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Les dynamiques de peuplement et leurs liens avec l’artificialisation des sols décrite par le premier chapitre, posent de sérieux défis fonciers à la Bretagne. Nous les décrirons dans un premier temps puis, dans un deuxième, nous synthétiserons les informations clefs de notre analyse dans la deuxième version de la carte de synthèse.

3.1. Les enjeux posés par les dynamiques de peuplement

Avec entre 300 000 et près de 800 000 nouveaux habitants attendus d’ici à 2040 (hypothèse basse et haute du modèle de projection de population Omphale de l’INSEE), les villes et communes bretonnes seront tentées, dans un processus de diffusion spatiale par extension (Pumain et Saint-Julien, 2010), de s’étendre sur les terres agricoles pour répondre à la demande d'urbanisation. En effet, la périurbanisation, en plus d’être un processus de desserrement du peuplement des agglomérations qui n’a pas de limite prévisible dans le temps et dans l’espace (Moriconi-Ebrard, 2008), concerne particulièrement la Bretagne qui, à la différence de ce qui est observé en France métropolitaine, connaît une augmentation soutenue de sa population dans le périurbain (INSEE Bretagne, 2009). Une situation qui semble d’autant plus préoccupante qu’entre 2000 et 2006 la croissance des espaces artificialisés en Bretagne a été deux fois plus rapide que celle de la population (DRAAF Bretagne - AGRESTE, 2011). Un constat « encore plus net dans les couronnes périurbaines, où plus le dynamisme démographique est fort, plus le rythme de l'artificialisation est élevé » (Baccaïni et Semecurbe, 2009). La crainte de voir les territoires bretons s’artificialiser d’avantage du fait d’une demande en foncier urbanisable toujours plus importante liée à la pression démographique constitue un enjeu foncier central qui interpelle de plus en plus les acteurs de l’aménagement du territoire régional (DRE Bretagne, 2004a ; DRE Bretagne, 2006 ; Conseil régional de Bretagne, 2006 ; Zeller et Marquet, 2007 ; ADEF, 2009 ; Foncier de Bretagne, 2010 ; etc.).

Or, l’intensité et la manière dont l’artificialisation des sols impacte et impactera les territoires bretons dépend de nombreuses variables dont les évolutions sont difficiles à anticiper : projections de population, évolution des formes urbaines et de la densité, nouveaux usages des espaces artificialisés et capacité de renouvellement urbain, vieillissement de la population, impacts de la crise environnementale sur la mobilité, etc. Dans ces conditions, anticiper la pression foncière liée aux évolutions démographique n’est pas chose aisée d’autant plus qu’il ne faut pas confondre besoin et demande exprimée (Grépinet, 2006). Il est en effet très difficile d’anticiper les besoins en logements et les choix résidentiels qui définiront leur localisation (Driant, Drosso et Vignal, 2005 ; SESP, 2006 ; Jansen, 2012) mais ce qui semble être partagé par l’ensemble des acteurs de l’aménagement est qu’il faut construire et beaucoup (Grépinet, 2006 ; SNAL, 2009), pour au moins trois raisons : « la future croissance démographique, les conséquences du vieillissement de la population et la nécessité de renouveler une partie du parc existant » (Piron, 2012). A titre d’illustration et si l’on considère par exemple les données de l’enquête Logement de l’INSEE qui nous apprend qu’en 2006 un breton dispose en moyenne de 43 m² de surface habitable, il faudrait alors produire entre 13 et 34 millions de m² supplémentaires d’ici à 2040 (selon les hypothèses basse et haute de projection de population de l’INSEE). Mais ce simple calcul fait abstraction des espaces artificialisés tels que les routes, les espaces de commerces et de services ou bien encore les terrains à vocation industrielle et ceux à destination du sport et des loisirs. La DRAAF Bretagne propose d’ailleurs une estimation prenant en compte l’ensemble des espaces artificialisés par habitant. Cette estimation donne les résultats suivants :

« la surface moyenne artificialisée en Bretagne est de 1 067 m² par habitant en 2010. Selon les projections démographiques de l’INSEE, la région comptera 3 674 000 habitants en 2030 ; ce qui porterait à + 17 % l’accroissement de la population bretonne entre 2007 et 2030. Avec un rythme d’artificialisation deux fois plus rapide que celui de la population, 112 000 ha supplémentaires devraient être artificialisés, d’ici 2030, soit un apport de 5 600 ha par an. Si la proportion actuelle des deux-tiers de foncier d’origine agricole est maintenue, 3 700 ha seraient alors absorbés par l’espace artificialisé, chaque année » (DRAAF Bretagne - AGRESTE, 2011, p. 4).

