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3.L’évolution des espaces artificialisés en Bretagne : temps longs et tendances

3.1. L’artificialisation considérable des territoires bretons sur le temps long

Au-delà de 10 ans d’ancienneté, le nombre de bases de données qui permettent un suivi fiable de l’occupation du sol en Bretagne est limité. Seules quatre bases de données répondent à ce critère et seulement deux sont à l’échelle de l’ensemble de la région. Commençons par évoquer les deux bases infra-régionales.

La première, la tâche urbaine détaillée sur Rennes Métropole, permet un suivi par photo- interprétation de 1982 à 2008 des espaces artificialisés agglomérés27 dans les 38 communes de la Communauté d’Agglomération de Rennes (Croguennec-Lemercier, 2012). Sur cette période de 26 ans, sept relevés irrégulièrement espacées dans le temps ont été effectuées (Annexe 1). Ainsi, entre 1982 et 2008, les espaces artificialisés agglomérés sur ce territoire ont progressés de + 71 % et représentent désormais 20 % de la superficie de l’agglomération rennaise, contre 11 % en 1982.

La deuxième base infra-régionale est issue de l’Atlas de l’évolution de l’occupation du sol sur le littoral breton entre 1977 et 2000 (DREAL Bretagne, 2008). Produite par photo- interprétation, cette donnée ne concerne que les 289 communes du littoral breton. Elle permet un regard détaillé de l’occupation du sol sur cet espace spécifique et une comparaison à 23 ans d’intervalle. Durant cette période, l’artificialisation progresse de + 86 % au point que les espaces artificialisés représentent un peu plus de 18 % de la superficie littorale en 2000 (Dupont, 2010c). Dans le même temps, les espaces à vocation agricole diminuent nettement (- 15 %) et les naturels progressent (+ 12 %) (Carte 11). D’après cette base, les nuances entre départements sont cette fois-ci plus marquées.

CARTE 11 – L’EVOLUTION DE L’OCCUPATION DU SOL SUR LE LITTORAL BRETON ENTRE 1977 ET 2000

Sources : Atlas de l’évolution de l’occupation du sol sur le littoral breton entre 1977 et 2000, DREAL Bretagne 2008 - Réalisation : DUPONT J. 2010

Ainsi, sur la période 1977-2000, le Finistère et les Côtes-d’Armor doublent leurs superficies artificialisées (respectivement + 94 % et + 112 %) alors que le Morbihan et l’Ille-et-Vilaine, qui étaient plus artificialisés en 1977, enregistrent une artificialisation moins massive (respectivement + 58 % et + 75 %) (Tableau 5).

TABLEAU 5 – SYNTHESE DES DONNEES DE L’OCCUPATION DU SOL SUR LE LITTORAL BRETON ET SON EVOLUTION ENTRE 1977 ET 2000

Ces deux sources d’information, l’une sur la communauté d’agglomération de Rennes, l’autre sur le littoral, nous apprennent que sur le temps long (respectivement 26 et 23 ans), l’artificialisation a été très marquée (respectivement + 71 % et + 86 %).

Les deux bases de données d’échelle régionale qui proposent une ancienneté supérieure à dix ans sont toutes deux produites par photo-interprétation d’images satellitaires (les deux précédentes étaient issues de photos aériennes). Il s’agit de l’étude du laboratoire COSTEL pour le réseau des agences d’urbanisme et de développement de Bretagne en 2010 d’une part, et de la base CORINE Land Cover d’autre part. La première, en développant sa propre méthodologie, considère qu’en vingt ans (de 1985 à 2005) la Bretagne a doublé ses superficies artificialisées avec une progression de + 107 %, soit 3 981 hectares artificialisés nouveaux par an28. Sur ce laps de temps, la poussée de l’artificialisation se montre particulièrement forte sur le littoral et en milieu périurbain (Annexe 2). Ainsi, le trait côtier littoral (bande des 500m depuis le rivage), serait artificialisé sur plus de la moitié de sa superficie (Réseau des agences d'urbanisme et de développement de Bretagne, 2010a). La deuxième base permettant une couverture complète de la région Bretagne est CORINE Land Cover sur une période allant de 1990 à 2006. Entre ces deux dates, les données enregistrent une progression de l’artificialisation nettement plus modeste avec seulement + 10,5 % (soit 1 021 hectares artificialisés nouveaux par an). Mais ce résultat n’est peut-être pas fiable. En effet, les deux séries de données (1990-2000 puis 2000-2006) restent délicates à comparer entre elles en raison du changement méthodologique de la base (CETE Ouest, 2011). De ce fait, l’observation sur le temps long (16 ans) théoriquement possible avec CORINE Land Cover n’est jamais utilisée ni proposée dans la littérature et les diagnostics de territoire (CERTU, 2011a).

