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1.2-Égalité en emploi dans les métiers spécialisés au Québec : la mise en contexte et le portrait statistique de la situation des femmes

L’égalité entre les humains et la dignité humaine sont des droits fondamentaux défendus dans les constitutions, les législations et les conventions internationales. Nonobstant la nature symbolique de ces droits, la problématique sociale des inégalités entre les hommes et les femmes est encore fortement présente au sein des milieux de travail. Les programmes d’accès à l’égalité en emploi et les lois relatives à la protection de l’intégrité physique et psychologique des travailleurs ne sont pas parvenus à résoudre ces écarts de traitement entre les hommes et les femmes. Au-delà de ces interventions étatiques pour l’égalité, l’intégration et la rétention des femmes dans certaines professions à prédominance masculine s’avèrent être un défi de taille difficilement surmontable au plan organisationnel.

La ségrégation professionnelle est une problématique persistante depuis l’entrée des femmes sur le marché du travail. Bien qu’une augmentation importante du nombre de femmes ait été notée sur le marché de l’emploi au cours des dernières décennies, plusieurs inégalités persistent dans les profils professionnels des travailleuses. Les femmes prédominent encore dans les emplois traditionnellement féminins dont les conditions de travail demeurent souvent inférieures à celles des emplois à prédominance masculine. Cette ségrégation professionnelle se maintient tout particulièrement dans les métiers spécialisés, particulièrement dans le secteur de la construction où les femmes n’atteignaient que 1,4% de la main-d’œuvre en 2013 (CCQ, 2015a).

Cette deuxième section se consacre à l’histoire des femmes dans les milieux ouvriers ainsi qu’aux inégalités d’emploi et de salaires auxquelles les femmes ouvrières dans les métiers spécialisés sont assujetties. Les indicateurs statistiques des rapports gouvernementaux relèvent leur situation en regard à la ségrégation d’emploi et aux inégalités salariales. Dans l’étude des

24 causes des agressions envers les femmes, il est pertinent de bien saisir l’évolution des femmes dans les métiers, notamment, les places que les femmes ouvrières ont occupées dans les usines durant la Deuxième Guerre mondiale et leur portrait statistique dans les métiers spécialisés. Un paradigme suggère que les comportements hostiles à l’égard des femmes sont une forme de discrimination fondée sur le sexe. Les agressions découlent des relations inégalitaires entre les hommes et les femmes (Paul, 1990).

1.2.1-Situation des femmes dans les emplois non traditionnels

Partout dans le monde, depuis l’arrivée des femmes sur le marché du travail, les études démontrent la situation des inégalités qu’elles subissent en comparaison des hommes. Les statistiques suggèrent que le marché du travail demeure encore très ségrégué, expliquant par cela la persistance des inégalités salariales (Rose, 2013). D’une part, les femmes se concentrent dans un petit nombre d’emplois et, d’autre part, elles progressent difficilement dans les processus de promotion. Par surcroît, le choix d’orientation des jeunes filles n’est pas la seule explication. Le marché du travail contribue tout autant à cette ségrégation professionnelle, puisque les femmes sont souvent soumises à des traitements discriminatoires de la part des employeurs et à des comportements agressifs de la part de leur supérieur hiérarchique et de leurs collègues de travail dans les professions à prédominance masculine (CSC, 2010a; Gruber, 1998; Gutek & Morasch, 1982).

Plus précisément, dans les processus de socialisation, une ségrégation se construit entre les hommes et les femmes, dès leur plus jeune âge dans leur milieu familial, éducatif et, subséquemment, dans leur formation professionnelle. Sur le marché professionnel, la socialisation des filles et des garçons se dénote particulièrement dans le milieu de la construction où la division sexuelle est présente au sein des différents métiers en fonction des tâches. La division sexuelle des tâches prétend une supériorité des hommes à exécuter des tâches exigeant de la force physique. Dans cette lignée, les femmes se voient offrir les tâches les moins intéressantes et les moins formatrices (Legault, 2001). Les mandats qui leur sont assignés sont légers et ils reflètent les qualités généralement attribuées aux femmes, telles la minutie et l’esthétique (Dumont, 2013). En d’autres termes, les hommes des métiers spécialisés entrevoient

25 que les femmes restent dans les tâches stéréotypées véhiculées en fonction des rôles traditionnels. Cette répartition des tâches contribue davantage à mettre l’accent sur les différences entre les hommes et les femmes.

