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Surveillance de l’évolution du système

géothermiques profonds

4.4 Développement d’un modèle numérique représentatif du réservoir

4.4.3 Surveillance de l’évolution du système

Nous cherchons à identifier les perturbations qui pourraient être détectées et suivies en étu-diant la variation chronologique de retards relatifs de temps de parcours, d t/t. Dans le domaine de la surveillance des réservoirs, cette technique de surveillance passive et non intrusive pourrait être appliquée afin de soutenir la gestion des réservoirs dans divers contextes géotechniques et dans divers environnements opérationnels, comme l’injection et l’extraction de fluide. Pour cela, nous modélisons l’impact sur le système de différents processus.

— Afin de calibrer et valider le modèle, nous tentons de reproduire les variations saisonnières observées à l’aide des enregistrements du réseau (RT), dans la bande de fréquences [1-3] Hz. Pour cela, nous modélisons l’impact pluri-annuel des fluctuations du niveau de la nappe phréatique : dans la section précédente, nous avions déduit des mesures numériques que cette perturbation environnementale pilote les fluctuations saisonnières observées dans la série chronologique (voir section 4.3).

— Nous reproduisons ensuite des scénarios de déformation en lien avec l’exploitation de la ressource géothermique. Il s’agit d’une approche prédictive, visant à préjuger de la sensibi-lité du champ d’ondes diffus vis-à-vis de perturbations ayant une origine anthropique, et agissant localement sur des temporalités plus courtes (typiquement de quelques heures à quelques jours).

Calibration et validation du modèle numérique : modélisation des fluctuations saisonnières

Nous proposons donc de valider le modèle numérique en reproduisant les fluctuations de la série chronologique pluri-annuelle mesurée par Kula et al. (2018) (Fig. 4.15). Nous modélisons ici l’ensemble de la série temporelle, de 2012 à la fin de l’année 2017, et avec l’échantillonnage initial de 10 jours. Nous avons pour cela effectué plus de 200 simulations, soit une pour chaque période de 10 jours séparant deux enregistrements, et ce, pendant les 6 années de mesures.

Le chargement appliqué sur le bord supérieur du milieu permet de modéliser l’impact du changement d’élévation de la nappe phréatique sur la déformation du système. Dans la section 4.3, nous avions montré que les variations de pression occasionnées influençaient les mesures de CWI de manière bien plus prépondérante que les variations de température de surface. Afin de modéliser les variations hydrostatiques causées par des modifications du niveau de la nappe, nous appliquons à nouveau des fluctuations normales de contraintes sur le haut du système.

L’élévation de la nappe phréatique est mesurée tous les 10 jours à la station d’Haguenau, à environ 20 km de Rittershoffen (voir Fig. 4.7). Compte tenu des caractéristiques de la nappe, nous supposons que les variations à Rittershoffen sont bien approximées par celles observées à la sta-tion d’Haguenau. Nous convertissons les hauteurs d’eau en pression, en utilisant pour la densité de l’eau 1000 kg/m3. La série temporelle utilisée dans le modèle numérique est représentée dans la figure 4.14.

Les conditions aux limites consistent en des déplacements normaux nuls (voir Fig. 4.9). Celles-ci sont souvent appelées conditions œdométriques. Nous appliquons également une condition de déplacement nul entre le sous-modèle et la partie supérieure du milieu, afin qu’aucune déforma-tion ne soit introduite dans la partie basse du modèle.

FIGURE4.14 – Série chronologique du niveau de la nappe phréatique mesurée à Haguenau avec un taux d’échantillonnage de 10 jours. La série chronologique s’étend du début de l’année 2012 à la fin de l’année 2017.

Dans la bande de fréquences [1-3] Hz, nous démontrons à nouveau la sensibilité du champ d’ondes vis-à-vis de la perturbation d’origine environnementale appliquée au système (Fig. 4.15). Nous étudions ici l’évolution de la moyenne des retards relatifs mesurés en appliquant la

tech-nique d’étirement à la partie causale et à la partie acausale des fonctions de corrélation croisée. De même que dans dans la figure 4.5, nous montrons que les deux mesures sont consistantes : la différence entre les retards relatifs s’élève au maximum à 1.5 % de leur valeur moyenne.

La figure 4.15 montre également l’impact prépondérant des effets acoustoélastiques sur les mesures de délais. En effet, lorsqu’ils sont omis dans la modélisation de la propagation des ondes, les retards relatifs d t/t mesurés numériquement diminuent d’environ deux ordres de grandeur (voir la courbe pointillée rouge Fig. 4.15 (b)).

