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Le processus d’information et de reclassement préalable

LA LPE ET LE LICENCIEMENT ÉCONOMIQUE (1990-2017)

1. L’objectif du système : générer la complexité pour dissuader le management de licencier management de licencier

2.1. La phase préparatoire : le renforcement des garanties de procédure ôte au management la gestion du temps au management la gestion du temps

2.1.1. Le processus d’information et de reclassement préalable

L’énoncé du texte porte haut et fort l’idée que le salarié, menacé de licenciement économique, doit bénéficier d’une information préalable, pleine et entière, sur les circonstances économiques qui affectent l’entreprise et peuvent occasionner son licenciement. Au centre du dispositif, se situent les institutions représentatives du personnel qui ont un rôle essentiel en application de l’article L.321-4 ancien du code du

travail68 article 1233-21 nouvelle numérotation69. Dans les années 1975-1985, les juges des référés seront souvent saisis de demande de communication de documents retenus par les firmes. Par la suite, le droit du comité de recourir à l’expertise économique viendra se substituer à cette demande de communication arbitrée par le juge judiciaire.

Préalablement à toute décision de licenciement économique, l’entreprise doit déterminer les critères de choix du personnel visé par l’éventuelle mesure, en tenant compte de son ancienneté dans l’entreprise, de son âge, de ses charges de famille… et éventuellement de son efficacité professionnelle. Il ne s’agit pas de décider simplement de supprimer le service ou l’atelier devenu inutile par perte d’un contrat ou d’un client. Il faut également étudier les possibilités de reclassement des salariés, en réalisant des propositions concrètes et écrites.

68 Article L.321-4

L'employeur est tenu d'adresser aux représentants du personnel, avec la convocation aux réunions prévues à l'article L.321-2, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif.

Il doit, en tous cas, indiquer *mentions obligatoires* :

- La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ; - Le nombre de travailleurs dont le licenciement est envisagé ;

- Les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l'ordre des licenciements visé à l'article L.321 1-1

- Le nombre de travailleurs, permanents ou non, employés dans l'établissement, et - Le calendrier prévisionnel des licenciements.

Lorsque le nombre des licenciements envisagés est au moins égal à dix dans une même période de trente jours, l'employeur doit également adresser aux représentants du personnel les mesures ou le plan de sauvegarde de l'emploi défini à l'article L.321-4-1 qu'il envisage de mettre en œuvre pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre et pour faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne pourrait être évité.

De même, l'employeur doit simultanément faire connaître aux représentants du personnel les mesures de nature économique qu'il envisage de prendre.

L'employeur met à l'étude, dans les délais prévus à l'article L.321-6, les suggestions formulées par le comité d'entreprise relatives aux mesures sociales proposées et leur donne une réponse motivée.

Lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés sur une même période de trente jours, l'ensemble des informations prévues au présent article sera simultanément porté à la connaissance de l'autorité administrative compétente, à laquelle seront également adressés les procès-verbaux des réunions prévues à l'article L.321-3. Ces procès-verbaux devront comporter les avis, suggestions et propositions des représentants du personnel.

Le plan de sauvegarde de l'emploi doit déterminer les modalités de suivi de la mise en œuvre effective des mesures contenues dans le plan de reclassement prévu à l'article L.321-4-1. Ce suivi fait l'objet d'une consultation régulière et approfondie du comité d'entreprise ou des délégués du personnel. L'autorité administrative compétente est associée au suivi de ces mesures.

69 Article L.1233-31

L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif.

Il indique : 1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ; 2° Le nombre de licenciements envisagé ; 3° Les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l'ordre des licenciements ; 4° Le nombre de salariés, permanents ou non, employés dans l'établissement ; 5° Le calendrier prévisionnel des licenciements ; 6° Les mesures de nature économique envisagées.

