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3.Les dynamiques récentes depuis 2010 et une anticipation des tendances à venir

CARTE 49 LES SURPERFICIES A URBANISER DANS LES DOCUMENTS D’URBANISME EN BRETAGNE EN

Carte du « bouleversement urbain potentiel »

Les superficies à urbaniser (valeur en km² représentée en cercles proportionnels) sont ici rapportées à la superficie déjà urbanisée (rapport en % représenté en couleurs)

Carte du « potentiel foncier »

Les superficies à urbaniser (valeur en km² représentée en cercles proportionnels) sont ici rapportées à la superficie communale (rapport en % représenté en couleurs)

Sources : GéoBretagne 2011, Communauté de Communes du Pays de Paimpol, Communauté d’Agglomération de Saint-Brieuc, Commaunauté d’Agglomération de Lannion-Trégor, Pays de Guingamp, Direction Départementale des Territoires

et de la Mer (DDTM) des Côtes-d’Armor, Collectivités locales et DDTM du Finistère, DDTM d’Ille-et-Vilaine et numérisation personnelle - Réalisation : DUPONT J., 2012

La première carte met ainsi en avant par des couleurs foncées les communes périurbaines et rurales dans lesquelles le potentiel des superficies à urbaniser est particulièrement important par rapport aux superficies déjà urbanisées. A l’inverse, les couleurs claires concernent quasiment exclusivement des communes urbaines pour lesquelles le rapport est plus faible entre les superficies à urbaniser et celles qui le sont déjà. En d’autres termes on pourrait interpréter cette cartographie comme celle de la pression foncière exercée sur les communes. Cette carte mesure en effet le « bouleversement urbain potentiel » contenu dans les documents d’urbanisme : si l’ensemble des zones à urbaniser planifiées dans les documents d’urbanisme devaient un jour être construites, l’ampleur du changement pour une commune comme Rennes ne bouleverserait pas son profil territorial déjà très urbanisé, en revanche, pour les communes périurbaines et rurales, la construction effective des zones à urbaniser planifiées par les décideurs entrainerait dans un certain nombre de cas un véritable bouleversement du paysage communal. Ce serait en particulier le cas d’une soixantaine de communes pour lesquelles les documents d’urbanisme ambitionnent au moins un doublement des superficies urbanisées. On remarque d’ailleurs que deux tiers de ces communes sont situées en périphérie de Rennes. La deuxième carte permet de mettre l’accent sur une autre dimension : en rapportant les superficies à urbaniser aux superficies communales, la carte révèle alors le « potentiel foncier » des communes. Le découpage territorial est d’ailleurs très net et reprend en négatif celui esquissé par l’artificialisation des sols du premier chapitre. Plus une commune est urbaine et/ou littorale, moins la disponibilité foncière est grande (en orange et rouge sur la carte). A l’inverse, plus une commune est située à distance de ces espaces attractifs, plus sa disponibilité foncière est grande (en vert sur la carte) comme c’est le cas par exemple des communes rétro-littorales ou de celles situées dans la deuxième et troisième couronne périurbaine de Rennes. Les communes rurales offrent en effet assez peu de superficies à urbaniser en proportion de la superficie communale (de l’ordre de 1 % pour les communes de moins de 2 000 habitants), mais il faut relativiser ce résultat puisque les volumes cumulés sont importants (24 % des AU de la région) alors que la densité de population y est peu élevée (Tableau 15).

L’offre foncière juridiquement urbanisable décrite par les documents d’urbanisme en Bretagne semble indiquer que les communes de 2 000 à 10 000 habitants seront le support essentiel de la construction future en Bretagne avec 262,8 km² inscrits en zones AU (soit 58 % de la superficie des zones AU de la région). Leur situation à proximité des villes et

leur important potentiel foncier placent ces communes sous forte pression. Une pression foncière qui se traduit dans les documents d’urbanisme par le plus faible rapport entre les superficies en U et celles en AU des trois classes de communes104 (Tableau 15).

TABLEAU 15 – LES SURFACES A URBANISER EN FONCTION DE TROIS CLASSES COMMUNALES DE POPULATION EN BRETAGNE EN 2011

Communes Nb. Sup. en km² Population en 2009 Densité de Population

Superficie des zones

en km² et % de la Sup. U AU Moins de 2 000 hab. 609 10 625,6 585 981 55 308,6 3 % 108,3 1 % De 2 000 à 10 000 hab. 286 8 701,6 1 120 232 129 623,4 7,2 % 262,8 3 % Plus de 10 000 hab. 33 1 032,6 978 554 948 346,5 33,5 % 84,6 8,2 % Notes : Nb. = nombre de communes ; U = zones urbanisées ; AU = zones à urbaniser ; hab. = habitants.

