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2.2.1.2.3 Brevetabilité et arbitrage entre les modes de transferts de technologie L’étude de l’impact de la brevetabilité sur les transferts de technologie révèle aussi son

influence sur le choix du mode de transfert. Bien que les modèles qui affirment la relation complémentaire entre commerce et IDE avancent que les facteurs qui accroissent (diminuent) les exportations, accroissent (diminuent) parallèlement les licences et les ventes des filiales, les modèles qui affirment la substituabilité, estiment que les firmes procèdent à une délocalisation internationale, entre autres, pour contourner les barrières à l’exportation. Considérant que la non brevetabilité constitue une barrière à l’entrée (Smith, 1999 ; Combe et Pfister, 2001 ; Guillochon et Kawecki, 2003), la théorie présume que, pour pallier la faiblesse des brevets, les firmes peuvent choisir d’établir une filiale à l’étranger plutôt que d’exporter et ce dans l’objectif d’assurer une présence locale dissuasive aux imitateurs.

Mais, l’établissement d’une filiale et/ou la cession d’une licence à une entreprise dans un pays qui ne reconnaît pas la brevetabilité, constituent une stratégie risquée dans la mesure où elle se traduit par des transferts de technologie importants. Dans ces

conditions, le renforcement de la protection des brevets est susceptible de favoriser l’établissement de filiales à l’étranger aux dépens de l’exportation (Ferrantino, 1993 ; Fink et Primo-Braga, 1998). En revanche, lorsque l’IDE s’inscrit dans le cadre d’une stratégie d’inhibition à l’imitation, la brevetabilité est de nature à privilégier les exportations (Combe et Pfister, 2001).

Dans ce contexte, une étude par Smith (2001) vise à analyser la sensibilité de chaque mode (cession de licences, établissement de filiales, exportations), en fonction du potentiel de protection des brevets. Le renforcement des brevets n’affecte pas dans une même mesure les différents modes de transferts compte tenu des disparités du potentiel d’imitation : « the means of imitation tend to differ across these forms of bilateral exchange » (Smith, 2001, p.412).

En conséquence, les coûts et le risque d’imitation dépendent des avantages compétitifs de la firme (en particulier son avance technologique sur les concurrents), ce qui renvoie au paradigme éclectique76 de Dunning (1980 ; 1995). La technologie peut être localisée au sein de la firme et du pays d’origine (dans le cas de l’exportation) ou transférée en dehors de la firme (via les licences) et/ou en dehors du pays d’origine (à travers l’IDE et les licences internationales).

Ainsi, la sensibilité de chaque mode d’échange bilatéral vis-à-vis des brevets, dépend de la probabilité de diffusion des technologies de la firme aux imitateurs étrangers. En d’autres termes, l’impact des ADPIC sur le commerce et l’IDE varie selon que la technologie est transférée « outside » le pays et/ou la firme d’origine. En fait, ces constats expliquent, dans une grande mesure, le fait que les licences et l’IDE sont plus sensibles aux brevets que les exportations (Tableau 2.6).

76 L’approche OLI ou « Ownership – Location - Internalization » connue également par le paradigme éclectique est une approche développée par Dunning (1980 ; 1995). Les avantages de l’ownership réfèrent aux avantages compétitifs d’une firme qui envisage la multinationalisation via l’IDE. La firme est d’autant plus encline à établir un IDE que ses avantages compétitifs sont importants. Les avantages de la localisation désignent l’existence d’avantages naturels et/ou construits dans les pays potentiels de localisation et qui, conjointement aux avantages compétitifs de la firme, orientent son choix de la localisation de son IDE. Enfin, l’internalisation est la stratégie à travers laquelle les opérations qui ne peuvent être réalisées plus efficacement par des partenaires externes à l’entreprise, y sont internalisées. Dans ce sens, plus les bénéfices net de l’internalisation de la production ou la recherche au sein de la firme sont élevés, plus elle est encline à opter pour l’IDE plutôt que pour la cession de licence.

Tableau 2.6 Impact des brevets sur le mode de transferts de technologie Localisation dans le pays d’origine (i) Internalisation au sein de la firme (ii) Localisation/Internalisation (iii) Insid e Outsid e Insid e Outsid e “Inside” pays / “Inside” firme “Outside” pays / “Inside” firme “Outside” pays / “Outside” firme Exportations faible -- faible -- faible/faibl

e -- --

Etablissemen

t de filiales -- élevé faible -- --

élevé/faibl

e --

Licence -- élevé -- élevé -- -- élevé/élev

é

Source : Smith, P. (2001), p.416.

Les cellules du tableau ci-dessus sont activées77 lorsque la forme d’échange bilatéral (parmi les trois alternatives) découle des décisions, combinées et/ou séparées, d’internalisation et de localisation. Par exemple, la cellule qui illustre la décision combinée de localiser la production « outside » le pays d’origine et de l’internaliser « inside » la firme, n’est activée que pour les ventes des filiales. En fait, lorsqu’elles sont activées, les cellules du tableau précédent indiquent la probabilité que les technologies et les connaissances de la firme soient contrefaites et, donc signalent le degré de sensibilité de chaque mode d’échange bilatéral à la rigueur des brevets étrangers. Ainsi, lorsque le mode de service de la demande étrangère est l’exportation, le risque d’imitation est faible, par conséquent, la réaction vis-à-vis de l’extension de la brevetabilité dans les pays importateurs est aussi faible.