Dès 1992, dans une série d’arrêts qui se succèdent très rapidement, la cour de cassation exige que l’étude du reclassement de salariés dans l’entreprise intervienne préalablement à la suppression d’emplois70. Cette obligation de reclasser avant de procéder au licenciement pour motif économique ne concerne pas seulement les suppressions d’emploi, mais elle vise également les transformations d’emploi et les modifications substantielles du contrat de travail71. Le management va donc devoir étudier la possibilité de reclasser le salarié dans un emploi équivalent avec un salaire équivalent. La jurisprudence va rapidement considérer que cette obligation ne se limite pas au niveau de l’entreprise elle-même, mais, si celle-ci appartient à un groupe, elle va s’étendre au niveau du groupe. Un arrêt Thomson Tubes et Displays donne une indication claire dans ce sens dès 199572.

La conséquence de l’absence de reclassement est simple : le licenciement est déqualifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse. La loi Aubry du 27 janvier 1993 transforme l’obligation instaurée par la jurisprudence en un texte légal.

2.1.2. Le processus de consultation des organes représentatifs du personnel : les obligations du chef d’entreprise réduit à la qualification « d’employeur » L’ensemble de ces textes réduit le chef d’entreprise à sa seule compétence d’employeur.

Seul ce terme est utilisé, de façon répétitive. Lorsque le nombre des licenciements envisagés est au moins égal à dix dans une même période de trente jours, « l'employeur » doit également adresser aux représentants du personnel les mesures ou le plan de sauvegarde de l'emploi défini à l'article L.321-4-1 qu'il envisage de mettre en œuvre pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre (première obligation), lequel doit comprendre les mesures imaginées pour faciliter le reclassement du personnel (à l’extérieur de l’entreprise) si le licenciement ne peut être évité.

Mais simultanément, « l'employeur » doit simultanément faire connaître aux représentants du personnel les mesures de nature économique qu'il envisage de prendre (troisième obligation). D’ailleurs précise le même article, « l'employeur » met à l'étude,

70 Cass. Soc. 1er avril 2012, bulletin civil V, n° 228.

71 Cass. Soc. 8 avril 1992, bulletin civil V, n° 258 et Cass. Soc. 30 septembre 1997, bulletin civil V, n° 290.

72 Cass. Soc. 5 avril 1995, bulletin civil V, n° 123.

dans les délais prévus à l'article L.321-6, les suggestions formulées par le comité d'entreprise relatives aux mesures sociales proposées et leur donne une réponse motivée.

La prétention de ce texte est suffisamment surprenante pour être soulignée. Nous n’imaginons pas un chef d’entreprise et des associés suicidaires qui décident volontairement de mette à néant leur capital investi et leur source de revenu. Nous n’imaginons pas davantage qu’ils n’aient pas mis en œuvre tous les moyens pour sauver l’outil de production et l’emploi des salariés et qu’ils ne soient pas contraints aux mesures ultimes. Comment dans ce contexte, penser que le comité d’entreprise pourrait avoir des réflexions pertinentes pour sauvegarder l’emploi et l’entreprise au moment même où les décisions de licenciement sont prises sous l’extrême contrainte alors même que depuis plusieurs semaines voire plusieurs mois la situation se dégrade ? Il existe incontestablement une certaine hypocrisie dans cet article puisque nous savons qu’il ne sortira pas des « suggestions formulées par le comité d’entreprise relatives aux mesures sociales proposés » une réponse de nature à sauvegarder les intérêts de l’outil de production et de l’ensemble du personnel dont l’emploi peut encore être sauvegardé. Il n’en sortira au mieux que des demandes visant à augmenter les garanties légales ou conventionnelles, et retarder le processus de licenciement pour permettre aux salariés menacés de bénéficier d’un revenu lui aussi menacé à terme le plus longtemps possible...

éventuellement contre l’intérêt bien compris des salariés restant dans l’entreprise. L’idée est donc de faire perdre du temps à l’entreprise tout en noyant le dirigeant dans des obligations administratives et sociales qui le détournent de sa tache première.

