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Synchronisation des rythmes biologiques

LES IMPACTS NÉGATIFS DE L’ÉCLAIRAGE ARTIFICIEL NOCTURNE

3.3 IMPACTS SANITAIRES

3.3.1 Les rythmes biologiques, leur synchronisation et désynchronisation

3.3.1.2 Synchronisation des rythmes biologiques

« Au sein d’un même organisme, l’horloge biologique assure une synchronisation temporelle interne, coordonnant les variations circadiennes de multiples paramètres biochimiques, physiologiques et comportementaux. Le tableau 2 donne, pour plusieurs hormones, la cartographie temporelle de leur concentration plasmatique.

292 S

TEEVES T.D ., KING D.P., ZHAO Y., SANGORAM A.M. et DU F., 1999, « Molecular cloning and characterization of

the human clock gene : expression in the suprachiasmatic nuclei », Genomics, n° 57, p. 189-200.

293 KATZENBERG D., YOUNG T., FINN L., LIN L. et KING D.P., 1998 « A clock polymorphism associated with human

diurnal preference », Sleep, n° 21, p. 569-576.

294 INSERM, expertise collective, 2001, Rythmes de l'enfant. De l'horloge biologique aux rythmes scolaires. 295 INSERM, expertise collective, 2001, Rythmes de l'enfant. De l'horloge biologique aux rythmes scolaires.

Tableau 2 Aspect circadien de la structure temporelle humaine296.

« Carte temporelle ». N : nombre de sujets ; 17-OH CS : 17-hydroxycorticostéroïdes ; 17- CS : 17-cétostéroïdes ; AVM : acide vanylmandélique ; VS : vitesse de sédimentation.

La production de cortisol est caractérisée par un pic en début de matinée, vers 8 heures ; s’ensuivent une diminution progressive jusqu’au soir, une période de sécrétion minimale autour de minuit puis une élévation rapide dans la seconde partie de la nuit (figure 4). A l’inverse, les concentrations diurnes de la mélatonine sont basses et stables, le pic de production ayant lieu au milieu de la nuit (figure 4). Les profils circadiens du cortisol et de la mélatonine constituent de bons marqueurs de la rythmicité circadienne.

Figure 4 Variations circadiennes des concentrations plasmatiques de la mélatonine et du cortisol. Touitou et al.297

La seconde fonction de l’horloge interne est de permettre à l’organisme de s’adapter aux modifications d’environnement liées aux alternances entre le jour et la nuit. Les cycles lumière/obscurité jouent un rôle essentiel sur la synchronisation des rythmes circadiens chez l’homme et l’exposition à un pulse lumineux est en mesure de décaler le pic de production d’une hormone. Selon le moment de l’exposition, la phase sera avancée ou retardée. Il a été montré que l’exposition à un niveau de lumière de 2500 lux d’un sujet 3 heures durant (de 5 heures à 8 heures) pendant 6 jours consécutifs entraîne une diminution des concentrations plasmatiques de cortisol et de mélatonine, ainsi qu’un déplacement de la phase (avance de phase) du rythme circadien de ces deux hormones298 (figure 5).

297 TOUITOU Y., FEVRE M., BOGDAN A., REINBERG A., DE PRINS J. et al., 1984, « Patterns of plasma melatonin with

ageing and mental condition : stability of nyctohemeral rhythms and differences in seasonal variations », Acta

Endocrinology, n° 106, p. 145-151.

298 T

OUITOU Y., BENOIT O., FORET J., AGUIRRE A. et BOGDAN A., 1992, « Effects of 2 hour early awakening and bright

light exposure on plasma patterns of cortisol, melatonin, prolactin and testosterone in man », Acta Endocrinol, n° 126, p. 201-205.

LEMMER B., BRÜHL T., PFLUG B., KÖHLER W. et TOUITOU Y., 1994, « Effects of bright light on circadian patterns of cyclic adenosine monophosphate, melatonin and cortisol in healthy subjects », European Journal of Endocrinology, n° 130, p. 472-477.

Figure 5 Effet de l’exposition à la lumière sur les profils de la mélatonine et du cortisol plasmatiques chez le sujet sain.

* significativement différent (p < 0,05) ; ** significativement différent. Touitou et al.299 Facteurs influençant les rythmes biologiques

Plusieurs facteurs doivent être précisément connus pour toute étude des rythmes circadiens : âge, sexe, cycle menstruel, poids, taille, origine ethnique du sujet, qualité et quantité de sommeil, pathologies ou traitements éventuels300. S’ajoutent à ces facteurs les conditions de l’environnement et leurs alternances : lumière/obscurité, chaud/froid, saisons, veille/sommeil, etc. Le travail de nuit, posté, ou en situation confinée ou de bruit important et continu est également susceptible de modifier les rythmes circadiens301. Une augmentation marquée de l’amplitude du rythme circadien de la mélatonine est observée chez les travailleurs postés alors que, en revanche, les concentrations de testostérones sont abaissées302 (figure 6).

299 TOUITOU Y., BENOIT O., FORET J., AGUIRRE A. et BOGDAN A., 1992, « Effects of 2 hour early awakening and bright

light exposure on plasma patterns of cortisol, melatonin, prolactin and testosterone in man », Acta Endocrinol, n° 126, p. 201-205.

