• Aucun résultat trouvé

Le poids des facteurs extérieurs dans l’émergence des marchés internes du travail

l’émergence des marchés internes du travail

2.1.2 Le poids des facteurs extérieurs dans l’émergence des marchés internes du travail

En 1984, Osterman coordonne un ouvrage, intitulé Internal Labor Markets, sur les pratiques d’emploi des grandes entreprises dont l’unité thématique se fait autour de la notion de marché interne du travail. Cette notion est définie comme un ensemble de règles et de procédures, internes à l’entreprise, qui déterminent le prix et l’allocation du travail, reprenant ainsi la définition de Doeringer et Piore (1971). L’ouvrage a pour but de contribuer à ouvrir la «boîte noire» qu’est l’entreprise pour décrire et mieux comprendre les pratiques d’emploi en son sein. Pour les contributeurs à l’ouvrage, l’explication de l’émergence des marchés internes du travail dépasse la simple maximisation des profits par des firmes rationnelles, il faut prendre en compte d’autres facteurs comme la présence de syndicats et leur poids, les interventions de l’Etat, les cultures et habitudes locales, les normes informelles de chaque groupe de travail…

L’ouvrage d’Osterman (1984) illustre ensuite la diversité de ce type de régulation d’emploi notamment dans le cas des salariés d’encadrement et des «cols blancs» à travers des mobilités moins linéaires que dans le modèle classique, plus ou moins ouvertes sur l’extérieur. On retrouve ici l’idée des différents sous-systèmes d’emploi qu’il avait présenté dans son article de 1982, tout en ajoutant un point sur la diversité de la nature des marchés internes selon les emplois (secrétaire ou manager), selon les secteurs d’activités ou les pays25.

Osterman (1994) dans son analyse des facteurs d’influence de la politique de gestion des entreprises, tout comme dans l’ouvrage de 1984, met en avant l’importance de la prise en compte de facteurs extérieurs à l’entreprise qui sont trop souvent considérés comme donnés. Dans cet article, l’auteur expose un modèle formé de trois cercles concentriques d’influence : les critères de performances, les normes et habitudes internes et les conditions extérieures.

25 “It seems apparent that there is considerably more variety in the nature of internal labor markets than has

generally been recognised. The internal labor market for different occupations, such as clerks and managers, differ considerably within the firm. There is also industrial variation; for example, career lines of managers in high-technology firms may differ in significant ways from lines of managers in older industries. Internal market rules for comparable industries also differ across national boundaries.” Osterman, 1984, p.20.

Schéma 1: Les trois cercles d’influence dans l’analyse d’Osterman (1994)

Dès la présentation du premier cercle d’influence il souligne l’importance des éléments extérieurs.

“It is important to understand that the salient of each variant of a performance-based explanation is conditioned on external conditions or constraints. One obvious example is technology (…). Other external constraints include the skills that the labor force brings to the firm (and hence the nature of the educational system) and the characteristics of products market (high volatility and consequent frequent shifts in product characteristics affect optimal supervision practices)”.(Osterman, 1994, p. 322).

Lors de la présentation du second cercle d’influence, Osterman (1994) revient à nouveau sur ce point. Il donne des exemples d’éléments issus de l’environnement extérieur des firmes qui jouent sur leur modèle d’organisation comme la réglementation sur le travail («government regulations regarding wages or equal employment opportunity», p. 323) ou le système éducatif. Ainsi dans son approche, l’environnement extérieur prend une grande place dans l’émergence des modes d’organisation de la main d’œuvre. Ces éléments, politiques publiques ou stratégies économiques et concurrentielles des firmes, ne sont plus considérés comme donnés alors qu’ils l’étaient chez Doeringer et Piore (1971). Son approche témoigne aussi d’une hiérarchisation des facteurs d’influence dans le sens où normes et habitudes existantes contraignent les choix en termes de performances de l’entreprise et que les premières sont elles-mêmes déterminées par l’environnement extérieur (cadre juridique, facteur culturel, système éducatif et de formation…).

Critères de performances Normes et habitudes internes

Conditions extérieures

De nature plus empirique et prospective, l’ouvrage d’Osterman, Securing Prosperity (1999), dans sa partie descriptive, fait état de l’effondrement de l’ancien système d’emploi caractérisé par une forte sécurité d’emploi et des relations de long terme entre employeurs et salariés. Les syndicats ne sont plus un contre pouvoir assez fort et cet affaiblissement place les salariés dans une situation de grande insécurité. Les solutions que propose Osterman (1999) passent par un meilleur «équipement» des individus pour qu’ils s’adaptent à cette instabilité (formation, réforme des systèmes d’indemnisation du chômage…). Une prémisse clé dans cet ouvrage correspond au rôle important donné aux institutions, aux politiques publiques qui peuvent jouer sur l’état du marché du travail et reste ainsi dans la lignée des ouvrages précédents. Ces «prescriptions» font écho à l’idée de la «Troisième voie» proposée entre autres par Blair et Giddens (2002).

Les principaux apports des travaux d’Osterman au courant segmentationniste que nous retiendrons correspondent à sa vision multidimensionnelle de l’entreprise dans laquelle peuvent cohabiter différents sous-systèmes d’emploi, à l’accent mis sur les déterminants extérieurs à l’entreprise comme les facteurs institutionnels dans l’émergence des marchés internes. Ces travaux permettent à la fois d’avoir une vision plus

fine de la segmentation car elle traverse l’entreprise, et plus globale car elle dépend de facteurs liés à l’environnement de la firme pris au sens large. On peut citer ici une phrase de l’introduction de son ouvrage de 1984 qui résume assez bien son apport :

“If we are to develop a more coherent understanding of internal labor markets then it seems important to focus on variety and change”.(Osterman, 1984, p. 20).

2.2 Marché du travail, genre et ethnie, quels sont les apports de

Outline

Documents relatifs