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Les impacts sur l’astronomie professionnelle

LES IMPACTS NÉGATIFS DE L’ÉCLAIRAGE ARTIFICIEL NOCTURNE

3.1 LES IMPACTS SOCIOCULTURELS

3.1.2 Les impacts sur les activités scientifiques

3.1.2.2 Les impacts sur l’astronomie professionnelle

La dégradation d’un outil de travail

Comme nous le verrons en troisième partie de ce travail, les astronomes professionnels et amateurs ont été les premiers à s’inquiéter de l’impact de l’éclairage artificiel sur la qualité du ciel nocturne. Étudier et photographier les objets célestes devient ainsi de plus en plus difficile et, dans nombre d’endroits, les objets faiblement lumineux ne peuvent plus être distingués du « fond de ciel ». Or les objets d’études de l’astronomie sont essentiellement des objets qui sont, vus depuis la Terre, très peu lumineux (galaxies lointaines, nébuleuses, amas stellaires, etc.). On démontre que la limite inférieure des éclats accessibles à un instrument d’observation dépend de plusieurs paramètres, dont le diamètre de cet instrument et la brillance du ciel. Toute lumière artificielle dégrade le rapport signal/bruit, d’où une recherche permanente, de la part des astronomes, des sites d’observation les plus exempts de lumières artificielles. Ainsi, il ne subsiste aucun site en Europe où il serait envisageable d’implanter un observatoire professionnel ou de mener une recherche de pointe sur l’univers lointain.

Cinzano et al.221 montrent que la vision du ciel nocturne s'est sévèrement dégradée dans un grand nombre de pays, que plus de 99 % des États-Unis et de l'Union Européenne, et environ deux tiers de la population de la planète vivent dans des zones où le ciel nocturne est au-dessus du seuil de pollution, c'est-à-dire que la clarté artificielle du ciel nocturne est supérieure de 10 % à la clarté naturelle au-dessus de 45 degrés de hauteur222. Dans les zones où vivent 97 % des habitants des États-Unis, 96 % des habitants de l'Union Européenne et la moitié de la population mondiale, le ciel nocturne dans des conditions atmosphériques normales est plus éclairé que ce qui a été mesuré au premier quartier de Lune dans les meilleurs sites astronomiques223. 93 % de la population des États-Unis, 90 % de l'Union Européenne et environ 40 % de la population mondiale vivent sous un ciel au zénith plus brillant qu'il le serait avec un premier quartier de Lune à 15 degrés de

221 CINZANO P., FALCHI F., ELVIDGE C.D. et BAUGH K.E., 2000, « The artificial night sky brightness mapped from

DMSP Operational Linescan System measuremen », Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, n° 318, p. 641-657.

222 S

MITH F.G., 1979, « Report and Recommandations of IAU Commission 50 », Reports on Astronomy, IAU Transaction, XVIIA, p. 218-222.

hauteur et aucune lumière polluante224. On peut donc considérer qu’ils vivent en permanence au clair de Lune, s'en rendant rarement compte car connaissant aussi le ciel de Pleine Lune, plus brillant. Cinzano et al.225 constatent que pour 80 % de la population des

États-Unis, les deux tiers de l'Union Européenne et plus d'un quart de la population mondiale, la clarté du ciel est encore plus forte que celle relevée près de la Pleine Lune dans les meilleurs sites astronomiques. Ainsi, la « nuit » ne tombe jamais réellement pour ces populations. Sur la base d'une vision moyenne, plus des deux tiers de la population des États-Unis, la moitié de l'Union Européenne et un cinquième de la population mondiale on déjà perdu la possibilité de voir la Voie Lactée. Enfin, toujours selon Cinzano et al.226,

environ 40 % de la population des États-Unis, un sixième de l'Union Européenne et un dixième de la population mondiale ne peuvent voir le firmament, même avec un regard habitué et entraîné à la vision nocturne, parce que sa clarté est inférieure au seuil de vision nocturne227.

