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Nouveau paradigme productif et conséquences sur la gestion de l’emploi par les entreprises

1.2 traversés par des tendances et évolutions communes

2 Nouveau paradigme productif et conséquences sur la gestion de l’emploi par les entreprises

Si l’émergence d’un nouveau modèle productif, post-fordiste semble devoir être associé pour beaucoup d’auteurs à la flexibilité numérique40 de l’emploi, il ne semble pas que nous assistions à un changement profond du côté des entreprises qui n’accorderaient plus de valeur à une relation d’emploi stable. N’oublions pas que la rhétorique de la compétence, d’une recherche d’implication des salariés et d’identification aux objectifs de l’entreprise peut difficilement se concevoir hors d’une relation d’emploi durable. Nous allons essayer de déterminer quels sont les éléments qui tendraient à transformer les relations d’emploi dans le sens de plus d’instabilité et ceux qui par contre peuvent appeler un maintien voire un renouvellement de l’emploi stable.

2.1 Les facteurs de stabilisation versus de déstabilisation de

l’emploi

Si les travaux que nous citons dans cette section sont des travaux français, les facteurs de transformation de l’emploi qu’ils pointent sont tout à fait généraux et présents à la fois dans les contextes français et britannique.

2.1.1 Les facteurs de déstabilisation

Le premier facteur de déstabilisation de l’emploi est le raccourcissement de l’horizon temporel des firmes, lié à «l’accroissement du rythme des innovations technologiques et (au) raccourcissement du cycle de vie des produits. L’organisation de la production par projet accroît l’instabilité des activités et des emplois» (Ramaux, 2006, p. 58). Ce facteur est envisagé comme un élément qui déstabilise les marchés internes en France dans les travaux de Gautié (2002, 2004).

40 A la suite d’Auer (2005) la flexibilité numérique sur le marché du travail correspond aux embauches et

licenciements ainsi qu’à l’utilisation des emplois temporaires pour des questions d’ajustement de la main d’œuvre. Cette flexibilité numérique est définie en relation avec la flexibilité fonctionnelle qui n’implique pas d’ajustement externe de la main d’œuvre mais qui concerne des changements de tâches, de conditions et des objectifs de travail dans le cadre de la même relation d’emploi.

Le second facteur de déstabilisation illustré notamment dans les travaux de Maurin (2002) ou Givord et Maurin (2004), correspond aux TIC qui transforment en profondeur les activités et les processus de production. Givord et Maurin (2004) mettent en avant une plus grande insécurité d’emploi dans les secteurs les plus utilisateurs des TIC. D’après eux, les changements technologiques contribuent à réduire l’incitation à garder longtemps les salariés et donc augmentent l’insécurité d’emploi. Cette interprétation peut-être mise en écho avec la littérature récente sur les biais de qualification induits par les changements technologiques qui réduisent la part des tâches automatiques, routinières, répétitives et ainsi accroissent la demande de qualification. Gautié (2004) insiste lui aussi sur l’affaiblissement de la demande de capital humain spécifique, lié à la firme et donc au temps passé sur le poste de travail, qu’il appréhende comme l’affaiblissement d’un des piliers des marchés internes traditionnels. Il cite aussi Caroli (2003) pour qui les TIC accroissent la part des compétences codifiées ou codifiables, qui sont ainsi captées par l’entreprise ce qui permet un recours plus facile à la flexibilité externe. La tertiarisation des économies, la nature non «stockable» des services et la sensibilité de leur production aux irrégularités de la demande participent du même mouvement (CERC, 2005; Ramaux, 2006).

Le quatrième facteur tient «à la financiarisation et son corollaire, la mondialisation des économies, (qui) accroissent l’incertitude sur la pérennité des activités. Elles imposent une logique de court terme, réduisent l’horizon temporel des firmes et, partant, contribuent à menacer l’engagement dans la durée en termes d’emploi» (Ramaux, 2006, p. 59).

Le cinquième et dernier facteur cité par Ramaux (2006) correspond au «développement de nouvelles formes marchandes d’organisation des firmes et du travail» (p. 61). Pour étayer cette idée, l’auteur cite la notion de «re-marchandisation du travail» qu’utilise Gautié (2003b) avec l’idée d’un salarié qui devient prestataire de service pour son entreprise, Gautié parle d’un rapprochement avec la figure de l’indépendant. La valorisation des compétences individuelles, l’organisation des firmes par projet et l’idée que les différents services de l’entreprise sont les uns pour les autres clients et fournisseurs abondent dans ce sens.

A côté de ces éléments déstabilisateurs, un ensemble de facteurs favorise au contraire, la stabilité des relations d’emploi.

2.1.2 Les facteurs de stabilisation

Dans ce cas aussi, Ramaux (2006) identifie cinq facteurs favorisant la stabilisation de l’emploi. Dans un premier temps il s’agit de facteurs d’ordre économiques, qui ne sont pas spécifiquement liés au nouveau mode de production, comme les coûts d’embauche (ceux-ci peuvent devenir plus importants dans le cadre d’activités innovantes dont on ne connaît pas tous les éléments au moment de l’embauche et qui accroissent la part d’incertitude sur les capacités des travailleurs embauchés à évoluer dans un environnement non défini ex ante), les coûts de formation, les gains de productivité générés par l’expérience acquise au poste.

