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Les déterminants de l’innovation sont les facteurs matériels, organisationnels, de marché, etc. qui doivent être réunis pour que l’activité d’innovation soit possible. L’innovation dépend de la façon dont l’entreprise combine, systématise, exploite, l’ensemble de ces facteurs dans un processus de production de la connaissance. Une innovation peut être effectuée sur la base de l’exploitation des ressources internes de l’entreprise, s’agissant dans ce cas d’une innovation qui peut être qualifiée d’« endogène ». Par ailleurs, l’innovation peut aussi avoir lieu à travers l’acquisition de ressources externes auprès d’autres entités ; cette innovation peut être qualifiée d’« exogène ».

Le capital-savoir : un indicateur des capacités d’innovation de la firme

L’innovation est en général à la fois endogène et exogène dans la mesure où c’est une activité qui, outre les ressources internes, requiert le recours à des informations, savoirs,

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Les médicaments princeps sont les médicaments de marque, appelés également médicaments innovants ou médicaments d’origine ou encore médicaments éthiques. C’est de par leur nouveauté (entre autres critères) que, conformément aux dispositions des ADPIC, ces médicaments sont brevetables pour une période de 20 ans, au-delà de laquelle ils tombent dans le domaine public.

savoir-faire, une connaissance, dont disposent des acteurs externes à l’entreprise. En effet, pour innover l’entreprise a recours à des ressources qu’elle produit (internes) ainsi qu’à des ressources produites par d’autres (externes) et qu’elle acquiert, absorbe et assimile et intègre dans son capital-savoir.

Le capital-savoir se définit donc comme « l’ensemble des informations et des connaissances scientifiques et techniques qu’elle produit, acquiert, combine et systématise en vue de les utiliser dans le processus de production de la valeur. C’est donc un concept dynamique qui fait référence au savoir accumulé au sein de la firme, intégré dans ses ressources humaines, technologiques, organisationnelles et enrichi continuellement par les flux d’informations48

» qu’elle acquiert aussi bien en interne qu’en externe (Laperche, 2007 ; 2008 ; 2011).

Les investissements internes en R&D et l’acquisition des ressources externes sont des stratégies interdépendantes et complémentaires dans la constitution du capital-savoir des firmes (Laperche, 2008), d’autant plus qu’elles opèrent dans un secteur science-based tel que l’industrie pharmaceutique.

Tableau 2.4 Les ressources internes et externes pour la constitution du capital- savoir

Ressources internes Ressources externes

- Investissement dans les ressources humaines ;

- Investissement (dans) et management de la R&D et des moyens de production

(tangibles et intangibles).

- Contrats avec d’autres entreprises (y compris les accords licences) ; - Contrats avec des institutions : par

exemple avec des laboratoires de recherche universitaires (y compris les accords de licences et le recrutement à court-terme des chercheurs) ;

- Contacts informels.

Source : Laperche, (2008, p.256)

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L’investissement des firmes pharmaceutiques dans des activités d’innovation (mineures et/ou majeures) apparaît dans les stratégies qu’elles adoptent dans la constitution, le développement et la protection de leur capital-savoir.

La constitution du capital-savoir indique la manière dont la firme acquiert et recueille des informations sur les marchés (veille stratégique), produit de la connaissance individuellement ou en collaboration (R&D interne, partenariats), transforme ces informations en connaissances en routines et en savoir-faire ; sources d’avantages spécifiques et utilise cette connaissance et ces informations dans un processus de production de valeur (par leur intégration dans leur propre processus de production ou par la vente de tout ou partie de ce capital-savoir) (Laperche, 2008) (Schéma 2.1).

Schéma 2.1 Le capital-savoir

Source : Laperche (2007)

Ainsi, le capital-savoir regroupe l’ensemble d’inputs et de throughputs de l’innovation qui sont produits, acquis, accumulés, exploités et traités par la firme en vue de créer des outputs de l’innovation.