300 TOUITOU Y., BOGDAN A., HAUS E. et TOUITOU C., 1997, « Modifications of circadian and circannual rhythms with

aging », Experimental Gerontology, n° 32, p. 603-614.

301 T

OUITOU Y., 1998a, « La mélatonine : hormone et médicament », Comptes-Rendus des Séances et Mémoires de la Société

de Biologie, n° 192, p. 643-657.

302 TOUITOU Y., MOTOHASHI Y., REINBERG A., TOUITOU C., BOURDELEAU P. et al., 1990, « Effect of shift work on the

secretory nighttime patterns of melatonin, prolactin, cortisol and testosterone », European Journal of Applied

Figure 6 Rythme circadien des concentrations plasmatiques de testostérone et de mélatonine. Chez quatre travailleurs postés et un groupe de sujets contrôles. Touitou et al.303

L’interaction des rythmes biologiques de différentes périodes, et en particulier l’interaction des rythmes ultradiens sur les rythmes circadiens et l’interaction des rythmes circannuels sur les rythmes circadiens, est également à prendre en compte. Les paramètres qui caractérisent une rythmicité circadienne peuvent être totalement ou en partie modifiés en fonction des saisons (figure 7).

Figure 7 Rythme saisonnier de la mélatonine plasmatique.

Chez l’adulte jeune, le sujet âgé et le patient atteint de démence sénile d’Alzheimer Touitou et al.304

303 TOUITOU Y., MOTOHASHI Y., REINBERG A., TOUITOU C., BOURDELEAU P. et al., 1990, « Effect of shift work on the

secretory nighttime patterns of melatonin, prolactin, cortisol and testosterone », European Journal of Applied

La réponse d’un organe à un stimulus peut donc être différente non seulement en fonction de l’heure de la journée, mais également en fonction du moment de l’année durant lequel ce stimulus est appliqué. »305

Désynchronisation des rythmes circadiens

« Chez le sujet en bonne santé, dont l’organisme vit en harmonie avec son environnement, les rythmes biologiques sont synchronisés ; en revanche, des perturbations des rythmes peuvent apparaître dans un certain nombre de conditions dites « de désynchronisation »306. Une désynchronisation est un état où au moins deux variables rythmiques antérieurement synchronisées ont cessé de présenter les mêmes relations de fréquence et/ou d’acrophase, montrant ainsi des relations temporelles différentes des relations habituelles. La désynchronisation peut être externe, dépendant alors de modifications de l’environnement : phénomène du jet-lag, travail posté, etc. Elle peut être interne, ne dépendant pas des facteurs de l’environnement.

On retrouve la désynchronisation dans le vieillissement, dans un certain nombre de maladies comme la dépression et le cancer du sein, de l’ovaire ou de la prostate. La figure 8 montre comment, parmi 13 patientes atteintes d’un cancer du sein avancé, la moitié a un profil considéré comme normal (figure de gauche), tandis que l’autre moitié présente un profil totalement anarchique, témoignant d’une désynchronisation (figure de droite).

Figure 8 Profils circadiens du cortisol plasmatique.

Chez 13 patientes atteintes d’un cancer du sein avancé. Touitou et al.307

Cette désynchronisation, qu’elle soit interne ou externe, s’accompagne d’un ensemble de signes atypiques tels que fatigue, dégradation de la qualité du sommeil, de l’humeur, troubles de l’appétit. Tous ces troubles peuvent être corrigés par le traitement de la

304 TOUITOU Y., FEVRE M., BOGDAN A., REINBERG A., DE PRINS J. et al., 1984, « Patterns of plasma melatonin with

ageing and mental condition : stability of nyctohemeral rhythms and differences in seasonal variations », Acta

Endocrinology, n° 106, p. 145-151.

305 INSERM, expertise collective, 2001, Rythmes de l'enfant. De l'horloge biologique aux rythmes scolaires. 306 R

EINBERG A. et TOUITOU Y., 1996, « Synchronization and dyschronism of human circadian rhythms », Pathologie

Biologie, n° 44, p. 487-495.

307 TOUITOU Y., BOGDAN A., LEVI F., BENAVIDES M. et AUZEBY A., 1996, « Disruption of the circadian patterns of

serum cortisol in breast and ovarian cancer patients : relationships with tumor marker antigens », Brit J Cancer, n° 74, p. 1248-1252.

désynchronisation : administration de lumière forte (traitement de la dépression saisonnière) ou administration de mélatonine, synthétisée par la glande pinéale308. »309 Ainsi, les résultats récents obtenus en chronobiologie moléculaire ont démontré l’existence d’horloges cellulaires dans les tissus périphériques. Les noyaux suprachiasmatiques ne sont donc plus les générateurs de tous les rythmes circadiens, mais jouent vraisemblablement un rôle essentiel dans leur coordination, comme le montre la figure 9.

Figure 9 Schéma d’organisation du système circadien des mammifères.

Lumière/Obscurité : alternance régulière de lumière et d’obscurité sur 24 heures. Schéma de l’auteur, d’après Expertise collective INSERM310.

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