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Le renouveau de la lumière urbaine depuis le milieu des années

UNE NUIT URBAINE SOUS ÉCLAIRAGE ARTIFICIEL

2.2 LES FONCTIONS DE L’ÉCLAIRAGE URBAIN AUJOURD’HUI 1 Des fonctions dites « consensuelles »

2.2.2 Les nouveaux enjeux de l’éclairage

2.2.2.1 Le renouveau de la lumière urbaine depuis le milieu des années

Dès le début des années 1980, une forte compétition se met en place entre les agglomérations et entre les villes d’une même agglomération, donnant naissance à l’élaboration des projets d’aménagement des villes favorisant une nouvelle approche de l’éclairage, axée vers la promotion, via la communication.

181 GARNIER J.-P., 2004, « Un espace indéfendable. L’aménagement urbain à l’heure sécuritaire », Prétentaine, n° 16-

Un contexte de mise en concurrence des villes

Les collectivités se préoccupent désormais de trouver des moyens pour attirer des entreprises (augmentation des revenus tirés de la taxe professionnelle, favoriser l’emploi) et des habitants, notamment des catégories sociales supérieures. Il s’agit donc pour elles de promouvoir leur dynamisme, leur attractivité, et donc de communiquer suivant ces axes en se donnant une singularité et une identité. Dans cette logique, la qualité et le prestige des espaces publics deviennent deux éléments majeurs de cet urbanisme de communication. C’est alors naturellement que l’éclairage public va constituer un outil de cet urbanisme de communication, la lumière exerçant depuis longtemps (osons la formule bannie du discours historique : « depuis la nuit des temps »), comme nous l’avons vu, une fascination indéniable et étant un symbole positif fort dans notre culture. Les élus locaux sont d’autant plus intéressés par ce mode de communication qu’il apparaît efficace à coûts réduits, par rapports à d’autres opérations d’aménagement, et pour une visibilité très forte auprès des riverains, touristes et investisseurs. L’utilisateur de la ville nocturne n’est plus le même qu’auparavant : il participe dorénavant à l’enrichir par des pratiques culturelles, de loisir, mais surtout de consommation et constitue donc un électorat à part entière. On voit donc l’arrivée des concepteurs lumière parmi les acteurs de l’aménagement urbain et, dès lors, l’éclairage quitte sa conception essentiellement routière pour se diriger vers ce rôle de mise en valeur de l’image de la ville, vers la mise en scène d’ensembles de bâtiments ou d’espaces publics. Cette conception est accompagnée d’un développement des festivités nocturnes (création de la Fête de la musique en 1982, émergence de nombreux festivals de théâtre, de musique, Fête des lumières à Lyon, Paris, etc.).

C’est à cette période que la thématique du rôle de l’éclairage sur la sécurité émerge à nouveau, mais se présentant cependant moins sous la forme sécuritaire que sécurisante, avec la réapparition de la notion de prévention situationnelle que nous avons vue précédemment, associée aux technologies de vidéosurveillance qui font leur apparition. On pourrait voir dans cette nouvelle conception de l’éclairage urbain un véritable tournant dans l’utilisation de ce qu’il est maintenant convenu d’appeler la « lumière urbaine » ; pourtant les rôles qui lui sont attribués, même s’ils contrastent avec la vision réduite de la période fonctionnaliste, n’en sont pas pour autant complètement nouveaux, reprenant la plupart de ceux qu’ils avaient déjà remplis par le passé. « L’urbanisme lumière » concentre rapidement les nouveaux discours qui entourent les nouvelles préoccupations de l’éclairage urbain. Pensé initialement comme outil communicationnel, celui-ci devient rapidement un outil d’aménagement urbain à vocation bien plus large, reprenant les concepts de la pensée actuelle de l’aménagement de la ville, ceux du « projet urbain » qui constitue le modèle d’urbanisme dominant depuis les années 1980.

À nouvelle conception de la ville, nouvel éclairage

Les premiers documents de planification liés à l’éclairage (plans lumière, schémas directeurs) voient le jour dans différentes villes dès la fin des années 1980, mais la véritable

ascension de l’urbanisme lumière s’opère surtout durant les années 1990 avec son explicitation dans les colloques (Journées Nationales de la Lumière, lancées en 1998 à Poitiers, par exemple), dans les formations (cours de l’AFE consacrés à l’éclairage urbain) et au travers d’ouvrages clés : La lumière urbaine rédigé par Roger Narboni en 1997, Le

paysage lumière du Centre d'Études sur les Réseaux de Transport et l'Urbanisme (CERTU),

réactualisé en 1998, etc.

De son côté, l’État met en place des démarches incitatives pour favoriser les interventions d’éclairage dans les quartiers bénéficiaires de la politique de la ville. Au mois de juillet 2002 sont lancés, à l’initiative d’EDF et de la Délégation Interministérielle à la Ville (DIV), des appels à projets sur la mise en lumière des quartiers et le développement durable. La clé de cette démarche « Une nouvelle lumière pour la ville » est « la volonté politique, la concertation sociale et l’implication de tous les acteurs dans la construction et la vie de la cité : les élus, les décideurs du logement social, les services techniques mais aussi les habitants et les usagers, les urbanistes, les architectes, les paysagistes, les sociologues et bien sûr la filière éclairage »182. La promotion pour cet appel à projets faite par l’AFE, partenaire de l’opération et membre actif du jury, est ainsi sans équivoque et retranscrit bien cette vision nouvelle de l’éclairage urbain : « […] la pérennisation d’une véritable démarche d’urbanisme lumière. La lumière, dans les quartiers, n’y est plus seulement considérée comme un élément de lutte contre l’insécurité. Elle est le vecteur par lequel les habitants vont pouvoir se réapproprier leur lieu de vie ».

Éclairage public, lumière urbaine : deux politiques bien distinctes

L’émergence de ces rôles de l’éclairage urbain depuis les années 1980, après la période fonctionnaliste, s’est faite de façon très consensuelle au travers d’une multitude de discours et publications, voulant arriver à une objectivation de ces rôles. Mais si la « lumière urbaine » a fait son apparition il y a une petite vingtaine d’années, nous sommes cependant encore loin d’une application de ses principes à l’ensemble de la ville et, pour beaucoup de quartiers, l’éclairage public fonctionnaliste de voirie reste d’actualité, notamment en termes de matériels en place, de niveaux d’éclairement et de logiques d’uniformité de l’éclairage. Le discours de l’AFE quant aux vertus de réappropriation du lieu de vie par les habitants de la lumière semble ne pas être observé dans toute la ville.

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