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Contraindre le management à la gestion de la complexité

LA LPE ET LE LICENCIEMENT ÉCONOMIQUE (1990-2017)

1. L’objectif du système : générer la complexité pour dissuader le management de licencier management de licencier

1.1. Contraindre le management à la gestion de la complexité

Nous l’avons annoncé : la complexité est en elle-même une arme contre l’entreprise et contre le management. Il s’agit en quelque sorte d’une utilisation a contrario des principes tayloriens. Taylor rationalise les gestes de l’ouvrier professionnel pour obtenir une meilleure productivité. Il développe le management intermédiaire et impose à celui-ci un contrôle strict des gestes de l’ouvrier et des différentes phases de la production. La

loi de 1975 et plus globalement la législation sur la protection de l’emploi, avec ses compléments, tels que la gestion des IRP, impose au management des comportements totalement antinomiques avec les principes de Taylor. Ainsi, il devient nécessaire de maintenir dans l’emploi, au poste ou non, des salariés qui ne sont plus utiles à la fonction productive jusqu’à ce que l’ensemble de la procédure préalable soit respectée. Les coûts de ces salariés se poursuivront jusqu’au paiement du dernier jour de préavis et des congés payés y afférents, même si le préavis n’est pas effectué puisqu’il n’y a plus de travail à fournir au salarié. Ne serait-ce qu’à ce niveau, nous pouvons apprécier l’anormalité du système issu de la loi de 1975. Mais au-delà, il convient de préciser que toute une partie du management de l’entreprise, et dans les PME le chef d’entreprise lui-même, va devoir consacrer une partie de son temps et de son énergie à la gestion de cette procédure. C’est à ce niveau que l’on constate que la complexité est conçue comme une entrave au management. Elle a pour objet de détourner le chef d’entreprise de sa fonction principale, c’est la dire la fonction productive ou l’assistance à la fonction productive. Le test de 1975 est donc déstructurant pour l’entreprise à ces deux niveaux, ce que ses promoteurs omettent évidemment de préciser et que le patronat français mettra plusieurs années à comprendre.

La gestion de cette complexité impose du temps et la mise en œuvre de moyens managériaux importants. De cette façon, ces moyens sont distraits de leurs objectifs naturels qui sont d’organiser et de produire, de vendre et de rémunérer les facteurs de production, les salariés et les actionnaires. Un événement économique, conjoncturel ou structurel modifie les conditions de production et contraint le management à modifier l’organisation du travail en procédant éventuellement à la suppression des effectifs. Le management a pour obligation de réagir dans les délais les plus rapides pour adapter l’outil de production et faire face à la concurrence qui, quant à elle, se situe dans la même course de vitesse, étant souligné que si les entreprises françaises sont toutes soumises aux mêmes lois et en l’occurrence, en matière de droit du travail, aux mêmes lourdeurs, il n’en est pas de même de la concurrence intra-européenne et de la concurrence mondialisée.

Nous l’avons précisé : la législation sur la protection de l’emploi a pour objectif de fonctionner a contrario de l’entreprise et des contraintes du management. Elle vise à empêcher cette adaptation immédiate et rapide, si celle-ci emporte une modification du

niveau de l’emploi. Si cette adaptation est inévitable, et passe par la réduction des effectifs, la loi doit ralentir le processus de rupture des contrats de travail et rendre cette opération la plus coûteuse possible. Même si cet objectif n’était pas nécessairement celui du législateur en 1975, il est clair que ce même législateur et le pouvoir de contrôle de la loi, le conseil constitutionnel, et plus globalement le corps social ont admis qu’il était devenu naturel de brider l’initiative entrepreneuriale, de rendre les réorganisations coûteuses, de les déporter dans le temps quelle que soit la conséquence finale de cette opération pour l’entreprise. L’idée fondamentale réside dans le fait que l’effet dissuasif de la LPE permettra de limiter les licenciements et donc d’éviter l’augmentation du chômage.

La dissuasion repose sur la sanction, prévue à chaque étape de la procédure, en cas de violation de ces étapes, et se termine par l’indemnisation au titre du licenciement considéré comme non causé par la juridiction.

Et effectivement, l’évitement ou l’erreur de l’entreprise sur chacune des étapes de la procédure de licenciement, qu’il s’agisse d’ailleurs du licenciement pour motif individuel ou du licenciement pour motif économique, peut être sanctionnée par une pénalité financière : indemnité pour non-respect de la procédure, par exemple. Enfin, les pénalités énoncées sont de nature diverse : financières en général, civiles ou administratives, elles peuvent être également pénales dans le cadre des délits d’entrave ou des contournements des dispositions contraignantes du droit du travail, dont le respect est cependant obligatoire dans le cadre des licenciements économiques, en particulier des licenciements collectifs.

Puis il existe une pénalité non inscrite dans les lois de 1973 et de 1975, mais dont les effets sont bien réels : nous verrons d’ailleurs que ce sont ces effets qui peuvent emporter l’entreprise vers la liquidation judiciaire. Il s’agit du temps. Rappeler que, pour l’entreprise et pour le management, « le temps c’est de l’argent » est un euphémisme.

Mais précisément, la procédure de licenciement française, à la différence de l’anglo-saxonne (américaine, britannique ou allemande), a pour objectif de gaspiller le temps du manager, d’une part, et d’allonger le temps de présence inutile du salarié dans l’entreprise d’autre part. Gaspiller le temps du manager, c’est l’obliger à se consacrer à des tâches non productives. Cette situation se retrouve en particulier dans les TPE et les

PME qui ne bénéficient pas de service RH. La complexité du droit du travail, sur laquelle nous reviendrons, accroît notablement cette charge et ce temps passé. Nous visons également dans cette dépense de temps et dans cette exposition de moyens la gestion des IRP en période de crise. Alors que le chef d’entreprise devrait consacrer l’ensemble de son énergie à la préservation de l’entreprise, il va devoir se confronter à la représentation syndicale dont l’objectif n’est pas nécessairement la préservation de l’outil de production. En imaginant qu’elle le soit, il va devoir passer un temps considérable dans des réunions ou le consacrer au respect d’un formalisme administratif qui ne contribuent en aucune façon à la production. Nous aurons l’occasion d’y revenir : la gestion des IRP est en elle-même un coût pour l’entreprise, ce que nous appelons un coût occulté, et elle n’est pas nécessairement favorable au développement ou à la survie de l’outil de travail.

Mais le système vise également à pénaliser l’entreprise en l’obligeant à rémunérer des salariés dont elle a décidé que sa présence n’était plus utile à la fonction de production.

L’impossibilité de licencier rapidement, en particulier dans le cadre des licenciements économiques, l’allongement de la durée de la procédure sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois, sont en eux-mêmes des facteurs de coûts. Il s’agit d’un coût du travail inutile à l’entreprise qui finit par peser sur son fonctionnement et peut effectivement la conduire à la ruine.

1.2. Contraindre les propriétaires du capital à la consommation des

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