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2.4-Recension de la littérature sur le rôle des facteurs individuels, relationnels et organisationnels dans les agressions fondées sur le sexe et sur le genre

C) Autres caractéristiques individuelles relatives au travail

3- Supervision abusive

En définitive, outre les autres styles de supervision néfastes, dans les situations où le supérieur abuse de son pouvoir et profite de sa position au détriment d’une autre personne, le terme approprié pour le style de supervision est celui de supervision abusive. Il ne s’agit pas d’une agression visant le tort d’autrui et l’intention du superviseur n’est pas de nuire. Ce style de gestion abusif vise l’atteinte d’un objectif dans l’optique de contrôler les comportements des travailleurs et de hausser la performance organisationnelle (Tepper, 2000). Les superviseurs qui ont appris que les réponses agressives augmentent la rentabilité et l’atteinte des objectifs organisationnels pourront favoriser et tolérer les comportements hostiles envers leurs subordonnés (O'Leary-Kelly et al., 1996).

Tepper réfère à la subjectivité de l’observation des comportements des superviseurs, soit la perception des subordonnés à l’égard des comportements hostiles verbaux et non verbaux. Le terme « perception » signifie que la supervision abusive dépend du contexte et du subordonné. De ce fait, le comportement du superviseur peut être perçu comme abusif dans un contexte spécifique et non abusif dans un autre contexte, à l’instar que deux subordonnés peuvent évaluer différemment le comportement du superviseur (Tepper, 2000).

104 De manière concise, les principales manifestations de cet abus hiérarchique se composent d’actes non physiques, notamment des critiques publiques, des excès de colère, de la grossièreté, des actions coercitives (Bies, 2001; Bies & Tripp, 1998), ainsi que des humiliations et des menaces (Mitchell & Ambrose, 2007). De plus, les comportements des superviseurs doivent s’inscrire dans des actes réguliers, parsemés de propos et gestes nuisibles, excluant quelconque excès momentané d’irritation d’un supérieur (Tepper, 2000).

Dans les situations de supervision abusive et d’abus de pouvoir et de conflits non résolus, des actes agressifs peuvent survenir en réponse à la hausse de la tension personnelle (Harway & O'Neil, 1999). La supervision abusive est directement associée aux actes agressifs dirigés vers les collègues de travail (Mitchell & Ambrose, 2007) et vers l’organisation (Mitchell & Ambrose, 2007; Tepper, 2007; Thau et al., 2009), surtout dans un contexte incertain (Thau et al., 2009). Les agressions envers les supérieurs peuvent être incluses dans les déviances à l’encontre de l’organisation selon la perspective que les dirigeants et les superviseurs représentent l’entreprise (Robinson & Bennett, 1995; Skarlicki & Folger, 1997).

e) Justice organisationnelle

Dans les agressions envers les femmes dans les métiers spécialisés, les hommes peuvent percevoir que les femmes violent les attentes traditionnelles de rôles. En ce sens, les blagues sexistes et les agressions sont le résultat d’un désir de restaurer une justice en regard des femmes qui transgressent les rôles traditionnels (Gutek & Morasch, 1982; Lengnick-Hall, 1995).

En revanche, toutes les agressions commises envers les femmes ne sont pas associées aux attentes des rôles. L’idée de déplacement d’une frustration dans un climat d’injustice organisationnelle (O'Leary-Kelly et al., 2000; Paetzold & O’Leary-Kelly, 1996) en complémentarité de l’utilité pour l’acteur d’agresser, en fonction de l’évaluation des coûts de l’agression, dans un contexte de hiérarchie de sexe et de genre et d’inégalités entre les hommes et les femmes (Bandura, 1973; Berkowitz, 1993; O'Leary-Kelly et al., 2000; Tedeschi & Felson, 1994) peuvent expliquer les agressions fondées sur le sexe et sur le genre dans les métiers spécialisés.

105 En d’autres termes, les motifs de vengeance ou de restauration d’une justice sont nombreux et les agressions ne sont pas toujours dirigées vers la source principale du dommage (Aquino & Douglas, 2003). Une méta-analyse a d’ailleurs démontré que le déplacement des agressions vers d’autres cibles est un élément courant (Marcus-Newhall, Pedersen, Carlson, & Miller, 2000).

L’agression peut provenir d’un désir de punir à la suite d'une perception d’injustice. Le tout dans l’objectif de restaurer une perception d’injustice (O'Leary-Kelly et al., 2000). La contribution du sentiment de vengeance a été amplement étudiée dans de nombreuses recherches (Bies & Tripp, 1998; Folger & Skarlicki, 1998; Greenberg & Alge, 1998; Skarlicki & Folger, 1997).

Néanmoins, d’autres études ont démontré que les actions à l’encontre des objectifs de l’agresseur occupent une place plus importante que le sentiment de vengeance (Tedeschi & Felson, 1994). La réponse agressive provient d’un motif émotionnel, soit l’élimination du sentiment négatif en punissant la personne cible, ainsi que d’un motif instrumental, soit le maintien des normes sociales en vigueur dans l’organisation (O'Leary-Kelly et al., 2000; Tedeschi & Felson, 1994).

La littérature associe souvent l’injustice organisationnelle comme un facteur important dans la prolifération des agressions et de la violence au travail (Neuman & Baron, 1998; Weide & Abbott, 1994). Une étude a suggéré que l’injustice interactionnelle est associée aux agressions à caractère sexuel, en incluant autant le chantage à caractère sexuel que le milieu hostile (Donovan, Drasgow, & Munson, 1998), à l’instar d’une injustice résultant d’un châtiment basé sur la croyance qu’une autre personne doit être punie (O'Leary-Kelly et al., 2000). Ces types de comportements surviennent notamment quand les travailleurs se sentent impuissants et sans pouvoir au sein de l’organisation (Moynahan, 1993). De là l’importance de s’intéresser au concept de justice organisationnelle comme facteur prépondérant aux agressions fondées sur le sexe et sur le genre. Trois types de justice sont recensés dans la revue de littérature, soit la justice distributive, procédurale et interactionnelle. Des distinctions particularisent chacun des types de justice. Principalement, selon les recherches empiriques, la justice distributive est davantage associée aux effets sur les travailleurs, tels que la satisfaction en emploi, alors que la justice

106 procédurale se rattache davantage aux comportements des travailleurs relatifs à la satisfaction des processus organisationnels (Greenberg, 1990).