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Le système éducatif britannique, un système encore en transition ? Le titre de cette section souligne les multiples réformes et transformations qui ont

gestion de l’emploi par les entreprises

1.1 Deux systèmes éducatif et de formation largement différents…

1.1.2 Le système éducatif britannique, un système encore en transition ? Le titre de cette section souligne les multiples réformes et transformations qui ont

traversé le SEF britannique depuis presque trente ans. Les années deux mille ne sont pas encore celles d’une stabilisation de l’architecture ou du schéma général du SEF, certaines réformes étant trop récentes pour avoir eu des effets probants. Il nous semblait nécessaire de commencer par un cadrage historique pour comprendre l’état du SEF britannique à l’heure actuelle.

Cadrage historique

La fin des années soixante-dix est marquée par une réforme de l’éducation et de la FP au Royaume-Uni. Avant cette période, le système britannique se caractérisait par une séparation nette entre enseignement général et professionnel accentuée par les réformes des années soixante (Ryan, 1995), et une faible finalité professionnelle de l’enseignement. La formation professionnelle des années soixante-dix se fait par le biais de l’apprentissage concentré sur quelques métiers artisanaux et industriels et ne concernait qu’une population assez restreinte (Duthil et Paquet-Vaultier, 1999). Le reste de la formation professionnelle se fait de façon informelle dans l’entreprise et se restreint souvent aux éléments nécessaires au poste de travail. Ceci renvoie à la tradition britannique selon laquelle la formation professionnelle est une prérogative des entreprises, elle doit donc être régulée, gérée par les employeurs et les syndicats par le biais de la négociation collective.

A côté de cette tradition, on retrouve celle de décentralisation et d’autonomie locale très forte en comparaison de la France. L’enseignement général autant que la formation professionnelle dépendent très largement des décisions des Local Education Authorities (LEA). Ce n’est qu’en 1973 et l’instauration de la Manpower Services Commission (MSC) qu’est introduite une intervention de l’Etat au niveau national quant à la formation professionnelle, mais celle-ci se transformera rapidement en organisme de gestion du chômage.

Dans un autre mouvement, plus récent, les réformes cherchent, comme l’explique Ryan (1995), à instaurer un véritable marché de la formation dans lequel l’Etat joue tout au plus un rôle secondaire, en ce qui concerne la formation professionnelle privée ; en ce qui concerne

l’enseignement général et la formation professionnelle publics, elles ont opté pour des quasi- marchés dans lesquels l’Etat conserve un rôle clé ainsi que des pouvoirs importants d’initiative, mais où la concurrence entre structures décentralisées vise à réduire les coûts tout en augmentant les possibilités de choix des consommateurs. Le partage des responsabilités s’est effectué comme suit : les entreprises et les salariés prennent en charge leur besoin de formation en faisant appel au marché de la formation, l’Etat prend en charge les chômeurs.

Au niveau de la formation professionnelle, le nouveau système cherche à lutter contre le morcellement des contenus de formations et des organismes certificateurs, pour aller dans le sens d’un système de qualification national, standardisé comme il peut exister en France. Ainsi le National Council for Vocational Qualification (NCVQ), étalon national de qualifications, est créé en 1986 (Valette, 2002). Sur la base d’une comparaison entre les institutions de formation et de certification des compétences professionnelles entre la France et le Royaume-Uni, Bessy (Bessy et alii, 1999) montre que «la moindre reconnaissance de la formation professionnelle, renforcée par le déclin du système d’apprentissage traditionnel, et le recours systématique des entreprises britanniques au marché externe auraient favorisé l’émergence du système des NVQs». Ce n’est pas un processus de formation commun ou fixé a priori, les programmes et méthodes d’apprentissage ne sont pas codifiés, seul un certain niveau est à atteindre. L’exclusivité de la définition des qualifications est au main des employeurs et le système des NVQs reflète le refus des entreprises de payer pour des formations théoriques ou générales non directement opérationnelles (Steedman, 1999). Il s’agit donc d’une orientation que l’on peut qualifier de «outcome-based», l’évaluation se faisant sur le lieu de travail par l’intermédiaire de démonstration et de questions pratiques. Il s’agissait d’élaborer des critères généraux valables dans tous les cursus de formation découpés en modules, chacun composé d’un ensemble de compétences à démontrer. Ainsi le but de la formation est l’acquisition d’aptitudes dans le sens d’une «matrice génératrice de performances particulières» (Bessy, 2000) afin de favoriser la transférabilité des compétences professionnelles. Les performances des établissements de formation, principalement professionnelle, sont ainsi mesurées par le nombre et le niveau des NVQs obtenus par leurs élèves.

En parallèle, l’Etat garde une place prééminente dans l’enseignement général notamment par le biais du National Curriculum et on assiste à un phénomène de centralisation

par l’intermédiaire «d’organisations quasi-gouvernementales» qui régulent «désormais de manière centralisée des fonctions telles le financement, le programme, l’évaluation, les carrières et l’inspection» (Ryan, 1995). Les cursus secondaires sont aussi modifiés dans le sens de la pénétration des enseignements professionnels jusque là absents. Cette professionnalisation du secondaire, tendance forte des années quatre vingts et quatre vingt dix, passe par la mise en œuvre des General National Vocational Qualification (GNVQ), en 1992, qui vise à permettre des équivalences entre la formation en entreprise, la formation générale et la formation professionnelle, les GNVQs étant une norme de certification des compétences professionnelles acquises en formation initiale. Néanmoins, cette adaptation des NVQs à la formation initiale pose des problèmes de définition d’une connaissance de base et de construction des identités professionnelles. La conséquence visible en est l’augmentation du poids des connaissances générales par rapport aux connaissances techniques dans l’obtention des NVQs et GNVQs (Bessy, 2000).

