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marché du travail moins réglementé ?

1 Vers une généralisation de la flexibilité et de l’instabilité sur le marché du travail ?

2.3 La relation d’emploi de long terme est-elle en voie de disparition ?

Pour tenter de répondre à cette question, Auer (2005) se concentre sur l’aspect stable du marché du travail en utilisant l’ancienneté50 comme principal indicateur dans les enquêtes européennes sur la force de travail. Il montre tout d’abord que l’ancienneté moyenne a très peu évolué au cours des années quatre vingt dix confirmant ainsi les conclusions de divers travaux antérieurs de l’OCDE (1999), élément confirmé ensuite par d’autres travaux plus récents qu’il cite comme Doogan (2003, 2005), Erlinghagen et Knuth (2002), Souza-Poza (2004b). Cette stabilité de la moyenne est expliquée par une hausse des deux extrêmes, signe d’une segmentation probablement accrue, notamment entre salariés jeunes et plus âgés. Pour illustrer ce point, on peut citer un papier du CERC (2003) : en France, plus de 40% de l’emploi est occupé par des salariés ayant plus de dix ans d’ancienneté et à l’opposé 15% des personnes en emploi ont une ancienneté inférieure à un an51. Il semble d’ailleurs que la part de ces deux pôles s’accroissent sur la période 1992-2001. Auer (2005) met en avant, d’un côté, le rééquilibrage entre hommes et femmes avec une baisse de l’ancienneté des premiers compensée par une hausse de celle des femmes, et de l’autre, les différences accrues entre jeunes et travailleurs d’âge médian, les premiers ayant systématiquement des périodes d’emploi plus courtes. Ainsi en 2001, l’ancienneté moyenne des 15-24 ans était de deux ans contre plus de huit ans pour les 25-44 ans et même dix sept ans pour les plus de 45 ans. Nous mettons tout de même un bémol à ces chiffres proposés par Auer (2005) dans le sens où la part des jeunes en emploi entre 15 et 24 ans est faible, de ce fait il s’agit d’une population particulière de jeunes (sortie précoce du système scolaire…) et donc ayant une représentativité faible.

Un ensemble de travaux français va aussi dans le sens de cette absence de déclin généralisé de la stabilité d’emploi. A partir du calcul des probabilités annuelles «brutes» de transition vers le non-emploi selon l’ancienneté dans l’emploi et le sexe, sur une population de salariés du privé ayant entre 30 et 49 ans, Postel-Vinay (2003) constate certes une hausse de la probabilité de perte d’emploi entre 1977 et 2000 pour les salariés de moins de deux ans

50

L’ancienneté est définie par Auer (2005) comme la durée de présence chez l’employeur actuel ou comme la durée pendant laquelle un individu a exercé la même profession en tant que travailleur indépendant.

51 L’analyse présentée porte sur la période 1992-2001, mais le document du CERC (2003) ne donne pas l’année

exacte à laquelle correspondent les chiffres cités.

d’ancienneté mais pas pour les autres catégories. On ne peut donc pas conclure à une hausse généralisée de l’instabilité d’emploi, l’auteur indiquant qui plus est que ces résultats prouvent que le «rôle protecteur de l’ancienneté n’a non seulement pas baissé mais s’est bel et bien renforcé» (Postel-Vinay, 2003, p. 26).

Fougère (2003) défend aussi l’idée d’une absence de hausse généralisée de l’instabilité de l’emploi. Dans ce travail, Fougère (2003) remet en cause la pertinence d’une analyse en termes d’ancienneté moyenne pour étudier l’instabilité de l’emploi. Il propose de réfléchir sur les transitions entre emploi (stable ou précaire) et chômage. Le premier indicateur qu’il utilise est «la fréquence de transition entre emploi salarié dans le secteur privé» (correspondant à l’ensemble des statuts d’emploi : CDI, CDD, intérim et emploi aidé) et chômage (p. 106). A partir des enquêtes emploi de l’INSEE entre 1982 et 2002, Fougère (2003) montre que les transitions emploi-chômage ont largement suivi la conjoncture sans faire émerger une tendance nette à la hausse de l’instabilité qui semble en fait se concentrer sur les salariés les plus récents dans l’entreprise (moins d’un an d’ancienneté), les plus jeunes et les moins diplômés (voir les graphiques 1 à 6 proposés par Fougère, 2003, p. 106-107). Pour les salariés ayant plus d’un an d’ancienneté, les transitions emploi-chômage sont restées stables sur la période 1982-2002. Il semble enfin que ce soit le volet des salariés en emploi aidé ou sur les missions d’intérim qui serve de variable d’ajustement à la conjoncture, les transitions entre emploi et chômage pour les salariés en CDD et en CDI étant relativement stables sur la période. Le second indicateur que Fougère (2003) mobilise correspond à la probabilité de transition entre emploi précaire et chômage. La proportion des individus concernés par des trajectoires alternant chômage et emploi précaire s’est fortement accrue passant de 4 à 10% des actifs, il s’agit selon les termes de Fougère «d’un noyau quantitativement faible mais apparemment dur. Ce sont des gens plutôt jeunes et peu qualifiés» (p. 109).

Ainsi, la relation d’emploi de long terme reste largement dominante en Europe et il semble que l’instabilité se concentre sur une population particulière plus qu’elle ne touche l’ensemble de la population active. L’enquête européenne sur la force de travail montre que 85% des emplois, à temps plein ou partiel, sont des contrats à durée illimitée. Même si occuper un emploi stable ne signifie pas automatiquement occuper un bon emploi car cet emploi peut être subi, à temps partiel involontaire, sans perspective d’évolution, pénible… et qu’il a été montré que forte ancienneté et satisfaction au travail ou sentiment de sécurité ne Chapitre 4 : Généralisation de l’emploi instable ? Evolution des systèmes d’emploi nationaux et apports d’une analyse statistique descriptive

vont pas de pair (Auer, 2003). Auer (2005) met l’accent sur le fait que le maintien de l’ancienneté moyenne signifie qu’il n’y a pas de course inéluctable et radicale qui transformerait la relation d’emploi en une relation précaire et instable. D’ailleurs une partie significative des emplois dits atypiques ou flexibles sont transformés en emplois stables par les firmes pour qui les formes particulières d’emploi sont peut-être plus un outil complémentaire à la relation d’emploi dite standard qu’un moyen de la remplacer.

2.4 Pas d’instabilité croissante de l’emploi mais une instabilité

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