Plus spécifiquement liés aux nouveaux modèles productifs, l’accent mis sur «le travail en équipe, l’autonomie, la responsabilité, la participation, la coopération et la confiance, les apprentissages collectifs et spécifiques (non transférables) à la firme» renvoie à une certaine durée de l’emploi (Ramaux, 2006, p. 63). Cette demande d’implication de la part des entreprises apparaît aussi dans le cas d’emplois peu qualifiés comme Lizé et Lochet (2006) le soulignent à propos des opérateurs d’une grande entreprise automobile.

L’évolution vers une plus forte demande de travail qualifié est analysé par Ramaux (2006) comme une source de stabilité de l’emploi. Il s’appuie notamment sur un rapport du BIT datant de 1996 qui met en avant le fait que les emplois qualifiés soient de façon générale des emplois de types classiques, c’est à dire à durée illimitée et à temps plein. Il est assez aisément envisageable qu’un travail plus complexe, de moins en moins prescrit et de plus en plus tourné vers le diagnostic et la résolution de problème nécessite une relation d’emploi de long terme, une stabilisation de la main d’œuvre pour ne pas perdre son expertise.

Si plus haut, la tertiairisation des économies a pu être envisagée comme un facteur de déstabilisation de l’emploi, certaines caractéristiques de la relation de service vont dans le sens d’une stabilité de la main d’œuvre. «Le service, par définition, est largement indissociable de la personne qui le délivre. Le travailleur porte, pour partie certes, (…), la qualité même du produit qu’il délivre et l’identité même de l’entreprise pour laquelle il travaille. Dans le face-à-face avec les clients ou usagers, il doit interpréter la demande singulière qui lui est adressée, la traduire et arbitrer selon les exigences de l’entreprise. Autant de qualités qui, à l’évidence, supposent une certaine expérience, une certaine durée du lien d’emploi» (Ramaux, 2006, p. 69). Si l’exemple des services de santé que donne Ramaux

illustre bien la tendance précédente, celui des centres d’appels marqué par une forte standardisation des procédures ne semble pas le corroborer. Il faut donc à notre sens rester prudent sur ce point et ne pas faire de la relation de service un ensemble homogène.

Le dernier facteur de stabilité de l’emploi, avancé par Ramaux (2006), est celui de la participation croissante et de l’accès durable des femmes à l’emploi, ces dernières ne se retirent plus du marché du travail lors des mariages ou naissances.

2.2 Evolutions des pratiques d’entreprises, pratiques sociales et

relations inter-firmes

Lors de plusieurs séminaires du CERC (voir synthèse dans CERC, 2003) un ensemble d’évolutions est apparu comme source de déstabilisation de l’emploi. La fixation des salaires semble être de plus en plus décentralisée au niveau de l’entreprise et plus largement liée à ses performances ; le temps de travail a une variabilité croissante avec une annualisation de fait et des individualisations de la durée du travail ; les licenciements sont plus faciles notamment depuis 1986 et la fin de l’autorisation administrative de licenciement et, enfin, la négociation collective s’est décentralisée. Cet ensemble d’évolution va dans le sens d’une plus grande flexibilité sans que l’on assiste pour autant à un changement radical car ces évolutions sont perceptibles dès les années soixante dix.

Les pratiques d’externalisation se développent tout comme les situations de séparation entre employeur et entreprise dans laquelle s’effectue «géographiquement» le travail. Pourtant, on peut se demander, à la suite des auteurs de la synthèse des séminaires du CERC (2003), s’il ne s’agit pas d’un effet de loupe et si cette tendance concerne vraiment un grand nombre de travailleurs.

Le passage de la firme taylorienne, intégrée verticalement et diversifiée à la firme- réseau pose des questions en termes d’impact sur la gestion de l’emploi. La remise en cause du modèle de la firme des Trente Glorieuses par la diversification des produits, l’implication des fournisseurs dans les innovations et les nouveaux produits et le développement des TIC a abouti au recentrage des groupes sur leur cœur de métier et à des recentrages de nature financière. La division actuelle du travail entre les firmes cherche à réduire les coûts,

transférer les risque économiques, améliorer la compétitivité en recentrant les ressources sur des segments technologiques spécifiques.

Si l’externalisation et l’ensemble de ces évolutions semblent avoir précarisées la partie la moins qualifiée de la main d’œuvre, les salariés dont les compétences renvoient au cœur de métier de l’entreprise ont des situations tout à fait stables et certains que l’on appelle parfois les «nouveaux professionnels» tirent leur épingle du jeu en organisant de manière externe leur carrière. De plus, il faut ajouter que les contrats de type CDD ou intérim sont très souvent le passage obligé avant une embauche en CDI et s’intègrent ainsi dans une trajectoire de stabilisation. Les évolutions mises en avant précédemment dans cette section peuvent attester d’une complémentarité de ces différents types de contrats tout autant de l’éventuel remplacement des contrats stables, dits standards, par ce qu’on a appelé les formes particulières d’emploi.

L’absence d’évolutions univoques et prédéterminées au sein du système productif a impacté les relations d’emploi et laisse une fenêtre d’opportunités pour l’action publique en matière d’emploi.

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Le cadre institutionnel et l’action publique dans le

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