Dans ce contexte, la colonne (i) montre si la technologie est transférée en dehors du pays d’origine, c’est-à-dire si l’entrée aux marchés étrangers s’effectue à travers la multinationalisation ou la cession des licences, ou plutôt via l’exportation. En fait, on assiste à des avantages de localisation, lorsque la production à l’étranger s’avère plus profitable pour la firme, d’où, les avantages de localisation favorisent les licences et les

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ventes des filiales plus que les exportations. Alternativement, l’imitation de la technologie par les entreprises des pays d’implantation, est comparée à un désavantage de coût, elle est alors de nature à dissuader la délocalisation vers ces pays. Dans ces conditions, le renforcement des brevets, qui accroît les coûts associés aux activités d’imitation et réduit le risque de diffusion des technologies, est prévu être plus significatif pour l’IDE que pour le commerce.

Ensuite, la colonne (ii) du tableau ci-dessus discerne la décision d’internalisation des connaissances au sein de la firme. En fait, l’internalisation des activités au sein de l’entreprise se révèle de rigueur lorsque la cession de licence se traduit par une probabilité élevée de perte d’avantage technologique. Ainsi, l’internalisation favorise l’exportation et l’IDE aux dépens des licences. Suite au renforcement des brevets, le besoin d’internaliser la connaissance au sein de la firme décroît78

. Dans ces conditions, les licences sont d’autant plus enclines à s’accroître que l’externalisation expose l’entreprise à un risque d’imitation élevé (Lippoldt et Park, 2003).

Finalement, dans la colonne (iii), le tableau précédent présente les trois combinaisons possibles des décisions de localisation et d’internalisation :

 La technologie est, à la fois, localisée « inside » le pays d’origine et internalisée « inside » l’entreprise : la firme procède à l’exportation ;

 La technologie est localisée « outside » le pays d’origine mais internalisée « inside » la firme : celle-ci opte pour l’établissement de filiales à l’étranger ;

 La technologie est, à la fois, localisée « outside » le pays d’origine et « outside » l’entreprise : c’est le cas où la firme opte pour des contrats de licences.

En résumé, les licences semblent plus sensibles à la brevetabilité que les exportations et l’établissement de filiales à l’étranger, dans la mesure où la cession de licences est associée au degré le plus faible de contrôle des technologies par la firme d’origine. Parallèlement, lorsque la délocalisation internationale de la technologie accroît le risque de son appropriation par les investisseurs étrangers, les ventes des filiales sont prévues répondre au renforcement des brevets, mais dans une moindre mesure que les licences.

78 Des brevets forts imposent une sorte de pénalité aux firmes qui abandonnent le contrat de licence de façon unilatérale.

Finalement, les exportations sont supposées être les moins sensibles à l’application des ADPIC dans les PED, vu que la localisation de la technologie « inside » le pays et « inside » la firme d’origine, réduit le risque de son appropriation par les importateurs (Smith, 2001). Selon l’approche OLI, la menace d’imitation est plus élevée lorsque la technologie est transférée en dehors du pays d’origine. Toutefois, lorsqu’elle est transmise en dehors de la firme, la menace d’imitation dépend du différentiel des coûts relatifs à la résiliation du contrat de licence par rapport aux coûts de la mobilité du personnel des filiales.

Ainsi, dans la mesure où l’arbitrage entre exportation, licence et IDE, s’effectue en tenant en compte les risques inhérents à chaque stratégie, Smith (2001) montre empiriquement que des brevets renforcés exercent un impact positif (expansion market effect) sur les trois modes, plus précisément, une augmentation de 1% de l’indice des brevets, induit 0,55% d’accroissement dans les trois modes. Par ailleurs, l’affermissement de la protection des brevets confère un avantage de localisation qui accroît les licences et l’IDE, relativement aux exportations. Ainsi, un même accroissement de 1% de l’indice des brevets, implique une appréciation de 0,91% des licences et d’IDE par rapport aux flux d’exportations. De surcroît, le renforcement des brevets impliquent un effet d’internalisation qui favorise les licences relativement aux IDE. En effet, l’accroissement des licences est de 1,14% plus important que les IDE.

En résumé, il en ressort que la brevetabilité exerce un impact mitigé sur l’innovation endogène ainsi que sur l’innovation via les transferts de technologie. Ceci s’explique par le fait que son rôle n’est pas isolé, mais il constitue une composante de tout un éventail de facteurs qui influencent l’incitation (à) et le rythme de l’innovation d’une firme, d’une industrie, d’une économie.

Au niveau de la firme, tant les transferts de technologies, que ses capacités d’absorption, et donc ses potentialités d’innovation, ne dépendent pas de ses seules caractéristiques intrinsèques ou de l’incitation procurée par la brevetabilité. Ils dépendent en effet et, dans une grande mesure, de la qualité (de l’efficacité) du « système d’innovation » dans lequel elle s’inscrit. D’où, élucider l’ambiguïté de la relation entre la brevetabilité et l’innovation (en l’occurrence dans le secteur pharmaceutique), requiert l’adoption d’une approche systémique.

2.2.2- Pour une approche systémique de l’innovation : rôle

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