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2.4-Recension de la littérature sur le rôle des facteurs individuels, relationnels et organisationnels dans les agressions fondées sur le sexe et sur le genre

C) Autres caractéristiques individuelles relatives au travail

3- Justice interactionnelle

La relation avec le superviseur s’avère déterminante dans le concept de justice organisationnelle, notamment par le fait que les travailleurs généralisent leur relation avec le

supérieur à l’ensemble de l’organisation. D’où l’importance de la relation superviseur/subordonnés et de la justice interactionnelle. Ce type de justice réfère à une

perception juste du traitement interpersonnel du superviseur envers ses subordonnés, notamment la qualité de traitement dans l’application des procédures formelles (Bies & Moag, 1986).

Pour certains, la justice interactionnelle est incluse dans un aspect social de la justice procédurale (Tyler & Bies, 1990) ou bien, les deux types de justice, procédurale et interactionnelle, sont similaires l’une de l’autre (Cropanzano, Ambrose, Greenberg, & Cropanzano, 2001). Néanmoins, la littérature (Bies, 2001; Blader & Tyler, 2003; Cropanzano, Prehar, & Chen, 2002) s’entend dans une position indépendante de la justice interactionnelle par le fait que la justice procédurale s’apparente davantage à une perception d’équité à l’égard de l’organisation selon une méta-analyse (Cohen-Charash & Spector, 2001). À cet effet, pour Moorman, les comportements des superviseurs influencent uniquement la perception de justice interactionnelle et aucunement la justice de procédure (Moorman, 1991). De manière concise, dans la justice interactionnelle, il est question de la perception d’un traitement juste et équitable

108 par une personne en position d’autorité lors de l’application d’une procédure formelle (Hershcovis et al., 2007).

Plus précisément, la justice interactionnelle se compose de deux dimensions, soit la justice informationnelle, relative à l’exactitude de la qualité de l’information obtenue, ainsi que la justice interpersonnelle, relative à la qualité de l’échange avec les personnes en autorité (Greenberg, 1993). Il est important de favoriser l’accès aux informations, ainsi que des interactions abondantes au sein de l’organisation afin de développer des liens entre les travailleurs (Rousseau, 1995). Par contre, les réactions des travailleurs à la suite d'une mauvaise information sont mal établies dans la littérature (Ambrose & Schminke, 2003; Colquitt & Greenberg, 2003; Lind & Van den Bos, 2002; Thau, Aquino, & Wittek, 2007).

Sur le plan de l’échange entre le superviseur et les employés, selon les règles de Bies et Moag (1986), la communication entre le supérieur et ses subordonnés s’inscrit dans le principe de justification des choix et des pratiques, de même que dans le respect, la civilité et la sincérité (Bies & Moag, 1986; Colquitt et al., 2005). À ces principes, d’autres auteurs ajoutent la rétroaction (feedback) et le point de vue des travailleurs (Folger & Bies, 1989; Greenberg & Wiethoff, 2001; Tyler & Bies, 1990).

Lien entre justice organisationnelle et agressions fondées sur le sexe et sur le genre au travail

Sur le plan empirique des études, l’injustice organisationnelle a été associée à des réactions négatives (Tepper, 2007; Thau et al., 2009) ainsi qu’aux mésententes envers l’organisation, le superviseur et les collègues (Ambrose, Seabright, & Schminke, 2002; Aquino, Tripp, & Bies, 2001; Bies & Tripp, 1998; Mitchell & Ambrose, 2007; Skarlicki & Folger, 1997). Plus fréquemment, les travailleurs enclencheront une réponse agressive envers leur superviseur lorsqu’ils se perçoivent traités injustement par ce dernier, entraînant de la sorte une spirale d’incivilités et d’agressions dans la relation superviseur-employé (Andersson & Pearson, 1999). Toutefois, les réponses agressives ne sont pas toujours orientées directement vers la source directe de la frustration, soit vers le supérieur hiérarchique. À cet égard, les travailleurs peuvent également trouver un bouc émissaire, tel un collègue (Courcy et al., 2004; Mitchell & Ambrose, 2012). Selon les théories féministes, dans les métiers spécialisés, les rapports d’oppression des

109 hommes envers les femmes peuvent suggérer une tendance des travailleurs de s’en prendre à une consœur au lieu du collègue mis en cause, en fonction des relations de pouvoir au sein de l’organisation, surtout dans un contexte de hiérarchie de sexe et de genre (Berdahl, 2007).

f) Conditions de l’organisation du travail

À tous ces facteurs organisationnels, il est important d’ajouter les conditions de l’organisation du travail comme facteur prédictif des agressions au travail. Les conditions de l’organisation du travail spécifient la manière dont le travail est organisé. Cet environnement de travail est un déterminant de la santé des travailleurs. Les principales composantes sont : la conception des tâches; les demandes physiques et psychologiques au travail; les relations sociales ainsi que les gratifications au travail (Marchand, 2004). Dans les métiers spécialisés, l’étude de Mackenzie et collègues (2013) a déterminé que le pouvoir des travailleurs, ainsi que le contrôle de leurs tâches avaient une forte contribution dans les problèmes de conciliation travail- famille et de développement du stress professionnel. La sécurité d’emploi, la latitude décisionnelle et un horaire flexible étaient tous des facteurs prédictifs de mieux-être réduisant les risques psychosociaux (Mackenzie, Keuskamp, Ziersch, Baum, & Popay, 2013). Sans nécessairement expliquer les agressions fondées sur le sexe et sur le genre, la présence de ces conditions augmente le niveau des agressions au travail (Barling, 1996; Einarsen et al., 1994; Harvey et al., 2009; Hirigoyen, 2001; Leymann, 1996; Neuman & Baron, 1998; Notelaers et al., 2013; Vartia, 1996; Zapf et al., 1996).

Modèles des contraintes psychosociales (Karasek et Theorell; Siegrist)

Les contraintes psychosociales réfèrent notamment aux modèles de tension au travail de Karasek et Theorell ainsi qu’au modèle de déséquilibre efforts-reconnaissance de Siegrist. D’une part, le premier modèle de Karasek de « demande-latitude » explique les problèmes de santé mentale et physique par la combinaison d’une demande psychologique élevée et d’une faible latitude décisionnelle composée de l’utilisation des compétences et de l’autorité décisionnelle (Karasek, 1979). D’autre part, le soutien dans les relations sociales au travail a été ajouté dans le second modèle de Karasek et Theorell « demande-contrôle-soutien » comme effet modérateur ou

110 médiateur (Karasek & Theorell, 1990). Enfin, le modèle de « déséquilibre efforts- reconnaissance » de Siegrist s’intéresse aux effets sur la santé lors d’un déséquilibre entre les efforts (intrinsèques et extrinsèques) et la reconnaissance au travail, soit l’estime et le respect (la reconnaissance sociale), le statut (perspectives organisationnelles et de promotion) et les gratifications monétaires (Siegrist, 1996).