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Ecologie de la communauté et effets d’écosystèmes

LES IMPACTS NÉGATIFS DE L’ÉCLAIRAGE ARTIFICIEL NOCTURNE

3.2 IMPACTS ENVIRONNEMENTAU

3.2.3 Ecologie de la communauté et effets d’écosystèmes

Les comportements montrés par différents animaux en réponse à l'illumination ambiante (orientation, désorientation) et à la luminance (attraction, répulsion) influencent les interactions entre espèces, notamment la compétition et la prédation.

3.2.3.1 Compétition

L'éclairage artificiel pourrait perturber les interactions entre différentes espèces se partageant une ressource suivant le niveau d’illumination. Par exemple, dans des conditions normales, les temps de recherche de nourriture sont divisés, suivant les différents niveaux de l'éclairage, entre les différentes espèces, et ce en fonction de leurs préférences. La rainette verte des États-Unis, grenouille arboricole particulièrement commune, peut s’orienter et rechercher sa nourriture à des niveaux d’éclairage très bas (jusqu’à 10-5 lux) mais cessera cette activité au-dessus de 10-3 lux270. Le crapaud boréal (ouest de l’Amérique du Nord, population du Canada considérée comme menacée) chasse, lui, seulement entre le 10-1 lux et 10-5 lux, alors que la grenouille côtière à queue (nord-ouest des États-Unis et sud-ouest du Canada) cherche sa nourriture seulement pendant la partie la plus sombre de la nuit, en dessous de 10-5 lux271. Bien que ces trois espèces n’occupent pas nécessairement la même niche écologique, elles illustrent la division du temps de quête alimentaire en fonction du niveau d’éclairage.

Beaucoup de chauves-souris sont attirées par les insectes qui se concentrent autour des sources lumineuses. Bien que positif au premier abord, l'augmentation de la concentration de proies ne profite qu'aux espèces de chauve-souris exploitant ces sources, ce qui pourrait entraîner des changements structuraux entres ces différentes espèces. Ainsi, les chauves- souris au vol rapide se rassemblent autour des lumières pour s’alimenter, tandis que les espèces volant plus lentement ont tendance à éviter les lumières272.

Les changements de compétition se produisent également lorsque les espèces diurnes se « déplacent » temporellement vers des périodes théoriquement nocturnes mais éclairées artificiellement273. Cela s'applique particulièrement aux reptiles, mais aussi à d’autres taxons, tels que les araignées et les oiseaux274.

270 B

UCHANAN B.W., 1998, « Low-illumination prey detection by squirrel treefrogs », Journal of Herpetology, n° 32,

p. 270-274.

271 HAILMAN J.P., 1984, « Bimodal nocturnal activity of the western toad (Bufo boreas) in relation to ambient

illumination », Copeia, n° 2, p. 283-290.

272 BLAKE D., HUTSON A.M. et RACEY P.A., 1994, « Use of lamplit roads by foraging bats in southern England », Journal

of Zoology, n° 234, p. 453-462.

RYDELL J. et BAAGØE H.J., 1996, « Streetlamps increase bat predation on moths », Entomologisk Tidskrift, n° 117,

p. 129-135.

273 SCHWARTZ A. et HENDERSON R.W., 1991, Amphibians and reptiles of the West Indies: descriptions, distributions, and

natural history, Gainesville, University of Florida Press.

274 HILL D., 1990, « The impact of noise and artificial light on waterfowl behaviour: a review and synthesis of the

3.2.3.2 Prédation

Bien qu'il puisse sembler positif, à première vue, que les espèces diurnes puissent chercher leur nourriture plus longtemps grâce aux lumières artificielles, ce gain de temps d'activité est souvent compensé par un risque accru de prédation275. L'équilibre entre la prolongation du temps passé à quêter la nourriture et l’accroissement du risque de prédation est une thématique centrale pour la recherche sur les petits mammifères, les reptiles et les oiseaux276.

