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Dans ce troisième chapitre nous avons décrit la construction neuve de logements en Bretagne à la fois sur le long terme (depuis 1980) et pour les dynamiques récentes (depuis 2010). Cette analyse inédite à la fois de long terme et récente comprenant également une approche de la construction future (par une étude des zones à urbaniser figurant dans les documents d’urbanisme), a permis de soulever une série d’enjeux fonciers de dimension régionale. Dans cette conclusion nous évoquons donc dans un premier temps ces enjeux avant de figurer sur la carte de synthèse les principaux enseignements issus de notre recherche.

4.1. Les enjeux fonciers soulevés par la construction de

logements neufs en Bretagne

Alors que l’ensemble du territoire national est concerné par un étalement urbain important, la forte proportion des maisons individuelles dans le diffus (une forme urbaine qui représente 30 % des logements mais 70 % des surfaces et qui serait jusqu’à 14 fois moins dense que l’habitat collectif – Dufieux et al., 2007 et Deleaz, 2008 et 2010) est pointée du doigt comme un des facteurs explicatifs essentiels de ce phénomène.

En Bretagne, comme nous venons de le voir, ce mode d’expansion est particulièrement présent alors qu’il concerne la région dans son intégralité. Cette situation ne va pas sans poser un certain nombre de défis et d’enjeux fonciers. Ce sont en particulier ceux liés à l’artificialisation des sols qui émergent en premier lieu à l’image de ce que nous avons décrit dans le premier chapitre que ce soit pour l’agriculture (recul des terres agricoles même de celles de qualité agronomique remarquable comme dans le nord Bretagne ou, pour certaines régions françaises, celles de production à haute valeur ajoutée comme les vignobles) ou pour les espaces naturels qui supportent également une part non négligeable de l’artificialisation des sols (cf. chapitre 1). Mais, plus globalement, ce mode du développement urbain interroge et divise à la fois les observateurs et acteurs de l’aménagement du territoire par les nuisances évidentes qu’il entraine en termes de

transport et de contribution au réchauffement climatique106 mais aussi pour les coûts qu’il fait porter par la collectivité107. D’autre part, alors que la ville est présentée comme « une organisation destinée à maximiser l’organisation sociale » (Claval, 1981, p. 4), l’étalement urbain est, lui, accusé de renforcer les phénomènes de division sociales (MEEDDM, 2010). Des nuisances contrebalancées par la réalité de ce mode d’habiter parfois choisi (Chapuis, 2003), voire revendiqué et protégé par ses habitants (Piron, 2007), comme la pratique d’un certain malthusianisme foncier conjugué au phénomène du NIMBY tendrait à le prouver (Charmes, 2009).

Le zonage défini dans les documents d’urbanisme et la politique foncière des communes constituent dès lors un enjeu primordial des politiques publiques. Au cœur des débats sur la gestion du foncier, les documents d’urbanisme et leurs échelles de décision sont en partie remis en cause par le pouvoir central : promotion du PLU intercommunal (PLUi), volonté de « remonter » la gestion des autorisation de permis de construire au niveau intercommunal, poids des intercommunalités qui mutualisent leurs efforts de construction dans des PLH contraignants, poids des réglementations issues des documents supérieurs au PLU tels que le SCoT, etc. (cf. chapitre 6). L’idée communément admise est en effet de chercher à limiter l’offre foncière potentielle dans les communes périphériques et d’accroître l’offre effective dans les communes les plus centrales108

. Cette question éminemment politique du zonage et des documents d’urbanisme sera abordée dans la deuxième partie de la thèse.

Toujours est-il que la construction de logements neufs telle que nous l’avons décrite en Bretagne depuis 1980 présente certaines caractéristiques qui interpellent les décideurs publics tant pour leurs impacts fonciers et économiques que sociétaux. La carte de synthèse ci-après tente d’ailleurs d’en présenter de manière succincte les principaux éléments.

106 En particulier depuis les travaux de Newman et Kenworthy en 1989, mais aussi plus récemment

avec par exemple l’étude du CGDD sur les dépenses de carburant automobile des ménages en relation avec la zone de résidence (CGDD, 2009a).

107 Citons par exemple dans le cas rennais les travaux de Guengant en 2005 ou, pour une vue

d’ensemble de la problématique et des débats suscités autour de l’évaluation des coûts, citons quelques références issues de la revue Etudes Foncières avec par exemples Morlet, 2001 ; Fouchier, 2001 ; Sauvez, 2002 ou plus récemment Castel et Jardinier, 2011.

108 Avec toutefois le risque de déplacer le problème un peu plus loin pour les ménages les plus

modestes voulant accéder à la propriété et chassés par les prix d’un foncier devenu relativement plus rare et donc plus cher ou tout simplement rebutés par la densité croissante des constructions qui sera inévitable dans les centres urbains.

4.2. La synthèse cartographique

Dans ce troisième chapitre nous avons mis en évidence la forte proportion de construction dans le diffus pour des projets essentiellement en construction neuve. On retiendra également que la réalisation de nouveaux logements en Bretagne est soumise à des influences territoriales en opposition apparente entre d’une part des volumes fonciers importants offerts à l’urbanisation dans les communes centres et leurs périphéries immédiates et, d’autre part, un vaste potentiel de foncier urbanisable dans les communes rurales permettant la réalisation d’un certain idéal (maison individuelle avec un grand terrain dans un secteur diffus très peu densément peuplé). A la rencontre de ces deux territoires, les communes « intermédiaires » au sens des aires urbaines de l’INSEE109 enregistrent alors de fortes pressions foncières.

Ce sont ces trois gradients de volume, de potentiel et de pression que nous avons choisi de faire figurer sur notre troisième carte de synthèse. Les gradients représentés sur la carte indiquent ainsi par leur intensité de couleur l’orientation de l’expansion urbaine du centre (couleur dense) vers les périphéries (couleur diffuse). La largeur des gradients permettant de plus de souligner les axes de développement privilégiés. Dans le cas de Rennes par exemple, les axes de développement privilégiés se localisent le long des voies de circulation en direction de Nantes, de Saint-Malo ou bien encore de Vannes et de Paris. Afin de compléter la synthèse, les gradients figurent également la dimension individuelle ou collective des logements construits puisque celle-ci, dans son inscription territoriale, reprend majoritairement la distinction centre-périphérie avec une proportion croissante de logements individuels en périphérie et une proportion inversement décroissante de logements collectifs (Carte 50).

Fortement critiqué, parfois défendu ou au moins relativisé, l’étalement urbain est en tout cas très étudié et analysé en particulier sous l’angle des prix. Le quatrième chapitre sera l’occasion de présenter cet élément incontournable des prix fonciers et les caractéristiques qu’ils revêtent en Bretagne afin de compléter notre diagnostic régional et de conclure ainsi la première partie de notre travail.