Le processus de consultation est évidemment renforcé lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés sur une même période de trente jours. Dans ces conditions, l'ensemble des informations que le chef d’entreprise soit porter à la connaissance des organes représentatifs est transmis à la connaissance de l'autorité administrative, c’est-à-dire de l’inspection du travail. Celle-ci est également destinataire des procès-verbaux des réunions qui comportent les avis, suggestions et propositions des représentants du personnel. Dans aucun des cas de figure que nous avons suivis professionnellement, nous n’avons vu une initiative émanant du comité d’entreprise se révéler utile pour l’entreprise. Elles n’ont toujours eu qu’un seul objectif : améliorer les conditions de licenciements des salariés menacés par les mesures, en détériorant encore la situation économique de l’entreprise.

Et dans ce cas (10 salariés/30 jours), « l’employeur » doit présenter au personnel les mesures ou le plan de sauvegarde de l'emploi qu'il envisage de mettre en œuvre pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre, et pour faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne pourrait être évité. Nous nous arrêtons sur cette première partie de l’article L.321-4 ancien pour en mesurer la portée. En effet, l’article impératif de cette partie du dispositif de la LPE envisage que le chef d’entreprise doit exposer préalablement la cause des difficultés et, puisque l’on est dans un processus de consultation, l’éventuel avis du personnel sur ces causes : problème de concurrence renforcée sur un produit, difficulté relationnelle avec une banque, effondrement de la conjoncture, ou, et le cas est de plus en plus fréquent, impossibilité de trouver un successeur pour prendre les commandes de l’entreprise et perspective de fermeture pure et simple par destruction de l’outil de travail. Le texte, et c’est aussi à ce niveau que l’on constate son inspiration idéologique, vise directement les conséquences d’une mesure qui est effectivement envisagée par le chef d’entreprise, mais pour une raison que le salarié doit évidemment connaître. Ce n’est donc que dans un second temps que l’article indique que « l'employeur » doit simultanément faire connaître aux représentants du personnel les mesures de nature économique qu'il envisage de prendre. Puis dans un troisième temps, « l'employeur » met à l'étude, dans les délais prévus à l'article L.321-6, les suggestions formulées par le comité d'entreprise relatives aux mesures sociales proposées et leur donne une réponse motivée. Donc, le premier temps, celui de l’exposé de la cause et de la prise de conscience par la collectivité de travail de l’origine des licenciements envisagés, n’est aucunement obligatoire. Le processus de consultation ne vise que la conséquence de la mesure.

Ce commentaire presque mot à mot de la loi pourrait paraître superfétatoire. En fait, il est rarement pratiqué alors qu’il révèle non seulement l’intention du rédacteur, mais l’indigence de la pensée et de la conception de l’action managériale du rédacteur. Nous notons bien entendu (et c’est la quatrième phase du processus légal de consultation) que le plan de sauvegarde de l'emploi détermine les modalités de suivi de la mise en œuvre effective des mesures contenues dans le plan de reclassement prévu à l'article L.321-4-1 (ce suivi est généralement confié à des cabinets extérieurs à l’entreprise), et il implique une consultation régulière et approfondie du comité d'entreprise ou des délégués du personnel.

Au terme de cet exposé, nous pouvons envisager l’importance du temps qui est consacré à cette opération de consultation et de suivi de la consultation, étant souligné qu’elle n’apporte pas à l’entreprise en difficulté et obligée de licencier un avantage positif pour lui permettre d’affronter la crise qu’elle traverse. Elle contraint le management à des obligations administratives et sociales hors normes, dont le moindre manquement peut avoir des conséquences sur la régularité de la procédure de licenciement et donc l’objectif évidement est que le moindre manquement ait des conséquences sur la régularité de la procédure. Cette situation est franco-française, et n’a pas d’équivalent, ce qu’il convient de souligner avec force et vigueur car elle est trop souvent présentée comme étant l’expression d’une sorte de norme qui serait internationalement admise.

Enfin le texte précise que « l'autorité administrative compétente est associée au suivi de ces mesures. »

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