Sur l’ensemble de la période de près de 6 ans modélisée, les résultats du modèle numérique, représentés dans la figure 4.15 sous la forme d’un trait rouge continu, sont en bon accord avec les mesures obtenues à l’aide des enregistrements du réseau (RT) (trait noir continu). Lorsque les effets acoustoélastiques sont intégrés dans la simulation, les retards relatifs d t/t observés sont du même ordre de grandeur, même si les magnitudes prédites au moyen du modèle numérique sont plus fortes. Les deux séries chronologiques sont cohérentes d’une année à l’autre. Nous calculons un coefficient de corrélation croisée normalisé de 0.98 entre les deux séries temporelles. Malgré la différence d’amplitude observée, ces résultats montrent que le système physique produit est en capacité de traduire la signature de la déformation du réservoir sur les mesures d’interférométrie.

FIGURE4.15 – La série chronologique du retard relatif d t/t prédit par le modèle numérique (ligne rouge), est comparée à celle calculée en appliquant les techniques d’ANI aux signaux enregistrés au voisinage de la centrale géothermique de Rittershoffen (ligne noire). L’étude se concentre sur les résultats obtenus dans la bande de fréquences de 1 à 3 Hz. La ligne pointillée rouge montre les mesures du modèle prédictif lorsque nous omettons l’impact des effets acousto-élastiques (AE).

Surveillance de déformations liées à l’exploitation du réservoir

Le modèle développé dans cette section du manuscrit contribue notamment à étudier la sen-sibilité du champ d’ondes diffus vis-à-vis de mécanismes agissant à une échelle plus locale que les perturbations environnementales modélisées jusqu’alors. La modélisation de ces mécanismes est dédiée à reproduire l’effet d’une activité anthropique sur la déformation du système.

Nous basons notre approche sur le cas de la stimulation hydraulique du puits GRT-1 de Rit-tershoffen, opérée en juin 2013. Pendant les injections, la surpression mesurée en fond de puits a varié progressivement de 0 à 3.1 MPa (courbe noire, Fig. 4.16 (a)). L’injection a débuté le 27 juin et le débit a plafonné à 80 L.s−1le 28 juin, quelques heures après le début de l’injection (Baujard et al., 2017). Afin de reproduire l’évolution temporelle de la surpression mesurée en fond de puits, nous approximons la courbe par une fonction en échelons (courbe rouge, Fig. 4.16 (a)). La série tem-porelle obtenue est utilisée afin d’appliquer des variations de pression interstitielle à l’inclusion

elliptique du modèle. Nous rappelons que cette surface est dédiée à représenter la zone stimulée autour de la faille de Rittershoffen.

En second lieu, nous avons cherché à vérifier si le glissement asismique proposé par Len-gliné et al. (2017) pouvait être détecté à partir de la série chronologique des mesures d’ANI. Afin d’expliquer la sismicité retardée, c’est-à-dire celle représentée en bleu dans la figure 4.8, Lengliné et al. (2017) ont en effet suggéré l’existence d’un déplacement asismique du plan de faille imagé par la sismicité mesurée pendant les opérations (représentée en rouge dans la figure 4.8). Nous avons pour cela imposé un champ de déplacement en cisaillement au même domaine elliptique. Nous appliquons la solution de Segedin (1951) : celle-ci est proposée afin d’étudier le déplacement d’une fissure sans traction, soumise à un cisaillement lointain. Segedin (1951) propose que la seule composante de déplacement non nulle à la surface d’une ellipse soumise à un cisaillement loin-tain, notée U, est orientée dans la direction du cisaillement, et est définie selon l’équation 4.1. Pour chaque point du bord de l’inclusion elliptique, à une distance r du centre de l’ellipse, nous calcu-lons le déplacement appliqué selon l’équation 4.1. Rell est ici le rayon du grand axe de l’ellipse et

Umaxest le déplacement maximal appliqué dans la direction de cisaillement.

U(r ) = ±Umax

s 1 −Rr

ell

2

(4.1)

Les signes positifs et négatifs s’appliquent aux deux bords opposés de l’inclusion elliptique. La direction du cisaillement est définie par l’axe principal de l’ellipse. Nous rappelons que cet axe est orienté dans la même direction que le plan de faille illustré dans la figure 4.8. Nous considérons que le déplacement maximal Umaxa atteint, dans chaque direction de cisaillement, une valeur de 0.5 cm le 2 juillet, quatre jours après la fin de l’injection (Lengliné et al., 2017). Nous approximons l’évolution temporelle du glissement en cisaillement par une variation linéaire du déplacement maximal Umax(Fig. 4.16 (c)).

En arrière-plan de la figure 4.9, nous représentons à titre d’exemple le champ de déformation calculé lorsque le déplacement Umaxest de 0.5 cm. Il s’agit plus précisément de la variation spa-tiale de la déformation volumétrique, calculée au moyen de Code Aster.