De nombreuses zones que l'on croyait non polluées, parce qu'apparaissant complètement sombres sur les images satellitaires nocturnes, montrent au contraire, dans l'Atlas de la clarté

artificielle du ciel nocturne de Cinzano et al.228, des niveaux de clarté artificielle non négligeables, et ce à cause de la pollution lumineuse exogène. Souvent le ciel d'un pays s'avère pollué par des sources provenant du pays voisin, comme c’est le cas pour l’extrême nord-est de la France, à proximité de la Belgique. Ainsi, les sites à l'essai pour les nouvelles générations de télescopes nécessitent donc une étude précise, et sur le long terme, de l'augmentation de la clarté artificielle du ciel nocturne, pour s'assurer la conservation d’un ciel noir longtemps après leur installation. Un contrôle sérieux à la fois des installations d'éclairage et des nouvelles aires d’urbanisation est nécessaire sur de grandes étendues autour des sites, parfois sur un rayon de 250 kilomètres229.

Sur le site Web de l’Observatoire de Haute-Provence (Saint-Michel l’Observatoire, Alpes de Haute Provence), Jean-Pierre Sivan, directeur de l'Observatoire Astronomique de Marseille-Provence, écrit :

224 K

RISCIUNAS K. et SCHAEFER B. E., 1991, « A model of the brightness of moonlight », Publications of the Astronomical

Society of the Pacific, n° 103, p. 1033-1039.

225 C

INZANO P., FALCHI F., ELVIDGE C.D. et BAUGH K.E., 2000, « The artificial night sky brightness mapped from DMSP Operational Linescan System measuremen », Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, n° 318, p. 641-657.

226 CINZANO P., FALCHI F., ELVIDGE C.D. et BAUGH K.E., 2000, « The artificial night sky brightness mapped from

DMSP Operational Linescan System measuremen », Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, n° 318, p. 641-657.

227 G

ARSTANG R.H., 1986, « Model for artificial night-sky illumination ». Publications of the Astronomical Society of the

Pacific, n° 98, p. 364-375.

SCHAEFER B. E., 1993, « Astronomy and the limits of vision », Vistas in Astronomy, n° 36, pp. 311-361.

228 CINZANO P., FALCHI F., ELVIDGE C.D. et BAUGH K.E., 2000, « The artificial night sky brightness mapped from

DMSP Operational Linescan System measuremen », Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, n° 318, p. 641-657.

229 C

INZANO P., FALCHI F., ELVIDGE C.D. et BAUGH K.E., 2000, « The artificial night sky brightness mapped from DMSP Operational Linescan System measuremen », Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, n° 318, p. 641-657.

« Parce que les villes, les villages, les voies de communication sont éclairés de façon excessive et irrationnelle, une véritable pollution lumineuse s’étend sur toute la planète. Si elle prive les hommes du contact direct qu’il a toujours eu avec son environnement cosmique, elle perturbe aussi, gravement, la faune nocturne (oiseaux, insectes) quand elle ne la massacre pas. Elle engendre enfin une gêne parfois rédhibitoire pour la pratique de l’observation astronomique. On n’observe plus depuis longtemps au cœur des villes. Dans les sites isolés, la nuisance existe aussi, plus ou moins forte. L’Observatoire de Haute-Provence a été en 1995 le théâtre de la découverte de la première planète extrasolaire, une planète détectée autour d’une étoile semblable à notre soleil, située à 42 années lumière de celui-ci. Cette grande première mondiale, les découvertes de planètes extrasolaires qui l’ont suivie, et bien d’autres études astrophysiques de pointe, si elles attestent de la compétitivité des équipements de cet observatoire, attestent aussi de la qualité du site où il est implanté. Mais le site de Saint Michel, toujours remarquable par le nombre de nuits claires qu’il offre dans une année, n’échappe pas toutefois aux effets nocifs de la pollution lumineuse. Les halos lumineux des villes et des villages augmentent dans le ciel, en étendue et en intensité. Les astronomes s’accommodent encore de cette gêne aujourd’hui. Dût-elle s’accroître démesurément, elle risquerait d’entraver à terme toute activité d’observation à Saint-Michel jusqu’à la condamner. À l’Observatoire de Haute- Provence, comme dans les grands observatoires du monde, couramment les télescopes sont braqués vers des astres des millions de fois moins lumineux que les plus faibles étoiles visibles à l’œil nu et des milliards de fois moins brillants que les lampadaires des rues de nos villages. »230

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