Certes, depuis les dernières décennies, des progrès ont eu lieu pour les femmes dans certains métiers traditionnellement masculins. Les comparaisons internationales, notamment les études sur les politiques publiques, s’avèrent utiles pour comprendre la différence entre les hommes et les femmes sur le marché du travail selon le modèle de l’homme pourvoyeur, parsonien (breadwinner), plus présent dans les pays anglo-saxons qu’en France ou dans les pays nordiques (Crompton, 1999).

Au Québec, des initiatives organisationnelles ont permis l’intégration des femmes chez les policières du Service de police de la Ville de Montréal où la proportion de femmes a augmenté de 12,7% à l’an 2000 à 24,3% en 2013 (École nationale de police, 2014). De plus, une

hausse de la proportion de femmes chez les cadres et dans certaines carrières prestigieuses (i.e., médecins, avocats) a pu être constatée (Fortin & Huberman, 2002). Par contre, au Canada,

les résultats sont moins reluisants pour la proportion de femmes en ingénierie, une discipline affiliée à certaines carrières des métiers techniques (CSC, 2010a). En France, le terme « révolution respectueuse » est utilisé pour la féminisation du groupe professionnel des ingénieurs, particulièrement pour le respect des normes en place et pour l’entrée, progressivement lente, des femmes dans cette catégorie professionnelle (Marry, 2004).

Dans cette lignée, la situation des femmes dans les métiers spécialisés demeure à un niveau très critique au Québec. Les données de l’Enquête nationale auprès des ménages de Statistique Canada (ENM) révèlent une faible proportion de 2,1% de femmes dans les professions assimilées aux métiers et aux occupations en 2011. Un taux plus bas que la moyenne canadienne de 3,1% (CCQ, 2014). Plus spécifiquement, cette proportion s’abaisse à 1,3% dans les métiers spécialisés dans l’industrie particulière de la construction en 2012 selon les données de la Commission de la construction du Québec (CCQ, 2012). Très récemment, selon les données d’une entrevue de la présidente-directrice générale de la Commission de la construction du Québec, 3 000 femmes œuvraient dans l’industrie de la construction à la fin de l’année 2017, soit une proportion de 1,91% de femmes (Archives de Radio-Canada, 6 mars 2018).

26 Similairement, au Danemark, en Angleterre et aux Pays-Bas, la proportion de femmes est respectivement de 0,7%, 0,3% et de 0,2% dans les emplois manuels de l’industrie de la construction en 2001 (Byrne, Clarke, & Van Der Meer, 2005).

Selon la théorie de la masse critique (Kanter, 1977a), une proportion assez élevée de femmes dans les métiers spécialisés, soit approximativement entre 15% et 35% (Gale, 1995; Greed, 2000), permettrait un changement de la culture organisationnelle par une plus grande tolérance du groupe minoritaire des femmes (Powell, Bagilhole, & Dainty, 2006). S’inspirant de la physique, cette théorie utilise le concept de masse minimale à laquelle un simple petit élément peut engendrer de fortes réactions (Greed, 2000). Au plan empirique, le changement de culture organisationnelle, à la suite d’une augmentation des femmes dans les métiers spécialisés, est ambigu (CSC, 2010a). La prise en considération des obstacles culturels et structuraux du secteur (Fielden et al., 2000; Greed, 2000), ainsi que de l’identité professionnelle spécifique aux métiers spécialisés, s’avèrent être des pistes innovantes pour améliorer l’intégration des femmes dans ces professions manuelles.

1.2.2-Évolution historique des femmes dans le secteur ouvrier

Les femmes ont connu une grande évolution sur le marché du travail durant les dernières décennies. Du point de vue historique, la sphère professionnelle était majoritairement occupée par des hommes et les femmes ont graduellement intégré un marché du travail conçu par et pour des hommes (Forrest, 1993). Bien que les femmes soient parvenues à une proportion égale aux hommes dans la population active, leur taux de participation varie beaucoup d’un secteur à l’autre. Cette situation occasionne une ségrégation professionnelle, soit une inégalité d’emploi dans certaines professions entre les hommes et les femmes (Chicha, 1989; CSC, 2010a).