Calculs réalisés sans prendre en compte les 53 communes du Finistère numérisées pour lesquelles nous ne disposons pas des superficies classées comme urbanisées.

Sources : INSEE 2009, GéoBretagne 2011, Communauté de Communes du Pays de Paimpol, Communauté d’Agglomération de Saint-Brieuc, Commaunauté d’Agglomération de Lannion-Trégor, Pays de Guingamp, Direction Départementale des Territoires et de la Mer (DDTM) des Côtes-d’Armor, Collectivités locales et DDTM du Finistère, DDTM d’Ille-et-Vilaine.

Réalisation : DUPONT J., 2012

Les communes de moins de 2 000 habitants disposent elles aussi d’un potentiel foncier important, ce qui en fait leur attrait, mais leur éloignement des centres urbains joue en leur défaveur en particulier dans le contexte du renchérissement des énergies fossiles et des enjeux liés au développement durable en particulier sous l’angle des transports. A l’opposé, jusqu’à leur saturation relative, les communes de plus de 10 000 habitants seront toujours sollicitées pour accueillir de nouvelles constructions d’autant plus que le potentiel de construction future liée au renouvellement urbain et aux possibilités de densification est encore très largement sous-estimé.

104 Un rapport de 1 à 2. Pour les communes de moins de 2 000 habitants, le rapport entre les

superficies classées U et celles AU est de 1 à 3. Il est de 1 à 4 pour les communes de plus de 10 000 habitants.

3.2.3. Quel lien mesurable entre le zonage, les prix et le rythme de l’artificialisation des sols ?

Afin de valoriser pleinement notre fonds régional, nous avons cherché à identifier la présence ou non de relations entre la disponibilité foncière décrite par les documents d’urbanisme et deux éléments : l’artificialisation des sols telle qu’elle est présentée dans le premier chapitre de la thèse d’une part et, d’autre part, les prix fonciers tels qu’ils seront analysés dans le chapitre suivant. L’objectif est ici de voir si les données de notre fonds régional permettent de vérifier l’hypothèse qui formule que lorsque l’offre de foncier est moindre, les prix sont plus élevés et les consommations d’espaces plus limitées que pour le reste du territoire régional.

Concernant tout d’abord l’artificialisation des sols, la difficulté d’obtenir des données communales précises et complètes nous contraint à recourir à deux bases distinctes : CORINE Land Cover d’une part et les données cadastrales d’autre part.

Des données de CORINE Land Cover nous retenons ici l’évolution de la part des espaces artificialisés entre 2000 et 2006 (sans oublier qu’il convient de prendre certaines précautions dans l’interprétation des résultats du fait des limites de cette base de données - cf. chapitre 1). Ainsi, la corrélation mesurée entre les disponibilités foncières recensées dans les documents d’urbanisme et l’artificialisation des sols mesurée par CORINE Land Cover est de 0,56 : pour environ une commune bretonne sur deux, plus la disponibilité du foncier urbanisable est importante, plus l’artificialisation des sols l’est également. A l’inverse, pour 44 % des communes de la région, la disponibilité foncière ne semble pas un élément déterminant pour expliquer l’artificialisation de leur sol.

Deuxième base de données, le cadastre est le seul fonds complet à notre disposition proposant une donnée fiable pour chacune des communes de la région sur l’artificialisation des sols. Il décrit l’artificialisation des sols entre 2000 à 2007 relativement aux terres agricoles et/ou naturelles (cf. chapitre 1). La corrélation entre le taux d’artificialisation des sols décrite par le cadastre et les disponibilités foncières figurant dans les documents d’urbanisme montre un résultat proche du zéro (0,07). A l’inverse de CORINE Land Cover, le résultat révèle donc ici une absence claire de corrélation entre ces deux données : il n’y pas de lien entre le taux d’artificialisation mesurée par le cadastre et les disponibilités foncières affichées par les documents d’urbanisme. La différence de résultat dans la mesure de la corrélation entre ces deux

bases de données n’est pour autant pas contradictoire. Car en effet, comme précisé dans le premier chapitre, alors que CORINE Land Cover mesure l’artificialisation par extension (c’est-à-dire par la progression des surfaces artificialisées) pour laquelle la disponibilité juridique d’importantes réserves foncières urbanisables est un élément relativement déterminant (c’est l’étalement urbain) pour un peu plus d’une commune sur deux (corrélation de 0,56), ), à l’inverse, pour le cadastre qui reflète une artificialisation par intensification (c’est-à-dire relativement au recul des espaces non artificialisés) la disponibilité juridique du foncier ne se révèle pas déterminante avec une corrélation nulle (0,07). Avec une première corrélation moyenne (0,56 pour CORINE Land Cover) et une deuxième nulle (0,07 pour le cadastre), la disponibilité de foncier juridiquement urbanisable ne semble pas un élément décisif pour expliquer l’artificialisation des sols bretons.