Stock de connaissances de l’entreprise, incorporé dans les

individus, les machines, les processus et les routines

*Transfert à d’autres entreprises *Utilisation dans le processus de production pour : - Créer de nouveaux biens et services - Améliorer des biens et services existants Capital savoir construit par

la firme seule ou en collaboration : Informations scientifiques et techniques qui alimentent le stock de connaissances de l’entreprise

Diffusion d’une partie de l’information scientifique et technique constituant le capital savoir

Utilité et objectif du capital savoir

Les inputs de l’innovation constituent les intrants (ressources financières, matérielles, humaines, etc.) exploités par la firme pour créer de la valeur. Tandis que les throughputs de l’innovation peuvent être définis comme la « boîte noire » (Vermeulen et al., 2003) de la technologie et de l’innovation. Cette « boîte noire » réfère aux mécanismes, méthodes, moyens, exploités par la firme en vue de transformer les inputs de l’innovation en outputs de l’innovation, i.e. des médicaments nouveaux, dans le cas de l’industrie pharmaceutique.

Ainsi, la qualité et la pertinence des throughputs de l’innovation, notamment en matière d’organisation de la R&D (Coriat et Weinstein, 2002; Hagedoorn et Cloodt, 2003; Vermeulen et al., 2003), influencent la portée (majeure, mineure) et la qualité (inventivité et apport scientifique et technique) des outputs de l’innovation.

Les inputs de l’innovation

Une innovation n’est réalisable que si la firme dispose d’un ensemble d’intrants matériels (financiers, équipements) et immatériels (compétences humaines, informations, logiciels). Par la suite, la portée (importance inventivité) de l’innovation dépend de la qualité scientifique de ces intrants ainsi que des capacités et de l’organisation de la firme en vue de les exploiter à bon escient. A partir de la littérature économique, s’identifient deux inputs déterminants de l’innovation, à savoir les compétences humaines et les ressources financières.

i) Les compétences humaines constituent une variable clef de l’innovation dans la mesure où elles incorporent, acquièrent, accumulent et enrichissent le savoir-faire, les connaissances et les informations au sein d’une entreprise. Elles peuvent être une impulsion comme un obstacle à l’investissement (en) et aux résultats de la R&D. L’innovation est au final un processus de création de la connaissance qui repose sur de la connaissance, elle-même intégrée dans les ressources humaines de la firme. L’avance technologique d’une firme par rapport à ses concurrents (innovation) peut être considérée comme étant le résultat d’un processus d’apprentissage et de pratiques qu’elle a pu construire via et intégrer dans ses ressources humaines (Cohen et Levinthal, 1989 ; Silva, 2009). Entre autres facteurs, ce processus d’apprentissage comprend la connaissance, les compétences, les savoirs, le savoir-

faire des ressources humaines de la firme et reflète donc ses capacités d’innovation49

.

ii) Les investissements des firmes en innovation et le système de financement des activités de R&D illustrent « l’interdépendance entre les deux sphères de l’économie, la sphère réelle et la sphère monétaire » (Ülgen50

, 2002, p.265). Les ressources financières sont ainsi une composante cruciale pour que l’investissement en innovation soit possible (Hollensetin, 1996 ; Feeny et Rogers, 2001, Hagedoorn et Cloodt, 2003 ; Carayannis et Province, 2008 ; Park, 2009). En effet, les coûts considérables de R&D entravent certaines firmes de s’engager dans des activités d’innovation (dont en plus les résultats sont incertains) et ce, en dépit de potentialités scientifiques et techniques parfois favorables.

Les ressources financières sont d’autant plus déterminantes qu’il s’agit d’un secteur où le processus de R&D est long et coûteux, comme dans le cas de l’industrie pharmaceutique (cf. chapitre premier). Cette variable influence également l’intensité technologique de la firme i.e. la sophistication de ses équipements de recherche et de production (nouveaux matériels) (Hollenstein, 1996), de son système d’information et de communication, etc. De même elle influence la qualité de ses ressources humaines ; celles-ci étant d’autant plus coûteuses en termes de rémunération qu’elles sont qualifiées.

iii) Les ressources informationnelles représentent également déterminant de l’innovation en ce sens qu’elle influence sa réalisabilité et sa réussite (Lévêque et Ménière, 2006). L’innovation, comme nous l’avons présenté dans le chapitre premier, revient à produire de la connaissance qui est à son tour une forme d’information codée. L’innovation est d’autant plus opportune que la firme dispose de l’information scientifique et technique (réalisabilité technique) que de l’information de marché (réalisabilité commerciale ; profitabilité).

