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Des croyances rythmées par l’astre du jour

L’HOMME OCCIDENTAL ET LA NUIT

1.3 LES ATTRIBUTS FONDAMENTAUX DE LA LUMIÈRE 1 Place de la lumière dans la culture judéo-chrétienne

1.3.1.2 Des croyances rythmées par l’astre du jour

Les solstices, symboles de mort et de renaissance

Les solstices sont les moments de l'année où la position apparente du Soleil vu de la Terre atteint son extrême méridional ou septentrional. Du latin solstitium (de sol, « soleil », et

sistere, « s'arrêter, retenir »), les solstices sont donc les moments où l’azimut du Soleil à son

lever et à son coucher semble rester stationnaire pendant quelques jours, avant d’à nouveau se rapprocher de l'est au lever et de l’ouest au coucher ; ce sont donc également les moments où le Soleil est le plus éloigné de l'équateur terrestre, où la déclinaison de notre étoile est maximale (+23°27') ou minimale (–23°27'). Le solstice d’hiver (été) marque ainsi la date à laquelle la durée du jour est la plus courte (longue) de l’année, mais ces deux dates (le solstice d'hiver se produit vers le 21 décembre et le solstice d'été vers le 21 juin) marquent surtout un basculement. Ainsi, le solstice d’hiver (d’été) marque le retour de la lumière (l’obscurité) avec l’allongement (le raccourcissement) progressif de la durée du jour.

Le solstice d’hiver tient une place toute particulière dans nombre de croyances : correspondant au retour de la lumière, il symbolise la résurrection, le retour à la vie par le début d’un nouveau cycle de la nature. Des traces de célébrations de la période du solstice d’hiver se retrouvent jusqu’au néolithique (le monument mégalithique de Stonehenge en est l’exemple le plus connu), et les rituels païens pour accueillir le retour du Soleil étaient nombreux, qui donneront naissance à la fête chrétienne de Noël (l’Église chrétienne récupérant les rituels qu’elle ne pouvait éradiquer), célébrant chaque année la naissance de Jésus de Nazareth. Le solstice d’été constituait également l’occasion de célébrer la lumière : il marquait ainsi la nouvelle année dans l'Égypte antique, puis les célébrations de la Saint-Jean et leurs immenses feux dans le monde chrétien.

Les prières au rythme du jour et de la nuit

« Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation. » (Marc, 14:38). Les moines Chartreux se relèvent la nuit pour prier, suivant ainsi les écritures dans lesquelles il est mentionné que la nuit est particulièrement favorable à la prière et à la recherche de Dieu. La prière durant le moment nocturne est, pour le moine, une façon de reconnaître sa nuit intérieure et de « marcher vers la lumière ». Le lever de nuit est une pratique habituelle chez les ermites, car la prière nocturne est – comme il est écrit dans les statuts des moines Chartreux – « une garde sainte et persévérante dans l’attente du retour du Maître, pour lui ouvrir dès qu'il frappera » (Saint Bruno, fondateur de l’ordre des Chartreux). On retrouve cet appel à la veille nocturne et à la veille contre le mal dans l’Évangile selon Luc (12:35-40) :

« Que vos reins soient ceints et vos lampes allumées. Soyez semblables, vous, à des gens qui attendent leur maître à son retour de noces, pour lui ouvrir dès qu'il viendra et frappera. Heureux ces serviteurs que le maître en arrivant trouvera en train de veiller ! En vérité, je vous le dis, il se ceindra, les fera mettre à table et, passant de l'un à l'autre, il les servira. Qu'il vienne à la deuxième ou à la troisième veille, s'il trouve les choses ainsi, heureux seront-ils ! Comprenez bien ceci : si le maître de maison avait su à quelle heure le voleur devait venir, il n'aurait pas laissé percer le mur de sa maison. Vous aussi, tenez-vous prêts, car c'est à l'heure que vous ne pensez pas que le Fils de l'homme va venir.»

Lorsque, vers minuit, la cloche appelle à la prière, les moines sortent de leur sommeil, « pour rien d’autre que pour chanter les merveilles de Dieu et pour recevoir sa Parole, […] portés et soutenus par le silence et l’obscurité qui enveloppent la nature. Il suffit de se disposer à la présence de Dieu qui, parfois, se fait très proche. [La] veillée nocturne est un espace pour Dieu seul. »

La lumière dans la liturgie catholique

Si l’éclairage ne peut jouer avec le jour, il le peut avec la nuit et la lumière tient donc une place primordiale – utilitaire bien sûr, mais surtout symbolique – dans la liturgie catholique. Il y a d’ailleurs, aujourd’hui, plus de célébrations une fois la nuit tombée qu’autrefois : messes du soir, célébrations pénitentielles, veillées de prière, office du triduum pascal, ou encore messe de minuit pour la veillée de Noël.

La lumière a ainsi pour fonction de mettre en valeur, dans l’église, un élément architectural, une œuvre d’art ou un lieu important (autel, ambon). Mais la lumière la plus importante durant la liturgie est certainement la lumière des cierges, celle n’ayant plus, aujourd’hui, aucune fonction d’éclairage mais gardant une forte charge symbolique. Cette lumière est présente de deux façons : par les cierges fixes (le cierge pascal, un chandelier posé à côté de l’ambon, etc.) et par les cierges mobiles, portés par des enfants de chœur ou par les fidèles (cierges à la procession d’entrée, ou à la procession du lectionnaire, cierges accompagnant ceux qui donnent la communion, cierges de la veillée pascale, cierges du baptême).

« Lumen Christi ! – Lumière du Christ ! » : c’est par ce cri de naissance que commence la veillée pascale, cet « office de la lumière », événement fondateur de la foi catholique, qui tient une place toute particulière dans le rapport entre la lumière et la liturgie :

« La bonne nouvelle vient percer la nuit : « Lumière du Christ ! » C’est pourquoi le missel prévoit qu’on ne chante rien avant cette annonce […] ; la contemplation des formes et des mouvements des flammes est si captivante qu’on peut garder le silence assez longtemps. Seul le souffle des participants et le crépitement du bois et des flammes viennent habiter ce silence. Alors le cri peut jaillir : « Lumière du Christ – Nous rendons grâce à Dieu ». » (Portail de la

Liturgie Catholique, édité par le Service National de la Pastorale Liturgique et Sacramentelle,

dernière consultation le 14 juillet 2010).

C’est d’ailleurs à cette seule occasion liturgique que l’église doit être dans l’obscurité totale, afin que la lumière des cierges de la procession d’entrée de la veillée pascale soit véritablement « lumière anéantissant les ténèbres », comme s’en émerveille le psalmiste, repris dans un chant de la communauté de Taizé : « La ténèbre n'est pas ténèbre devant Toi, la nuit comme le jour est lumière ! »

1.3.2 De l’obscurantisme aux Lumières

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