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Cette revue de la littérature, bien entendu partielle et orientée, a l’intérêt de prendre acte des différents éléments qui sont déterminants dans l’analyse des modes d’organisation du travail et de régulation de l’emploi, et de donner, ne serait-ce qu’à titre hypothétique, les lignes de forces des évolutions actuelles des modes de segmentation.

Le dénominateur commun de toutes les approches que nous avons présentées correspond à un rejet des théories néo-classiques du marché du travail dans le sens où ce dernier n’est pas considéré comme un marché comme les autres, que le prix n’y est pas uniquement déterminé par des variables économiques et encore moins égal à la productivité marginale du travail et qu’enfin il se caractérise plus par la notion de déséquilibre, d’imperfections et d’inégalités que d’équilibre et de perfection. Bien entendu, nous n’ignorons pas que les travaux liés à la théorie standard élargie ont dépassé ces caractérisations.

Dans l’approche originelle de Doeringer et Piore (1971), l’émergence des marchés internes est fortement déterminée par des facteurs technologiques voire économiques. Ce sont principalement des éléments internes à l’entreprise, des choix de rationalisation managériale qui expliquent la construction de marchés internes et donc la structure duale du marché du travail. Osterman (1989, 1994) souhaite modifier le point d’entrée de l’analyse, l’entreprise, car, d’après l’auteur, différents systèmes d’emploi peuvent coexister au sein d’une même entreprise. Ainsi pour Osterman l’émergence de ce qu’il appelle le système industriel s’explique par les caractéristiques des groupes sociaux, salariés et employeurs, et par les rapports de force entre ces groupes sociaux. De plus, l’environnement extérieur n’est pas donné et il doit être pris en compte en tant que tel notamment dans ses dimensions juridiques, institutionnelles, éducatives…

L’analyse sociétale remet l’entreprise au centre d’une l’analyse plus large : ce niveau permet d’étudier les modes de régulation de la main d’œuvre et d’illustrer le poids des déterminants que sont entre autres le mode de construction de la qualification ou le système de mobilité. Des interactions entre ces éléments résulte la dimension sociétale qui caractérise les

divers espaces professionnels nationaux. L’environnement socio-économique et institutionnel, à la fois dans ses dimensions d’offre et de demande de travail doit être pris en considération pour comprendre les modes de gestion de la main d’œuvre. De son côté, Marsden (1989, 1990) met à nouveau l’accent sur le poids des facteurs institutionnels dans l’explication de l’émergence des modes d’organisation du travail tels que les marchés internes ou professionnels. Ces deux derniers peuvent d’ailleurs cohabiter au sein d’un espace national selon la situation des forces institutionnelles qui les supportent (négociation collective, accords et coopération entre employeurs, système de formation et d’acquisition des qualifications…). Les changements contemporains provoquent une déstabilisation des marchés internes et professionnels traditionnels notamment via la question des nouveaux besoins en qualification (Marsden, 1994, 2001). D’après l’auteur, le marché du travail évolue dans le sens d’une internalisation des compétences notamment parce que la relation salariale se recentre sur le niveau de l’entreprise. Ainsi pour mieux comprendre cette dernière Marsden (1998, 1999) propose de renouveler l’analyse de la relation salariale sur la base des règles qui permettent sa mise en œuvre et sa stabilisation. Dans ce raisonnement la question du degré de coopération entre employeurs et entre employeurs et salariés est déterminante pour comprendre comment telle ou telle règle s’impose. Le but de ce renouvellement théorique est aussi de mieux appréhender la diversité des cas que pointent les études empiriques.

Le fait que dès leurs premiers travaux, les chercheurs de «l’école de Cambridge» prennent pour objet des relations d’emploi de type secondaire ou externe les différencient des approches évoquées plus haut (Rubery et Wilkinson, 1981; Wilkinson 1981). Pour appréhender la structure du marché du travail, ils prônent une approche dynamique, basée sur les interdépendances entre facteurs économiques, institutionnels, historiques qui témoignent de la diversité des situations nationales mais aussi de grandes tendances communes. Il s’agit de souligner le fait qu’il n’y ait pas d’explication universelle au processus de segmentation et qu’il faut conjuguer pressions internes et externes pour avancer dans l’explication des changements sur les marchés du travail contemporains (Grimshaw et Rubery, 1998). Le point essentiel de l’approche développée au sein du IWPLMS correspond à une analyse en termes d’interactions et de rapport dialectique entre structures internes à l’organisation et forces externes du marché, qui construisent des systèmes de règles variables entre pays et/ou secteurs.

Concernant les évolutions actuelles du marché du travail, les approches théoriques que nous avons présentées principalement l’analyse sociétale, l’approche de Marsden et les travaux de «l’école de Cambridge», s’accordent sur différents points. En premier lieu, la déstabilisation des formes d’organisation traditionnelles ne signifie pas pour autant qu’un marché du travail concurrentiel de type néo-classique ait pris leur place. On assiste plutôt à un maintien de la segmentation via des transformations de l’organisation interne aux différents modèles. Le recentrage de la relation salariale au niveau de l’entreprise (Marsden, 1999) fait écho à l’idée d’une gestion de l’emploi plus individuelle, lié aux caractéristiques propres du salarié plus qu’aux attributs du poste (Grimshaw et Rubery, 1998). Il y aurait donc toujours des phénomènes d’internalisation mais non plus à l’échelle de tous les salariés d’une firme mais de groupes plus spécifiques qui se distinguent notamment par leur qualification, le type des contrats… Ce n’est donc plus la limite de la firme qui donne celle d’un marché interne, celui-ci va se définir par les attributs des salariés qu’il regroupe. Ce dernier point entre en cohérence avec notre choix d’utiliser des variables individuelles et d’entrer par les individus dans l’analyse des relations d’emploi.

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