Avant de conclure, évoquons encore l’enquête Teruti qui propose également une mesure de l’artificialisation à l’échelle de la région sur le long terme mais avec seulement deux données disponibles. Tout d’abord l’enquête Teruti qui enregistre sur la période 1992- 2002 un rythme de l’artificialisation des territoires bretons très élevé : + 25 % contre + 16 % pour la France métropolitaine (Michel, 2003). La deuxième donnée est un indicateur composite régional exclusif calculé sur la période 1992-2009. Le résultat montre des sols artificialisés en progression de + 36 % qui occupent 335 539 hectares en

28 Calcul réalisé en prenant en compte uniquement les zones agglomérées de plus 1 ha (Réseau des

agences d'urbanisme et de développement de Bretagne, 2010 a), ce qui représente 154 031 ha (soit 5,7 % du territoire régional) contre les 192 802 ha d’espaces artificialisés identifiés par cette base de données (soit 7,1 % du territoire régional).

2009, soit 12 % de la superficie régionale (DRAAF Bretagne-AGRESTE, 2010b)29. A période équivalente (1992-2008), les données à l’échelle nationale de la France de Teruti affichent également des gains pour les espaces urbanisés et des pertes pour les surfaces agricoles (Graphique 1 et Graphique 2) mais les évolutions mesurées en valeur relative y sont moins importantes que pour la Bretagne avec un gain des surfaces urbanisées de l’ordre de + 27 %, soit 9 points de moins qu’en Bretagne. A noter par ailleurs que le Graphique 2 révèle deux nouveautés apparues lors des dernières années de l’enquête : d’un côté des surfaces naturelles qui inversent la tendance et gagnent désormais de nouvelles superficies, de l’autre des surfaces forestières qui pour la première fois reculent.

GRAPHIQUE 1 – ESTIMATION DES SURFACES SELON L’OCCUPATION PHYSIQUE DU SOL EN FRANCE DE 1992 A 2003 ET DE 2006 A 2008

Source : CERTU, 2011a, p. 22

Disposer d’une analyse fiable de l’artificialisation des sols en Bretagne sur le temps long se révèle difficile : seule la base du COSTEL permet une vision de long terme détaillée sur l’ensemble du territoire régional.

29 Comme déjà évoqué dans la présentation des données, les séries de l’enquête Teruti postérieures à

2004 et celles de Teruti-LUCAS antérieures à 2006 ne sont pas comparables en l’état à cause du changement de méthodologie et de nomenclature opéré entre 2004 et 2006. Ce calcul d’un indicateur composite sur la période 1992-2009 est exclusif. Il a été réalisé a posteriori par les services de la DRAAF Bretagne.

GRAPHIQUE 2 – ÉVOLUTION ANNUELLE DES SURFACES SELON L’OCCUPATION PHYSIQUE DU SOL EN FRANCE DE 1993 A 2003 ET DE 2007 A 2008

Source : CERTU, 2011a, p. 22

Mais toutes les bases de données citées précédemment indiquent une progression importante des espaces artificialisés en Bretagne. Les hausses les plus marquées se concentrant en particulier le long du littoral (+ 86 % en 23 ans) et dans les grands centres urbains (+ 71 % en 26 ans sur l’agglomération rennaise par exemple), mais c’est l’ensemble du territoire qui est concerné par ce mouvement de fond, bien que les divergences de mesures soient importantes. La différence de précision sur la mesure des espaces artificialisés entre CORINE Land Cover et Teruti-LUCAS a d’ailleurs fait l’objet d’un calcul comparatif en 2006 (Tableau 6).

Ainsi, alors que l’écart de mesure est de 17,1 % en France métropolitaine, il est de 34,7 % en région Bretagne. En France comme en Bretagne et dans les régions les moins urbanisées, l’estimation de Teruti-LUCAS est nettement supérieure à la mesure de CORINE Land Cover (CERTU, 2011a).

TABLEAU 6 – LA COMPARAISON ENTRE LES SURFACES URBANISEES AFFICHEES PAR CORINE LAND COVER ET TERUTI-LUCAS

Note : Dans ce tableau, le jaune signale des valeurs plus élevées dans la base CORINE Land Cover que dans Teruti-LUCAS. Le bleu, l’inverse.

Source : CERTU, 2011a, p. 61.

Les différences de méthodologie (mesure, seuil, technique utilisée, etc.) sont à l’origine de ces écarts et illustre combien il est difficile de saisir et de mesurer la réalité en perpétuel mouvement de l’occupation des sols en particulier dans des territoires ruraux à l’habitat très dispersé. La partie suivante propose de s’intéresser cette fois-ci aux tendances les plus récentes de l’artificialisation des territoires bretons.

3.2. Les tendances récentes de l’artificialisation : entre