Si le mouvement d’accroissement des qualifications est indéniable, le manque de qualifications intermédiaires reste un problème non résolu et va amener à une rénovation de l’apprentissage avec l’instauration en 1993 du programme Modern Apprenticeship33 (Ashton et Balchin, 1995). Son but est de combler le manque de personnel qualifié (notamment au niveau des techniciens) dans les secteurs artisanaux modernes. Ces dispositifs répondent au souhait du gouvernement d’instaurer une offre d’éducation et de formation qui s’adapte mieux et plus vite aux besoins des entreprises tout en rappelant que la formation professionnelle reste la prérogative de l’entreprise.

La formation professionnelle des jeunes au Royaume-Uni à la fin des années quatre vingt dix se divise en deux sous-ensembles. L’enseignement complémentaire traditionnel est dispensé dans les Sixth Forms34 ou dans les Further Education Colleges35. Les dispositifs publics d’encouragement à la formation professionnelle correspondent à des dispositifs en alternance que sont les YT, remplacés en 1998 par le National Traineeship36, et le Modern Apprenticeship. Le nouveau système cherche à lutter contre le morcellement des contenus des

33 Il s’agit d’un plan de formation avec un contrat signé et garanti par un TEC, exposant les droits et les

obligations des deux parties et l’engagement de mener l’apprentissage à bonne fin. Cette formation doit mener à une qualification de niveau 3 (équivalent au baccalauréat français) ou 4 dans le système NVQs.

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Ces établissements proposent une formation générale visant la poursuite d’études, sans formation professionnelle jusqu’en 1995 où apparaissent des incitations financières à proposer des GNVQs.

35 Ce sont des établissements de formation professionnelle qui offrent un éventail très large de formation. 36 Il s’agit de formule de stage national accompagné d’un engagement de formation de la part de l’Etat.

formations et des organismes certificateurs, pour aller dans le sens d’un système de qualification national, standardisé qui permette plus de transparence. Les réformes des GNVQ’s, le développement du Modern Apprenticeship, et aujourd’hui la préparation des Specialized Diplomas illustre un certain changement de cap par rapport à la logique des NVQ’s. Ils associent plus nettement connaissances générales et professionnelles et sont tournés vers la possibilité de poursuite d’études.

Quasi-marché de la formation et encadrement institutionnel croissant dans le cadre d’un «Etat-décentralisateur-volontariste37»

Le SEF britannique est caractérisé par un degré de standardisation institutionnelle relativement faible même s’il est renforcé par les récentes réformes notamment au niveau des contenus et des établissements formateurs.

L’action publique pour la formation professionnelle au Royaume-Uni se base comme on l’a vu sur «une individualisation, une atomisation des acteurs de l’offre et de la demande de formation auxquels elle impose un cadre normatif commun de règles financières, de contrôle et de certification» (Bel, Bouder, Le Douaré, 1998, p.1).

Le développement de cette logique de marché, encouragé notamment par la liberté totale des familles dans le choix des établissements, instauré en 1988, par l’Education Reform Act, se fait en parallèle d’une certaine volonté de centralisation du SEF. Cette centralisation se met principalement en place par l’intermédiaire d’une agence nationale fixant des normes de curriculum et d’évaluation. Il s’agit d’un encadrement plus rigoureux du fonctionnement des écoles via des objectifs scolaires nationaux,38 même si celles-ci ont vu leur autonomie s’accroître (Mons, 2004). Ainsi concernant la répartition des compétences éducatives, les établissements scolaires contrôlent, en collaboration avec d’autres centres de pouvoirs, la conception des programmes, le recrutement des enseignants et l’allocation budgétaire ; l’Etat central conserve la main mise sur les certifications, la détermination des conditions des services enseignants (Mons, 2004). On retrouve ici la séparation traditionnelle Outre-Manche

37 Nous empruntons ici cette notion à Mons (2004), notion qui sera explicitée plus loin dans la section.

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Les premiers objectifs nationaux pour l’enseignement et la formation ont été fixés en 1991 puis révisés en 1995 et en 1998. Ces objectifs s’expriment en nombre de jeunes en formation initiale et en niveau de qualification que les actifs doivent atteindre. Un conseil consultatif national veille à leur réalisation.

entre organismes formateurs et certificateurs. Ces tendances centralisatrices ne remettent pas en cause le caractère décentralisé du SEF britannique que Mons (2004) qualifie de modèle «d’Etat-décentralisateur-volontariste» (p. 45). Dans ce cadre, les écoles et pouvoirs politiques locaux ont de véritables compétences et pouvoirs autant éducatifs que pédagogiques, l’Etat central quant à lui régule et contrôle, il pilote par les résultats via la fixation d’objectifs nationaux et de programmes obligatoires.

Dans cette section nous avons voulu mettre en avant les différences qui caractérisent les SEF français et britannique tout en retraçant leurs évolutions respectives. L’un est et reste centralisé, l’autre accorde une grande autonomie aux établissements tout en cherchant à mettre en place des référentiels nationaux. C’est notamment sur ce point qu’apparaissent des tendances communes aux SEF des deux pays, tout comme à propos de la professionnalisation du secondaire et du supérieur ou de la recherche d’une plus grande proximité avec le monde du travail alliée à une hausse des niveaux de formation.

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