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Les deux premières parties de cette thèse ont posé les bases des traitements mis en œuvre lors de cette ultime partie. Nous avons, tout d’abord, fait ressortir la pertinence de poser la question de l’évolution des structurations des systèmes d’emploi français et britannique compte tenu des profondes mutations qui ont traversé à la fois le marché du travail lui-même et le système éducatif et de formation, le système productif, ainsi que le cadre législatif et les politiques de l’emploi. Suite à l’analyse de la littérature sur la question et à nos propres traitements nous sommes arrivés à la conclusion provisoire d’une absence de généralisation de l’instabilité de l’emploi à l’ensemble de la population active ; de l’absence, en France, de changements radicaux concernant la structuration globale du marché du travail ; et au fait que si au Royaume-Uni, une diversification des relations d’emplois qualifiées de «supérieures» a été mise en évidence, celle-ci ne remet pas en cause la structure duale cœur/périphérie qui caractérise le marché du travail britannique.

Néanmoins, la profondeur des mutations à l’œuvre nous incite à penser que cette continuité dans la forme de la segmentation des marchés du travail, conclusion à laquelle aboutit aussi Petit (2002), cache en réalité à la fois des modifications sensibles des règles de gestion interne aux différents segments, notamment du fait des changements qui affectent la détermination du salaire des individus et aussi en raison d’une évolution de «l’architecture» générale des marchés du travail. Dans la partie précédente, nous avons présenté le point de vue de différents auteurs concernant l’évolution, notamment en France, des marchés internes du travail. Pour Gautié (2002, 2003, 2004) les marchés internes du travail ont été déstabilisés par un ensemble de pressions, à la fois internes et externes. Dans son travail de 2004, Gautié pose la question de l'étendue de cette déstabilisation et du fait de savoir si elle a touché l’ensemble des secteurs et des catégories de salariés ou si au contraire elle a accru la segmentation du marché du travail. Les trois chapitres de cette dernière partie tâcherons d’apporter des éléments de réponse à ce questionnement.

Pour avancer dans la compréhension de ces mécanismes, nous allons mobiliser tout au long de cette troisième partie la notion de régime, et plus particulièrement de régime défini par le degré de stabilité des individus. La notion de régime est préférée à celle de segment car la

définition que nous en donnons a un caractère unidimensionnel alors que la notion de segment, notamment telle que Doeringer et Piore (1971) l’emploient, renvoie à un ensemble d’éléments définissant le type de relation industrielle qui se joue dans une entreprise. Différentes dimensions sont croisées pour définir l’appartenance à tel ou tel segment, comme nous l’avons présenté dans la section 1 du chapitre 2. Or dans le travail empirique que présente cette troisième partie nous avons choisi comme point d’entrée de la définition des différents régimes le seul degré de stabilité des individus en emploi. Un régime renvoie à un groupe de salariés partageant une position proche dans le système d’emploi. Ce groupe de salariés partage des caractéristiques individuelles et avant tout autre, un degré de stabilité en emploi comparable. Par la suite nous montrons que, selon le régime de stabilité auquel l’individu appartient, ses caractéristiques individuelles ont un impact différencié dans le mode de détermination du salaire (Chapitre 6). L’analyse des systèmes d’emploi français et britannique et plus particulièrement l’analyse de leur structuration autour de régimes différenciés de stabilité en emploi des individus, sera donc l’objet principal de cette dernière partie.

La démarche adoptée pour la mise en œuvre des traitements empiriques se veut graduelle dans le sens où nous montrons, étape par étape, les apports et corrections que permettent les méthodes successivement employées. Le point de départ est celui de l’approche traditionnelle lors de la mise en œuvre de tests de segmentation. Si la définition a priori des segments présents dans le système d’emploi permet de mettre en avant des résultats importants, elle reste critiquable de par la définition ad hoc de la segmentation qui est faite. Les tests de segmentation via l’estimation de fonctions de gains posent ainsi certains problèmes. Partir de l’hypothèse de la présence de deux segments, puis estimer des modèles OLS sur les deux sous-échantillons et tester ensuite l’égalité des deux fonctions de gain, amène à des contradictions compte tenu du problème de biais de sélection lorsque deux régressions sont choisies et qu’une seule aurait suffi (Hanchane, 1998). Afin de dépasser ce type d’approche et d’échapper à la désignation a priori des régimes nous avons, dans le dernier chapitre, estimer des modèles Logit emboîtés. Ce type de modélisation ne passe pas par l’estimation de fonctions de gain et permet de dépasser la désignation a priori du régime d’appartenance des individus. Plusieurs modèles d’affectation des individus aux différents régimes et différentes associations empiriques entre les régimes sont envisagés. L’intention à l’origine du choix de ce type de méthode correspond à la recherche d’éléments qui permettent

de révéler un système d’emploi organisé autour de différents régimes de stabilité, d’en comprendre l’économie et le positionnement relatif des régimes les uns par rapports aux autres. Ainsi, la définition des régimes se fait sur la base du degré de stabilité des individus. Le mode de détermination des salaires est ensuite analysé au sein de chacun d’eux en convoquant le pouvoir explicatif des variables individuelles et d’emploi.

Les trois chapitres de cette partie tentent chacun de répondre à l’une des hypothèses avancées. La première cherche à isoler la spécificité du profil des salariés inscrits dans une relation d’emploi instable (chapitre 5). La seconde veut montrer que les modes de détermination des salaires sont distincts d’un régime de stabilité à l’autre et que la place et les contributions relatives des différents éléments entrant dans la détermination des salaires ont évolué au cours des deux dernières décennies (chapitre 6). La troisième et dernière hypothèse concerne l’architecture des systèmes d’emploi sur lesquels se positionne la main d’œuvre active occupée (les 30-55ans, en emploi). Cette hypothèse postule une certaine permanence de l’architecture des systèmes d’emploi français et britannique, organisé autour de trois pôles, tout en pointant des évolutions différenciées entre les deux pays : un durcissement de la différenciation au regard de la stabilité en emploi des individus en France et le maintien d’une large spécificité des régimes les plus et les moins stables Outre-Manche (chapitre 7). Avant d’entrer dans le vif du sujet nous voulons rappeler au lecteur que la population concernée par notre étude correspond aux salariés de 30 à 55 ans, en emploi au moment de l’enquête. Cette population est sensée être assez bien stabilisée dans l’emploi, du moins ne pas présenter les caractéristiques des publics jeunes ou des seniors et ne pas se situer à la marge du marché du travail, entre chômage et/ou inactivité par exemple.

Chapitre 5 : Instabilité de l’emploi, des profils différenciés

au sein de la population active occupée

Introduction

Section 1 : Evolution de la stabilité en emploi au cours des deux

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