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La résistance de l’emploi stable au travers des restructurations du marché du travail européen

marché du travail moins réglementé ?

1 Vers une généralisation de la flexibilité et de l’instabilité sur le marché du travail ?

2.2 La résistance de l’emploi stable au travers des restructurations du marché du travail européen

A partir de données de l’enquête européenne sur les forces de travail, Doogan (2003) met en avant une série de chiffres qui contredit radicalement la thèse de la généralisation de l’instabilité de l’emploi. Ainsi, entre 1992 et 2000, on assiste à une hausse de 5,9% de l’emploi total dans l’Europe des Douze et à une hausse de 13,6% de l’emploi de long terme, définit par les emplois occupés par des salariés qui sont dans leur entreprise actuelle depuis dix ans ou plus. Cette hausse plus marquée de l’emploi de long terme par rapport à l’emploi total apparaît à la fois pour les hommes et les femmes même si ce sont souvent ces dernières qui tirent la tendance vers le haut. Doogan (2003) considère cette hausse de l’emploi de long terme d’autant plus significative qu’elle intervient dans un contexte d’expansion de l’emploi qui accroît par les créations d’emploi le nombre des salariés récents.

Concernant plus particulièrement la France et le Royaume-Uni, en 1992, la part de l’emploi de long terme y était respectivement de 42,4 et de 28,6% (taux le plus bas d’Europe). En 2000, ce chiffre est passé en France à 44,8% (plus 1,1 million) et Outre-Manche à 33,2% (plus 1,8 million). L’emploi des femmes a augmenté de 8,5% au Royaume-Uni et de 10% en France. Ainsi au Royaume-Uni, la part de l’emploi de long terme chez les femmes est passé entre 1992 et 2000 de 21 à 29%. Dans le cas des hommes, la part de l’emploi de long terme dans l’emploi total a progressé sur la période de 13% au Royaume-Uni et de 7,8% en France.

Au niveau des secteurs d’activité, Doogan (2003) indique que le déclin de l’emploi de long terme ne se retrouve véritablement que dans l’agriculture ou dans quelques secteurs du primaire où il est plus lié à des politiques publiques de privatisation ou de dérégulation qu’à des changements technologiques. Par conséquent, la perte d’emplois de long terme reste circonscrite à des secteurs très spécifiques, peu étendus et est liée à des raisons bien particulières. Au contraire, l’emploi de long terme se développe dans le secteur privé et public, dans les secteurs traditionnels ou modernes, dans les services et finalement à la fois dans les secteurs qui perdent des emplois et dans ceux qui en gagnent.

S’intéressant ensuite à l’évolution de l’emploi de long terme selon les types d’emploi, Doogan (2003) précise qu’entre 1992 et 2000 ce sont les emplois de techniciens, de professionals, de service et de vente qui ont gagné en effectif alors que les emplois manuels, Chapitre 4 : Généralisation de l’emploi instable ? Evolution des systèmes d’emploi nationaux et apports d’une analyse statistique descriptive

qualifiés ou non ont vu leur part relative décliner. L’auteur met en avant une association entre emplois de long terme et emplois qualifiés notamment des secteurs techniques ou du domaine social et montre que le turnover est plus grand dans les emplois les moins qualifiés. Selon lui cette association se renforce même dans les années quatre vingt dix avec un déclin de l’emploi total et de long terme dans les emplois les moins qualifiés. De plus la hausse de la qualification des emplois et des travailleurs amènerait un plus fort attachement au marché du travail et des carrières plus continues (notamment chez les femmes, comme le montre Fournier-Mearelli, 1995 ou Marry, 1997).

Un autre point que l’auteur mentionne et qui pour lui participe de la diffusion dans l’opinion de l’idée de croissance de la précarité et de l’instabilité de l’emploi correspond à l’association souvent faite entre emplois à temps partiel et situations précaires. De ce fait, ces emplois à temps partiel se retrouvent placés dans la périphérie du marché du travail, or les emplois à temps partiel sont très hétérogènes et tous ne relèvent pas de cette logique. Ainsi, au niveau européen, la hausse des emplois de long terme parmi les emplois à temps plein a été, entre 1992 et 2000, de 9,4% alors qu’elle a été de 52% parmi les emplois à temps partiel.

Le but de ce travail était pour Doogan (2003) d’avancer des explications face au paradoxe d’une hausse de l’emploi de long terme alors que se développe le sentiment d’une forte insécurité dans la population. D’après lui, cette dernière est à relier à d’autres éléments de l’environnement économique et non strictement à l’emploi, il faut donc passer d’une analyse de l’individu à une analyse au niveau sociétal, et de l’emploi à l’économique. On rejoint ici un point mis notamment en avant dans les approches de sociologie du risque qui cherchent à distinguer le sentiment, la perception des acteurs et les constats «objectifs» autour de l’accroissement des risques du travail et de l’emploi. Le sentiment d’insécurité se forge aussi par rapport à la définition de l’emploi stable de référence qui peut diverger d’un pays à l’autre. En France, cette référence correspond à l’emploi public, à la figure du fonctionnaire. On peut aussi penser que la part des emplois temporaires qui se transforment en emplois stables est aussi une variable qui entre en compte, or celle-ci est très différente d’un pays à l’autre. Sur la période 1995-1998, 65% des emplois temporaires Outre-Manche et 35% en France débouchent vers un emploi durable (CERC, 2003).

2.3 La relation d’emploi de long terme est-elle en voie de

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