Concernant les prix du foncier, le plus difficile a été d’obtenir une base complète, fiable et dont le champ d’observation est clairement délimité et défini. Comme nous le verrons dans le chapitre suivant, il est difficile d’accéder à une telle base d’autant plus lorsque l’échelle d’observation est régionale et qu’il s’agit du foncier à bâtir. Toutefois, nos travaux nous permettent de disposer de deux bases relativement fiables bien qu’incomplètes sur le plan géographique : le prix à l’hectare des terrains constructibles proposés par les SAFER et le prix au m² affichés dans les petites annonces de terrain à bâtir mis en vente sur un site internet (cf. chapitre suivant pour la présentation détaillée). De fait, en croisant ces deux bases de données avec le fonds régional des documents d’urbanisme décrivant la disponibilité foncière, l’observation ne porte plus que sur environ 40 % des communes bretonnes. Les résultats obtenus sont donc parfaitement incomplets au regard de l’échelle régionale d’observation, mais notons toutefois que parmi ces 40 % figurent parmi les communes les plus « actives » et donc les plus tendues sur le plan foncier105 et c’est pourquoi, dans cette acceptation, les résultats obtenus gardent malgré tout un certain intérêt. Les corrélations mesurées entre ces deux bases montrent un lien très faible entre l’offre foncière juridiquement urbanisable et les prix du

105 En effet, parmi les communes bretonnes que la corrélation permet de comparer, on retrouve la

quasi-totalité des communes littorales. Les grandes absentes sont les communes de l’Argoat, celles de l’intérieur des terres, là où la population est la moins importante et où les tensions foncières sont bien moins marquées que dans le périurbain des villes littorales par exemple. L’absence des communes de l’Argoat s’explique en effet essentiellement par une relativement faible activité foncière du point de vue du marché des terrains à bâtir (ce qui les exclue de fait des principales bases de données, en particulier sur les prix, car faute d’atteindre les seuils minimum fixés par les différentes bases en nombre de transaction par exemple, la significativité de la donnée n’est pas garantie).

foncier. Le taux de corrélation est ainsi de 0,15 pour la base des SAFER et de 0,22 pour celle des petites annonces. La disponibilité de foncier juridiquement urbanisable n’apparaîtrait ainsi pas comme un facteur déterminant du prix. On remarque même que la corrélation est positive (ce qui tendrait à dire que plus il y a de foncier juridiquement urbanisable, plus les prix sont élevés) alors que l’hypothèse formulée nous faisait attendre une corrélation négative (plus il y a de foncier juridiquement urbanisable, moins les prix sont élevés). Malheureusement, la fiabilité relative de ces résultats (du fait d’une représentativité incomplète des données sur le plan géographique) nous interdit une analyse plus approfondie.

Pour conclure sur ces mesures de corrélation, on note que la disponibilité ou au contraire, l’indisponibilité de foncier juridiquement urbanisable ne semble pas être un facteur déterminant pour expliquer l’important taux d’artificialisation des sols décrit dans le premier chapitre ou le niveau élevé des prix élevés que nous évoquerons dans le chapitre suivant. Le rythme de l’artificialisation des sols ne dépend donc pas seulement de la disponibilité juridique du foncier à l’image du niveau des prix qui ne s’explique pas par la seule offre foncière mais par de nombreux éléments (cf. chapitre suivant). D’autre part notons que l’essentiel de l’offre foncière juridiquement urbanisable à l’échelle des communes de Bretagne se localise dans des territoires bien identifiés et peu vastes où s’exprime une demande importante : dans les villes et leurs périphéries ainsi que le long du littoral. Ce constat explique en partie l’absence de corrélation constatée car la rareté du foncier est relative. Ainsi, bien qu’une offre foncière peut être abondante dans l’absolue, si la demande est elle aussi très importante, le foncier sera alors considéré comme relativement rare et donc cher. A l’inverse, les communes de l’Argoat qui ouvrent en moyenne assez peu d’espaces à l’urbanisation affichent des prix bas car la demande y est beaucoup moins forte. La demande est un facteur d’explication important à la non corrélation statistique mesurée entre l’offre de foncier et l’artificialisation des sols ou les prix. Mais cette analyse révèle également en pointillé la place centrale des documents d’urbanisme. Leur grande diversité (ancienneté, nature juridique, etc.) révèle un urbanisme parfois maîtrisé, parfois très permissif expliqué à la fois par les motivations différenciées des décideurs qui les ont adoptés (degré d’ambition au regard de la croissance urbaine et de la prise en compte des impératifs du développement durable, etc.) et par le contexte dans lequel ils ont été élaborés (document d’urbanisme adossé ou pas à un projet, contraint par un document juridiquement supérieur, contexte socio-