Le cantonnement des femmes dans le travail, au foyer, dans le bénévolat et dans certaines professions s’est modifié fortement lors du déclenchement des guerres. Notamment, la Deuxième Guerre mondiale a joué un rôle primordial dans la division sexuelle du travail. À la suite d’une demande du gouvernement relative au comblement de la pénurie de main-d’œuvre, les femmes ont pu se mobiliser dans certains secteurs économiques inhabituels. Par ce fait, les femmes ont occupé une large gamme d’emplois non traditionnels pour maintenir la production militaire lors

27 du départ des hommes à la guerre. Ces dernières exerçaient à titre de conductrices de camions, de soudeuses, de mécaniciennes, de peintres et d’électriciennes dans les emplois de production au sein des usines (Archives de Radio-Canada, 15 septembre 1989; Auger & Lamothe, 1981).

Autrement dit, l’évolution des femmes dans les emplois dédiés aux hommes se modifiait par une hausse de l’embauche lors des contextes de pénurie de main-d’œuvre et une baisse lors de taux de chômage élevé. Les obstacles relatifs à l’embauche des femmes, tels que le manque de force physique, les contraintes familiales et les préjugés sur la présence des femmes dans les professions masculines, s’estompent dans l’urgence des besoins de main-d’œuvre (Chicha, 1989). Après la guerre, ces obstacles refont surface et occasionnent cette même discrimination des femmes dans les métiers (Dumont, 2013). En fait, les hommes dans les métiers ont appris des schémas de rôles stéréotypés sur la masculinité et la féminité durant leur socialisation, engendrant une peur de la féminité dans les métiers spécialisés et une peur de perdre leur masculinité, ainsi que des conflits sur le rôle de genre au sein de la profession. Ces schémas peuvent occasionner des émotions négatives, telles que la peur, la colère, l’anxiété, la haine, etc. (Harway & O'Neil, 1999).

La ségrégation professionnelle est un thème étudié dans une variété de pays, tant en Amérique du Nord, qu’en Europe, et même dans certains pays asiatiques. La situation démontre que malgré l’entrée des femmes sur le marché du travail, elles restent cantonnées dans certaines professions. Les hommes conservent certains postes dans les organisations et certaines professions spécifiques. Certains secteurs sont fortement ségrégés, à titre d’exemple celui de la construction où les femmes représentaient que 12,2% de l’effectif de l’industrie selon les données de Statistique Canada de 2006 et nombreuses d’entre elles sont employées dans les bureaux (CSC, 2010a; Fielden et al., 2000). En Inde, dans cette industrie, les relations inégalitaires sont encore plus marquées entre les hommes et les femmes. En fait, les femmes sont obligées d’être soumises à l’homme dans la sphère professionnelle, autant que privée, en exécutant les tâches dictées. Suivant cette vision, elles ne peuvent pas occuper les emplois de maçon ou de contremaître étant donné leur sincérité et leur obéissance (Barnabas, Anbarasu, & Clifford, 2013). Au Québec, les valeurs sexistes et les stéréotypes sur les chantiers de

28 construction peuvent se dénoter dans le fait qu’aucune clause dans les conventions collectives n’aborde le terme du harcèlement sexuel (CCQ, 2015a).

Deux types de ségrégation peuvent se retrouver dans les milieux professionnels, soit la ségrégation verticale et la ségrégation horizontale. La ségrégation verticale consiste à une concentration des femmes dans des niveaux hiérarchiques inférieurs à faibles responsabilités. L’expression « plafond de verre » est utilisée pour décrire la frontière invisible que les femmes ne peuvent jamais franchir en regard des postes décisionnels (Laufer, 2005; Wierink & Méda, 2005). Distinctement, la ségrégation horizontale renvoie à la situation des femmes concentrées dans un petit nombre de professions. À cet égard, les femmes se cantonnent dans un nombre restreint d’emplois, principalement dans les domaines des services, des sciences infirmières et de l’enseignement (Rose, 2013; Silvera, 2008).

En outre, au Québec, les emplois de métiers et de professions traditionnellement masculins sont ceux dans lesquels les femmes sont sous-représentées à moins de 33,3% (Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, 2015). Selon les statistiques d’Emploi-Québec, 253 groupes professionnels sur plus de 500 groupes sont considérés traditionnellement masculins. Il s’agit plus particulièrement des emplois de la construction, de l’industrie manufacturière, ainsi que du domaine de l’exploitation et de la transformation initiale des ressources naturelles (Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, 2015).