49 Dans le paragraphe traitant de l’importance des transferts de technologie dans l’innovation, nous soulignons l’impératif et les moyens de la construction des compétences en vue d’améliorer les capacités d’absorption des ressources humaines.

Les throughputs de l’innovation

L’exploration par la littérature économique de la « boîte noire » que représente les throughputs de l’innovation révèle que ceux-ci peuvent désigner l’organisation de la R&D au sein de l’entreprise (Hertog et Brouwer, 2000), l’intensité, la pertinence (Rothwell, 1991; Tidd et al., 1997; Hertog et Brouwer, 2000; Vermeulen et al., 2003) et la gestion (Coriat et Weinstein, 2002 ; Carayannis et Provance, 2008) des flux de la connaissance, de technologies, d’informations scientifiques et techniques internes (entre employés, entre départements) (Hollenstein, 1996 ; Cooke et al., 2000) et externes (acquises auprès d’autres entreprises, organismes, universités, etc.) (Cooke et al., 2000 ; Arvanitis et Hollenstein, 2004) à la firme.

Les outputs de l’innovation

Les outputs de l’innovation sont les résultats du processus de la R&D à travers lequel il y a eu la transformation des inputs en outputs (inventions, connaissance, savoirs, savoir- faire). Ces outputs sont n général mesurés par la valeur des produits innovants mis sur le marché par rapport à la valeur globale des ventes de la firme (propension à innover) et/ou par le nombre de publications scientifiques et de brevets déposés et obtenus51 (schéma 2.2).

Schéma 2.2 Composantes du capital-savoir et processus d’innovation

51 Les différents indicateurs pour mesurer l’innovation font l’objet d’une étude détaillée dans le cinquième chapitre.

Innovation

inputs Innovation throughputs Innovation outputs

Transformation Reintegration

Source : à partir de Vermeulen et al. (2003)

Dans le cadre d’une modélisation linéaire de l’innovation, ces outputs représentent l’ultime étape du processus. En revanche, l’approche évolutionniste de l’innovation réfute la linéarité de ce processus et démontre qu’il est plutôt interactif (Kline et Rosenberg, 1986 ; Lundvall, 1985 ; Boyer et Didier, 1998, p.15) en ce sens qu’il existe des feedbacks entre les phases successives de R&D depuis la conception jusqu’à la création et la mise sur le marché des nouveaux outputs.

Ceci se traduit selon, Kline et Rosenberg (1986), par des sous-processus d’innovation et qui forment dans leur ensemble le « chain-linked model of innovation » ou le modèle de la chaîne interconnecté de l’innovation. Par conséquent, la création des outputs de l’innovation annonce plutôt le début d’un nouveau processus et/ou sous-processus d’innovation ; les outputs sont réintégrés en tant que nouveaux inputs (schéma 2.2).

L’analyse de l’impact des brevets sur l’incitation à l’innovation des firmes dépend dans un premier temps de la réponse à une question fondamentale : abstraction faite de la protection assurée par le brevet, est-ce que la firme est incitée à innover ? Dans un second temps, il s’agit de répondre à une autre question non moins importante : est-ce que la firme dispose des déterminants nécessaires pour innover ?

La réponse à la première question indique sur l’« innovation orientation » de la firme (étant donné que toutes les firmes ne visent pas l’innovation comme stratégie de développement). La réponse à la deuxième question revient à analyser dans quelle mesure une firme orientée vers l’innovation (innovation-oriented) est techniquement, scientifiquement, financièrement, commercialement, capable d’innover. Ce sont deux questions interdépendantes, dans la mesure où l’« innovation orientation » de la firme dépend de ses capacités d’innovation.

Des réponses différentes à ces questions se traduisent par des impacts différents des brevets sur l’innovation : l’« innovation orientation » et le potentiel de l’innovation d’une firme sont des éléments qui apparaissent dans ses stratégies de constitution et de protection de son capital-savoir, lesquels déterminent l’impact des brevets sur l’innovation.

2.1.2- Stratégies de constitution du capital-savoir et incitation à

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