin de tester la validité de ces hypothèses nous adoptons une approche de double dimension : théorique et empirique. Alors que sur le plan théorique notre approche se réfère aux contributions de la théorie économique sur la relation entre la brevetabilité et l’innovation, sur le plan empirique, elle repose, dans un premier temps, sur une étude générale du secteur pharmaceutique tunisiens (évolution, indicateurs, cadre légal et réglementaire, etc.) et, dans un second temps, sur une analyse plus approfondie concrétisée par une enquête auprès des laboratoires pharmaceutiques installés en Tunisie. En retenant cette logique, notre recherche se compose de six chapitres répertoriés en trois grandes parties.

La première partie a pour objet de conceptualiser un cadre théorique de la relation entre la

brevetabilité et l’innovation, dans une approche qui oscille entre le général et le particulier (industrie pharmaceutique). Dans le premier chapitre, il s’agit de déterminer les fondements théoriques de la brevetabilité. Cette première partie de l’analyse se déroule dans un double objectif. D’abord, nous nous basons sur les concepts de la théorie économique pour mettre en exergue la défaillance d’un marché libre de la connaissance et de l’innovation (free knowledge market) i.e. une situation où les résultats de l’innovation sont accessibles sans coûts supplémentaires à tous les acteurs de l’économie. Ensuite, nous nous référons aux arguments des courants interventionnistes afin de montrer l’intérêt d’une intervention

publique, à travers la brevetabilité, en vue de suppléer les défaillances du free market knowledge et de propulser les investissements en innovation (pharmaceutique).

Les fondements de la brevetabilité découleraient donc principalement (non exclusivement) des apports de la théorie du bien-être (Arrow, 1962). Plus particulièrement, nous soulignons la particularité de la caractéristique non-rivale de la connaissance, de l’information, des inventions pour montrer qu’en l’absence de mesures correctives (telles que les brevets), l’incitation à l’innovation pharmaceutique est pénalisée par l’émergence de comportements de « passagers clandestins » qui, généralisés, se traduiraient par un sous investissement en innovation dans le secteur. D’autres concepts, tels que l’incertitude (Hayek, 1945), les externalités (Griliches, 1979) et les coûts (Nelson, 1959 ; Arrow, 1962) inhérents à l’investissement en R&D et en innovation, sont également utilisés dans cette même perspective. Au fur et à mesure de l’analyse, les arguments théoriques sont appuyés par des éléments factuels tirés de l’industrie pharmaceutique (e.g. l’importance des coûts, la longueur du processus de la R&D pharmaceutique ainsi que l’incertitude liée aux résultats escomptés) en vue de consolider notre argumentation et la cibler sur le secteur étudié.

Ce premier volet de l’étude nous servira d’une assise théorique pour analyser, dans un deuxième volet, les arguments explicatifs de la signature des accords ADPIC et notamment de leur extension aux produits pharmaceutiques et aux PED. A ce niveau, nous analysons l’évolution des paradigmes technologiques dans l’industrie pharmaceutique mondiale conjointement à celle du cadre légal et réglementaire qui la régit ainsi qu’aux mutations économiques, politiques, sociales qui influencent (ou mènent) les changements paradigmatiques dans cette industrie. L’accent sera mis sur le décalage de développement économique et technologique entre les pays développés et ceux en développement afin de dégager des éléments explicatifs qui consolident l’analyse des conséquences des ADPIC (en particulier au regard de la brevetabilité des médicaments), sur l’innovation pharmaceutique et qui fait l’objet du deuxième chapitre.

Ainsi, dans le second chapitre, nous analysons l’impact de la brevetabilité sur l’innovation pharmaceutique dans deux perspectives : impact ex ante à l’innovation (i.e. sur l’incitation

à l’innovation) et impact ex post à l’innovation (i.e. efficacité de la protection par brevet et impact sur l’innovation cumulative). Dans cet objectif, nous adoptons, dans un premier temps, une approche microéconomique, afin d’identifier les déterminants de l’innovation i.e. les facteurs qui incitent une firme à innover. Ceux-ci sont analysés à travers le concept du « capital-savoir » et qui constitue l’ensemble des ressources informatiques, cognitives, techniques, scientifiques, internes et externes produites, acquises, absorbées et systématisées par une firme en vue d’être utilisées dans le processus de production de la valeur (Laperche, 2008 ; 2011). Selon que les stratégies d’une firme sont axées sur l’accumulation du capital-savoir (i.e. l’exploration de nouvelles technologies et connaissances et/ou l’exploitation de celles existantes) ou sur la valorisation de leur capital- savoir existant (i.e. stratégies commerciales, juridiques) il est opportun de déterminer si et dans quelle mesure la firme est orientée vers l’innovation (innovation seeking ou innovation oriented).

Conjointement à ces éléments, nous discutons de l’importance, de l’utilité et de l’efficacité du brevet comme outil de protection des inventions pour une firme afin de déterminer l’impact de la brevetabilité sur son incitation (à), ses capacités et ses performances de l’innovation. Cette analyse effectuée d’un point de vue des firmes titulaires éventuelles du brevet sera complétée par une analyse de l’impact de la brevetabilité sur l’incitation et les capacités d’innovation des firmes non titulaires du brevet ; la problématique est à ce niveau discutée au regard de l’impact de la brevetabilité sur l’innovation cumulative et sur la diffusion de la connaissance dans l’économie.