Cette estimation montre combien les enjeux fonciers soulevés par l’artificialisation des sols (cf. conclusion du chapitre 1) sont préoccupants d’autant plus que la projection de population de l’INSEE a depuis été revue à la hausse. De plus rien ne permet de dire si le rythme de l’artificialisation va continuer de croitre deux fois plus rapidement que celui de la population ou non. Il est de même très difficile d’intégrer l’impact potentiel d’une politique en faveur par exemple de formes urbaines plus économes en foncier. L’enjeu foncier de l’artificialisation des sols engendrée par la pression démographique est non seulement central mais surtout très difficile à mesurer et à anticiper. De plus, les territoires de la région seront probablement touchés de manière très différenciés. C’est ce que montre la carte de synthèse que nous présentons dans le point suivant.

3.2. La synthèse cartographique

En plus des enjeux figurés par la première carte de synthèse (p. 69), la deuxième cartographie schématise les éléments structurants du peuplement des territoires bretons (Carte 38). La carte identifie ainsi deux éléments structurants issus de l’étude du peuplement en Bretagne. Le premier, qui reprend une tendance de fond de l’évolution du peuplement de la Bretagne depuis 1851 (Ollivro, 2005) et qui s’est confirmé lors de la dernière période intercensitaire (1999-2009), est l’opposition entre les territoires du nord- ouest en perte de vitesse et ceux du sud-est en pleine croissance démographique. Le deuxième élément, figuré par un semis de points rouge sur la carte, valorise les espaces privilégiés de localisation de la croissance démographique constatés lors de la dernière période intercensitaire : des espaces souvent à cheval entre les aires de croissance de l’artificialisation des sols par extension et celles par intensification illustrant ainsi le mouvement de la périurbanisation de la région.

Alors que la région Bretagne présente un profil d’occupation du sol très agricole avec relativement peu d’espaces naturels et une artificialisation qui progresse fortement soit par extension sous la forme de petites unités diffuses, soit par intensification sous des formes urbaines plus compactes, l’artificialisation des sols soulève comme nous l’avons évoqué dans le premier chapitre, des enjeux fonciers importants pour le maintien des activités agricoles ainsi que pour la préservation et la valorisation de l’environnement naturel. Le renouveau démographique que nous venons de décrire dans le deuxième

chapitre accentue ces enjeux alors qu’il concerne depuis le début des années 2000 la quasi totalité des territoires bretons (avec toutefois une localisation de prédilection plus forte sur les littoraux en particulier du Sud, et les communes périurbaines des grandes villes en particulier de l’Est).

CARTE 38 – CARTE DE SYNTHESE N°2 : LE PEUPLEMENT

Réalisation : DUPONT J., 2012

Face au cumul de facteurs démographiques et sociologiques d’une ampleur imprévue souvent supérieure à la moyenne nationale (desserrement des ménages, demande de logements plus grands, référence à la maison individuelle avec jardin, etc.), la Bretagne est confrontée à des enjeux d’accès au foncier (compétition entre les usages du sol) qui devraient se renforcer du fait de projections de population décrites comme très largement positives. Alors que les espaces artificialisés non bâtis et ceux à vocation non résidentielle progressent fortement, c’est le logement qui est au centre de toutes les attentions. Outre le fait qu’il existe des données disponibles, structurées et fiables (contrairement par exemple

aux espaces à vocation économique), le logement constitue le front de l’artificialisation des territoires entraînant avec lui les autres usages non résidentiels et/ou non bâtis des espaces artificialisés que sont les aménagement routiers, les espaces de loisirs et d’activités sportives, les zones d’activité économique et de services (du commerce de proximité aux écoles primaires), etc. Voyons donc, pour poursuivre notre diagnostic, ce que l’étude de la construction de logements neufs révèle de l’usage qu’il est fait du foncier à vocation résidentiel en Bretagne.

Chapitre 3 .

La construction de logements