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LA LPE ET LE LICENCIEMENT ÉCONOMIQUE (1990-2017)

4. Le régime des sanctions

4.2. Le syndrome de la punition

Pour le législateur des années quatre-vingt, pénaliser financièrement l’entreprise n’est pas suffisant : il faut également s’en prendre à la personne même de l’employeur. La société anonyme ne doit pas le rester : il faut châtier les responsables. Le rédacteur des nouveaux textes se situe dans la logique du vieux droit pénal français, héritier du droit romain et des procédures inquisitoriales de l’Ancien régime. Il faut marquer les corps -ou du moins les casiers judiciaires des dirigeants-, utiliser le pilori, -en l’occurrence le pilori médiatique-, pour démontrer à l’électorat que la France a changé sa politique à l’égard de l’entreprise en général et des entrepreneurs en particuliers.

Dans le numéro du 20ème anniversaire de sa constitution, le Syndicat de la Magistrature met à l’honneur ses héros, héros de la lutte contre l’État post-gaulliste, et de la lutte contre les entrepreneurs, les capitalistes dénoncés par les représentants de l’École française de droit du travail. Les faits d’armes d’Hubert Dujardin, Oswald Baudot, Claude Joly, Jean-Pierre Michel et Jacques Bidalou pour ne citer que ceux-ci sont détaillés. Et bien entendu, le juge d’instruction Patrice de Charette figure dans cette liste

104 Il faut entendre le conseil des prudhommes.

de dignitaires pour avoir inculpé d’homicide involontaire, infraction aux règlementations de la sécurité du travail, de la médecine du travail et du travail temporaire un dénommé Chapron, sitôt placé en détention.

Notre propos n’est pas de défendre le sieur Chapron, dont il convient cependant de rappeler qu’il n’est pas le « patron » de l’entreprise Huiles, Goudrons et dérivés, située à Vendin le Vieil, mais seulement manager de cette entreprise. La société est une filiale de Charbonnages de France, l’un des premiers groupes de chimie européen à cette époque, de nature publique puisqu’il s’est substitué après la libération à différentes entreprises minières nationalisées. Le juge de Charette applique les directives du Syndicat qui a décidé de lancer une opération politico-judiciaire sur le patronat français dont plusieurs membres feront l’objet d’actions similaires, au cours de ces années 1970-1980. Nous devons noter l’intervention de la politique pure dans le domaine de la gestion du droit par ces fonctionnaires particuliers que sont les magistrats, dans des conditions claires et affichées… mais connues par une infime minorité des justiciables.

Rares sont en effet les lecteurs de la revue du Syndicat de la magistrature, ce qui est regrettable puisqu’ils pourraient découvrir dans ce numéro non seulement l’appui officiel de François Mitterrand au juge Patrice de Charette, mais également le compagnonnage affiché avec Fidel Castro dont le sens de la justice et l’admiration des principes dégagés par Montesquieu dans l’esprit des lois semble impressionner le Syndicat105. À partir de 1981, nombre de magistrats membres du SM obtiendront des postes de responsabilité à la Chancellerie, dans les tribunaux et dans les cours.

La première offensive répressive contre les entreprises en général et les chefs d’entreprises en particulier est conjointe au vote et à l’application des lois dites Auroux et de leur codicille, à partir du 28 octobre 1982. La partie pénale du code du travail commence à s’épaissir et l’on voit surgir les articles L.481-2, L.483-1-1 (devenus, dans l’ordre, L.2146-1 et L.2431-1 puis L.2135-2 et L.2146-2) qui viennent réprimer l’entrave au fonctionnement régulier des organes représentatifs du personnel. Ils sont complétés le 13 novembre 1982 par les dispositions de l’article L.532-1 (devenu

105 Justice, 1987, numéro 120-121, p.90 et 91 interview de Jacques Donzelot sur fonds de photographie prouvant une parfaire connivence avec le leader maximo.

L.2525-1 et 2) concernant les conflits collectifs puis, le 23 décembre 1982, par les dispositions des articles L.263-2-2 et L.482-1 concernant également les organes représentatifs du personnel. Le moindre de ces articles prévoit un emprisonnement d’un an à l’encontre du chef d’entreprise et, en cas de récidive, un emprisonnement qui peut être porté à deux ans outre une amende qui peut être doublée.

Une sorte de trêve marque les années 1986-1990. Mais l’offensive reprend au mois de juillet 1990 et au mois de décembre 1992. Le législateur renoue avec les principes de 1982 : toute disposition introduite dans le code du travail doit nécessairement être accompagnée d’une pénalité. La simple instauration de l’assistance du salarié pendant la procédure de licenciement par un conseiller spécifique est sanctionnée : l’atteinte à l’exercice régulier des fonctions de ce conseiller du salarié est punie par la loi du 18 janvier 1991 par une peine pouvant aller jusqu’à un an d’emprisonnement et 3.750 €, peine doublée en cas de récidive.

De même, en 1992, les pénalités sont accrues concernant la violation des dispositions des articles L.122-46, (devenus L.1153-1 à 4) et 122-49 (devenu L.1152 1 et 2) et L.123-1 (devenu 1142-1) du code du travail, c’est-à-dire les premiers textes qui concernent les mesures discriminatoires106.

Le 12 juillet 1990, une loi punit d’une amende de 3.750 €, qui est doublée en cas de récidive, outre un emprisonnement de six mois ou l’une de ces deux peines seulement, toute violation aux dispositions visant le contrat à durée déterminée et les conditions de sa signature. Ainsi, l’employeur qui déroge à la loi en s’autorisant à créer un emploi lié

« à l’activité normale et permanente de l’entreprise », par le recours au contrat à durée déterminée est justiciable de ces dispositions ! Il faut qu’il soit certain en embauchant qu’il n’aura plus besoin de ce salarié au terme d’un délai qu’il doit déterminer à l’avance.

Il en est de même pour l’employeur qui ne respecte pas les trois critères de recours au contrat à durée déterminée (remplacement d’un salarié en cas d’absence ou de suspension de son contrat de travail, accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise, ou emploi à caractère saisonnier). Bien évidemment, il ne doit pas

106 Loi du 2 novembre 1992.

renouveler le contrat hors des conditions fixées par l’article L.122-1-1 (devenu 1242-1)107.

4.3. L’accentuation de la répression est-elle un gage de l’efficacité des

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