Ceci constitue un volet important de l’analyse étant donné le rôle des ressources externes dans la constitution du capital-savoir des firmes, en particulier pharmaceutiques (fusions et acquisitions -F&A-, coopérations de recherche, etc.). L’impact de la brevetabilité des médicaments sur l’innovation pharmaceutique dépend ainsi également de son impact sur les transferts de technologies dans le secteur. En identifiant les différents modes de transferts de technologie, nous nous basons sur les apports de la théorie économique et de la littérature empirique afin de déterminer l’impact de la brevetabilité des médicaments sur les transferts de technologies. Nous démontrerons que, outre l’influence de la brevetabilité, ces transferts sont conditionnés par de niveau des capacités d’absorption des firmes réceptrices,

lesquelles sont conditionnées à leur tour par l’efficacité du système d’innovation (Freeman, 1987 ; Lundvall, 1992) ; à ce niveau, c’est une approche systémique que nous adoptons en vue de déterminer l’importance et la nature du rôle joué par la brevetabilité (des médicaments) dans le développement de l’innovation (pharmaceutique).

Si une approche théorique est nécessaire pour comprendre les fondements de la brevetabilité (des médicaments) et a priori déterminer les différents facteurs qui influencent son impact sur l’innovation (pharmaceutique), elle demeure hypothétique et ne semble pas pour autant suffisante pour pouvoir fournir des éléments factuels qui nous permettraient de répondre à la problématique de notre recherche d’autant plus qu’elle est ciblée sur un cas particulier, celui de l’industrie pharmaceutique tunisienne. Il est donc judicieux d’adopter une approche complémentaire, empirique, en vue de déterminer l’impact de la brevetabilité des médicaments sur l’innovation pharmaceutique en Tunisie.

La deuxième partie de cette recherche constitue le premier volet de notre approche

empirique. Son objectif est de cibler les conclusions tirées de l’étude théorique sur le cas de l’industrie pharmaceutique tunisienne. Le troisième chapitre correspondra alors, dans un premier temps, à une présentation de l’historique et l’évolution depuis l’officialisation du métier du pharmacien (i.e. la création d’un secteur pharmaceutique en Tunisie) dans la fin du XIXème siècle jusqu’à la libéralisation de l’industrie pharmaceutique en 1987. Tout au long de ce chapitre, sera présentée l’évolution de la politique industrielle mise en œuvre par l’Etat tunisien au regard du secteur pharmaceutique local. Cette analyse, qui se réfère aux objectifs et contenu des plans de développement économique successifs adoptés depuis 1962 en Tunisie, permettra de définir et de comprendre l’orientation de la stratégie de l’Etat tunisien envers l’industrie pharmaceutique tunisienne (e.g. si l’accent est mis sur la production, sur l’import-substitution, sur la promotion de l’exportation, etc.) ayant mené à l’émergence d’un système sectoriel (pharmaceutique) d’innovation en Tunisie.

Dans un second temps, sur la base de la législation tunisienne sur la propriété industrielle, l’accent sera mis sur l’analyse de l’évolution et du potentiel de protection du système de brevet dans le secteur pharmaceutique en Tunisie. Cette analyse s’inscrira dans le cadre de

l’analyse du potentiel d’innovation pharmaceutique en Tunisie à travers une analyse descriptive du système sectoriel d’innovation en Tunisie. Dans ce cadre, seront soulignés les efforts déployés par l’Etat tunisien en vue d’instituer un cadre éducationnel, institutionnel, légal, financier, infrastructurel, etc. favorable à l’investissement en R&D et à l’attraction des technologies étrangères dans le secteur pharmaceutique ; il s’agit donc d’une analyse des éléments fondateurs du système sectoriel d’innovation en Tunisie en vue d’évaluer le potentiel d’innovation pharmaceutique locale (capacités et performances de l’innovation).

En revanche, bien qu’éclairante, cette analyse n’est pas suffisante pour apporter une réponse exhaustive à la problématique de l’impact de la brevetabilité des médicaments sur l’innovation pharmaceutique en Tunisie. Ainsi, dans la même logique de l’étude théorique, le traitement de cette problématique requiert également l’adoption d’une approche complémentaire microéconomique, qui nous permettrait d’évaluer l’innovation orientation des firmes pharmaceutiques en Tunisie, d’estimer leurs capacités et leurs performances d’innovation endogène et exogène et de déterminer l’impact de la brevetabilité des médicaments sur leur incitation (à) et leurs perspectives d’innovation.