Pour les deux types de perturbations modélisées, nous représentons les prédictions du modèle numérique en termes de délais relatifs d t/t dans les figures 4.16 (b) et (d). Nous montrons que le champ d’ondes diffus analysé est sensible au champ de déformation local induit par les variations de pression appliquées (sous-figure (b)) et par le déplacement progressif de la fissure (sous-figure (d)). La série chronologique produite à l’aide des enregistrements synthétiques permet d’inférer l’évolution globale du système.

Le modèle suggère que les variations de la pression du fluide induisent une diminution des dé-lais relatifs pendant l’injection hydraulique. Cette diminution s’élève à 3.4 · 10−6lorsqu’une pres-sion de 3.1 MPa est appliquée à l’inclupres-sion elliptique. Cet effet est plus ténu que celui causé par les variations annuelles d’élévation de nappe. En effet, la perturbation environnementale précédem-ment modélisée induisait des variations saisonnières de l’ordre de 10−4. Celles engendrées par les injections semble se situer dans la limite de détection d’analyses portant sur les enregistrements de réseaux sismiques (∼10−5), sans être toutefois négligeable. Lorsque le déplacement appliqué à l’inclusion est maximal (soit lorsque Umax= 0.5 cm), la diminution du délai relatif d t/t atteint 4.4 · 10−6. La variation est donc légèrement plus importante que celle induite par les effets de pression.

4.4.4 Discussion des mesures

Effets de l’environnement et mécanismes liés à l’exploitation du réservoir

Fluctuations saisonnières et mécanismes environnementaux dans les séries chronologiques pluri-annuelles Le modèle numérique proposé dans cette section a l’avantage de modéliser la

longue série chronologique résultant de l’analyse des enregistrements du réseau (RT). Dans les études traitant de longues séries temporelles, des variations saisonnières sont souvent observées.

FIGURE4.16 – (a) Variations de pression interstitielle appliquées à l’inclusion ellipsoïdale (ligne rouge). La fonction étagée reproduit la variation temporelle de la surpression mesurée dans le trou ouvert du puits GRT-1, pendant sa stimulation hydraulique (ligne noire, selon Baujard et al. (2017)). (b) Série chronolo-gique des retards relatifs d t/t prévus à partir du modèle numérique lorsqu’on étend la modélisation à la déformation in situ causée par un changement progressif de la pression interstitielle appliquée à l’inclusion elliptique. (d) Historique du déplacement maximal Umax utilisé dans le calcul du champ de déplacement appliqué à l’inclusion elliptique (voir Eq. 4.1). (e) Série chronologique des retards relatifs d t/t prévus à par-tir du modèle numérique en étendant la modélisation à la déformation in situ causée par un déplacement en cisaillement de l’inclusion elliptique, modélisé sur une période de 4 jours.

De telles fluctuations sont associées aux précipitations ou au contenu variable d’aquifères sou-terrains (Hillers et al., 2014; Obermann et al., 2014; Sens-Schönfelder and Wegler, 2006), aux ef-fets thermo-élastiques causés par les changements de température atmosphérique (Hillers et al., 2015a) ou encore à l’évolution des sources du bruit sismique (Hillers and Ben-Zion, 2011).

Nous avons évoqué précédemment que ces signaux sont non seulement susceptibles d’être le produit de multiples processus environnementaux qui contribuent à différents degrés aux fluc-tuations observées, mais qu’ils dépendent également du contexte géologique et climatique du site étudié (Wang et al., 2017). L’interprétation de ces séries temporelles dépend donc de la localisa-tion du site d’étude. À titre d’exemple, nos conclusions diffèrent de celles de Hillers et al. (2015a). Les auteurs ont étudié les variations saisonnières observées au moyen du bruit sismique ambiant enregistré sur une période de près de 6 ans dans la zone aride de la faille de San Jacinto (USA). Leur analyse porte sur la bande de fréquences [0.5 - 2] Hz. Les variations crête-à-crête pouvaient alors atteindre 0.2 %. Ils ont étudié plusieurs mécanismes susceptibles de produire ces fluctua-tions saisonnières. Ils ont démontré que le mécanisme entraînant la saisonnalité était associé à la déformation thermo-élastique causée par les changements de température de surface. Les autres perturbations environnementales envisagées, y compris les effets de précipitations, contribuent au signal d’une manière additionnelle, mais moins significative.

Dans la section précédente, nous avions également quantifié la contribution due à la déforma-tion thermo-élastique causée par des variadéforma-tions de la température de surface. Nous avons montré que les variations associées ne sont ni consistantes en amplitude, ni corrélées dans le temps avec le signal saisonnier (voir Fig. 4.6). Nous avons également exclu l’hypothèse selon laquelle les chan-gements dans les caractéristiques des sources de bruit étaient à l’origine de la saisonnalité.

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