Des changements inattendus des conditions de lumière peuvent perturber les rapports proies/prédateurs. Gliwicz décrit une prédation accrue des poissons sur le zooplancton durant les nuits de Pleine Lune et le crépuscule277. Ce « piège lumineux lunaire » est un phénomène naturel, mais l'illumination inattendue par des sources artificielles peut perturber des interactions proies/prédateurs d'une façon semblable, souvent à l'avantage du prédateur, perturbations démontrées par les recherches actuelles. Par exemple, des phoques ont été observés se rassemblant sous les lumières artificielles pour manger les jeunes saumons durant leur migration ; l’extinction des sources lumineuses a entraîné une réduction de la prédation278. Frank passe en revue la prédation par les oiseaux, les mouffettes, les crapauds et les araignées des mites attirées par des lumières artificielles279. De ces exemples, il découle que la structure d’une communauté peut être changée, que la lumière artificielle affecte des interactions spécifiques entre espèces. Les lumières artificielles créent ainsi une « Pleine Lune permanente » qui favoriserait les espèces qui sauraient en tirer profit, et exclurait les autres, affectant les caractéristiques de bon nombre d’écosystèmes.

Les effets cumulatifs des changements comportementaux sur la concurrence et la prédation entre espèces, induits par l'éclairage artificiel nocturne, ont le potentiel de perturber les fonctions écosystémiques principales, comme l’illustrent les effets de débordement de la pollution lumineuse écologique sur les invertébrés aquatiques. Beaucoup d'invertébrés aquatiques, tels que le zooplancton, se déplacent de haut en bas d’une colonne d'eau sur une période de 24 heures, comportement connu sous le nom de « migration verticale diurne ». La migration verticale diurne résulte vraisemblablement d'un besoin d'éviter la

275 GOTTHARD K., 2000, « Increased risk of predation as a cost of high growth rate: an experimental test in a

butterfly », Journal of Animal Ecology, n° 69, p. 896-902.

276 K

OTLER B.P., 1984, « Risk of predation and the structure of desert rodent communities ». Ecology, n° 65, p. 689-

701.

LIMA S.L., 1998, « Stress and decision-making under the risk of predation: recent developments from behavioral, reproductive, and ecological perspectives », Advances in the Study of Behavior, n° 27, p. 215–90.

277 GLIWICZ Z.M., 1986, « A lunar cycle in zooplankton », Ecology, n° 67, p. 883-897.

GLIWICZ Z.M., 1999, « Predictability of seasonal and diel events in tropical and temperate lakes and reservoirs », TUNDISI J.G. et STRASKRABA M. (sous la dir . de), Theoretical reservoir ecology and its applications, São Carlos,

International Institute of Ecology.

278 YURK H. et TRITES A.W., 2000, « Experimental attempts to reduce predation by harbor seals on out-migrating

juvenile salmonids », Transactions of the American Fisheries Society., n° 129, p. 1360-1366.

279 FRANK K.D., 1988, « Impact of outdoor lighting on moths: an assessment », Journal of the Lepidopterists’ Society,

prédation durant les heures de forte luminosité280. Le seul gradient de luminosité induit par un quartier de Lune (inférieur à 10-1 lux) est suffisant pour influencer la distribution verticale de quelques invertébrés aquatiques. En effet les modes de migrations verticales diurnes varient en suivant le cycle lunaire281.

Moore et al.282 ont documenté l'effet de la lumière artificielle sur la migration diurne de certains zooplanctons. L’éclairage artificiel a diminué l'importance de ces migrations en jouant sur l’amplitude du mouvement vertical et sur le nombre d'individus migrant. Les chercheurs présument que cette rupture de migration verticale diurne peut avoir des effets néfastes conséquents sur l’écosystème. Avec peu de zooplancton migrant à la surface, les populations d'algues peuvent proliférer. Une telle prolifération aurait alors une série d'effets nuisibles sur la qualité de l'eau.

280 G

LIWICZ Z.M., 1986, « A lunar cycle in zooplankton », Ecology, n° 67, p. 883-897.

281 D

ODSON S., 1990, « Predicting diel vertical migration of zooplankton », Limnology and Oceanography, n° 35, p. 1195- 1200.

282 MOORE M.V., PIERCE SM. et WALSH H.M., 2000, « Urban light pollution alters the diel vertical migration of

Daphnia », Verhandlungen Internationale Vereinigung für Theoretische und Angewandte Limnologie, n° 27, p. 779-782.

« Ô doux sommeil, ô nuit à moi heureuse! – Plaisant repos plein de tranquillité, – Continuez toutes les nuits mon songe. »

Sonnets, Louise Labé

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