La nature des données sollicitées, d’une part, et le nombre limité de la population à étudier, d’autre part, ont amené le choix vers l’adoption d’une enquête qualitative concrétisé par un questionnaire administré lors des entretiens menés auprès des 32 laboratoires constituant l’industrie pharmaceutique en Tunisie. La présentation de la méthodologie de l’enquête (phases pré et per entretiens) fera l’objet de la première section du quatrième chapitre, tandis que sa deuxième section, correspondant aux phases post entretiens, sera consacrée au dépouillement des données collectées et à la présentation descriptives des laboratoires enquêtés. L’objectif de l’enquête ne se limite pas à la mesure du potentiel d’innovation des laboratoires pharmaceutiques en Tunisie, mais s’étend également à l’évaluation de l’efficacité du système d’innovation en Tunisie à travers l’estimation de la nature et de l’intensité des interactions technologiques et de recherche entre ces laboratoires et avec d’autres entités administratives, techniques, de recherche académiques, etc. du système.

Ciblant la problématique sur le cas de l’industrie pharmaceutique tunisienne, cette deuxième partie de la recherche représente le chaînon qui relie le volet théorique et celui empirique de notre étude et introduit à l’analyse des résultats de l’enquête.

La troisième partie de la thèse, composée également de deux chapitres, en constitue la

contribution majeure. Dans le cadre de cette partie, nous tentons d’apporter des réponses à la problématique de recherche en testant la validité des hypothèses précédemment posées. Les conclusions tirées à partir de cette analyse nous permettront de tester la validité des hypothèses posées. Dans le cinquième chapitre, l’objectif est de déterminer l’impact de la brevetabilité des médicaments sur l’incitation, les capacités et les performances de l’innovation des laboratoires pharmaceutiques enquêtés. Se baser exclusivement sur le nombre de brevets déposés comme indicateur de l’innovation de ces laboratoires est de nature à remettre en cause la pertinence de la problématique dans un PED comme la Tunisie. Or, toute innovation n’est pas brevetable et/ou brevetée. Afin de pouvoir cerner le potentiel d’innovation pharmaceutique effective en Tunisie, nous nous référons aux apports de la littérature économique (Hollenstein, 1996 ; Hagedoorn et Cloodt, 2003 ; Carayannis et Provance, 2008) pour définir et construire un indice de l’innovation adapté aux caractéristiques de l’industrie pharmaceutique tunisienne. Cet indice sera conçu en sorte de mesurer les capacités et les performances de l’innovation endogène (mesure des capacités internes d’innovation) et exogène (mesure des flux de transferts de technologie) des laboratoires enquêtés. Il nous permettra donc de déterminer l’impact de la brevetabilité sur leur incitation, leurs capacités et leurs performances de l’innovation et donc de tester la validité de la première hypothèse de notre recherche.

La validation des deux autres hypothèses fera, par contre, l’objet du sixième chapitre et dernier chapitre de la thèse et dans le cadre duquel nous nous basons sur les résultats de l’analyse descriptive effectuée dans le troisième chapitre, conjointement aux apports de l’enquête empirique, afin de dresser un bilan d’évaluation de l’efficacité du système sectoriel d’innovation en Tunisie en matière de dynamisation des transferts de technologies et de propulsion de l’innovation pharmaceutique locale. La pertinence de ce bilan d’évaluation sera mieux estimée en positionnant le système sectoriel d’innovation en Tunisie par rapport à d’autres pays émergents.

Le choix de ces pays repose concomitamment sur deux ensembles de critères Le premier consiste en ce que l’évolution actuelle de l’industrie pharmaceutique tunisienne présente des caractéristiques (industrielles et législatives i.e. en matière de brevetabilité des médicaments) similaires à celles perçues à l’émergence des industries pharmaceutiques des pays sélectionnés. Récemment, celles-ci réalisent des performances d’innovation croissantes, tant en termes d’attractivité vis-à-vis à des IDE pharmaceutiques de R&D qu’en termes d’innovation endogène ; c’est ce qui correspond au deuxième ensemble des critères sur lequel se base le choix des pays étudiés, à savoir, l’Inde, le Brésil, la Chine et la Jordanie.

Ainsi, dans un premier temps, l’étude de la transition progressive de ces industries pharmaceutiques d’industries imitatrices vers des industries innovation oriented permettra d’estimer son impact sur l’innovation pharmaceutique en Tunisie, au niveau tant statique que dynamique. Dans un second temps, les enseignements qui peuvent être tirés de cette analyse comparative, d’une part, et les conclusions tirées de notre analyse théorique et empirique, d’autre part, sont autant d’éléments qui nous permettront de formuler un ensemble de recommandations qui s’inscriront dans un objectif de consolider les atouts du système d’innovation en Tunisie et d’en suppléer les lacunes. Dans ce sens, nous tentons de conceptualiser un « modèle d’innovation » que pourrait suivre la Tunisie pour impulser l’innovation pharmaceutique locale et accélérer le processus de « décollage » (take off) et éventuellement, le « rattrapage » (catching up) de son système d’innovation.

A l’issue de notre étude, et sur la base de conclusions tirées de l’étude théorique et de l’analyse empirique, il sera opportun de discuter la faisabilité et la légitimité de ces recommandations dans un contexte politico-économique local et régional en transformation et qui posent autant d’opportunités que de menaces au développement de l’innovation pharmaceutique et de l’économie tunisienne dans sa globalité.

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