économique plus ou moins favorable, etc.). Cela démontre également que la seule approche de la question foncière par le biais de l’offre ne peut permettre d’appréhender la réalité du marché dans son ensemble et qu’au-delà de l’analyse en offre-demande-prix que nous formulons dans cette première partie de la thèse, une approche sur les facteurs humains et en particulier sur le volet politique est incontournable comme nous le verrons dans la deuxième partie. Ces éléments de réflexion issus du travail sur les documents d’urbanisme des communes de Bretagne ne doivent par faire oublier que ce travail comporte toutefois quelques limites importantes comme le précise le point suivant.

3.2.4. Les limites de l’exercice

Il nous faut toutefois relativiser en partie les résultats obtenus. En effet, outre le fait que l’ensemble du territoire régional n’est pas couvert par notre fonds, il convient de noter que l’année 2011 au cours de laquelle nous avons constitué notre base numérisée correspond à une période charnière pour le zonage du foncier urbanisable.

En effet, l’approbation de nouveaux documents d’urbanisme (du SCoT au PLH en passant par le PLU) change la donne en particulier pour les communes littorales et rurales puisque les ouvertures de nouvelles zones à urbaniser sont désormais beaucoup plus encadrées (dans le sens où elles doivent s’inscrire dans un projet structuré). Nombre de communes de Bretagne sont en cours de révision d’un POS parfois ancien de plus d’une quinzaine d’années pour définir un nouveau PLU comprenant des zones à urbaniser souvent beaucoup moins vastes que dans l’ancien document (avec des superficies parfois divisées par trois ou quatre, voire plus dans certains cas). La prise en compte dans nos données de POS peut en effet engendrer un biais ne reflétant pas la réalité de la prise de conscience des décideurs puisque ces documents ont été élaborés à une époque où les consommations foncières n'étaient pas la préoccupation principale et où les zones ouvertes ne reflétaient pas la réalité des besoins. D’autre part, notre approche a été limitée par la nature et la structuration même des données disponibles. Il eût été en effet intéressant de pouvoir distinguer les zones à urbaniser en fonction de la temporalité puisque le PLU distingue les zones 1AU (urbanisation à court terme) des zones 2AU (à moyen et long termes). Par ailleurs, le zonage des documents d’urbanisme ne reflète pas toujours la réalité de l’urbanisation sur le territoire, en particulier lorsque l’on veut estimer le potentiel urbanisable. Les zones classées comme urbanisées (U) ne renseignent

pas sur la part de foncier encore urbanisable alors que ces zones peuvent souvent accueillir des constructions nouvelles ex-nihilo dans les dents creuses par exemple mais également par densification du tissu existant ou par renouvellement urbain. Dans ce sens, intégrer à l’analyse le Coefficient d’occupation du sol (COS) pourrait déjà peut-être permettre d’affiner un peu plus nos résultats. Encore une remarque pour souligner une certaine instabilité des documents d’urbanisme dans le temps puisque leur durée de vie est estimée à une dizaine d’années d’après plusieurs des interlocuteurs contactés dans le cadre de cette analyse. Pour progresser dans l’approche du potentiel foncier juridiquement et réellement urbanisable, l’idéal serait de pouvoir calculer en Bretagne un ratio de disponibilité foncière mesurant la part de foncier disponible dans les secteurs d’habitat à l’image de ce que présente Jean-Marie Halleux dans sa thèse (Halleux, 2005a, p. 30 et suivantes).

L’analyse de notre fonds régional sur les documents d’urbanisme des communes bretonnes nous a permis de dresser une cartographie des tendances à l’œuvre dans la région au regard de la construction de logements neufs soulignant à la fois le « bouleversement urbain potentiel » (c’est-à-dire une description de l’étalement urbain à venir déjà visible dans l’étude des zones AU et notamment plus on s’éloigne des centres d’attractivité) et le « potentiel foncier » des communes (bien que menacées d’une relative saturation ce sont en particulier les couronnes périurbaines qui supporteront l’urbanisation nouvelle). Entre les tendances de fond décrites depuis 1980 au début de ce chapitre et les évolutions récentes depuis 2010 que nous venons d’évoquer, le point suivant propose une conclusion de l’analyse de la construction de logements neufs en Bretagne.

4.Conclusion : les enjeux fonciers soulevés