La profession des métiers spécialisés est sans doute la pire concernant les conditions des femmes au Québec. La proportion de femmes diminue à 2,1% pour les professions assimilables aux métiers et occupations au Québec et à 1% dans les travaux assujettis à la Loi R-20 de l’industrie de la construction (CCQ, 2014). Dans cette industrie, les données de l’Enquête nationale des ménages (ENM) de 2011 estiment une proportion approximative de 12% de femmes pour l’ensemble des provinces canadiennes dans les emplois de bureaux et sur les chantiers.

Facteurs contributifs à la ségrégation professionnelle

L’éducation traditionnelle des enfants par l’achat des jouets distincts pour filles (poupées) ou pour garçons (jeux de construction) influence le développement des compétences ainsi que le

29 parcours académique et professionnel des enfants, notamment en raison du désir des enfants de plaire à leurs parents (Dafflon Novelle, 2006). Dans cette lignée, si les filles n’ont pas appris à manipuler des outils et à développer leurs habiletés manuelles tout au long de leur formation, elles ne se dirigeront pas vers ce milieu qu’elles ne connaissent pas (Dumont, 2013) et les individus prennent goût aux activités dans lesquelles ils sont compétents (Lent, 2008). La confiance en ses propres capacités est importante au moment de faire son choix. Afin de réduire cette ségrégation éducative, des études canadiennes se sont intéressées notamment aux facteurs explicatifs pouvant hausser l’intérêt des jeunes filles pour les professions associées à la science, aux métiers et à la technologie (Anderson & Gilbride, 2005).

Au plan familial, le niveau d’éducation des parents contribue à l’explication du choix des jeunes filles vers certaines professions. Les interactions sociales à l’école avec les professeurs et les orienteurs scolaires par leurs préjugés sexistes en regard des aptitudes des jeunes femmes ou de la mauvaise opinion des programmes d’apprentissage, peuvent influer le choix des jeunes filles dans les carrières manuelles (CSC, 2010a). Les données statistiques relatives aux formations initiales indiquent que le rôle de l’école est primordial. Les choix d’orientation influencent les jeunes filles vers des emplois à prédominance féminine. Un obstacle au recrutement de femmes dans les emplois non traditionnels est leur faible effectif dans les formations techniques (Wierink & Méda, 2005). Conséquemment, le rôle du système éducatif est non négligeable dans la part d’explication de la concentration des filles dans certaines disciplines. En outre, l’implication des parents et des orienteurs scolaires peut jouer dans le choix d’orientation (Silvera, 2008).

En France, les recherches de Couppié et Épiphane (2006) ont démontré comment la ségrégation éducative est poursuivie sur le marché du travail par la suite. Leur méthode permet de considérer deux composantes de la ségrégation, l’une d’origine éducative et l’autre construite dans la vie active professionnelle. Selon leur estimation, les facteurs éducatifs contribuent à trois cinquièmes de la ségrégation professionnelle, alors que le marché du travail contribue à deux cinquièmes (Couppié & Epiphane, 2006).

Plus précisément, d’autres facteurs influents pour 83% à 88% des femmes sont relatifs au traitement et à la représentation équitable entre les hommes et les femmes, aux opportunités de

30 développement et d’avancement en emploi, aux horaires flexibles de travail, au prestige et à la possibilité d’être un modèle (CSC, 2010a). Dans cette lignée, il est important d’étudier le marché du travail afin de résoudre la problématique de la ségrégation professionnelle entre les hommes et les femmes.

Faible conciliation travail-famille dans les métiers spécialisés

Les femmes demeurent encore aujourd’hui les principales responsables des tâches domestiques et familiales malgré les avancements de la société. Au niveau mondial, le Canada se positionne faiblement en termes de congés liés à la grossesse (sauf pour le Québec), de pauses liées à l’allaitement, de congés annuels ainsi que des congés de maladie (Chaussard, Gerecke, & Heymann, 2008). Plus particulièrement, au Québec, il existe des politiques de conciliation travail-famille dans certaines entreprises québécoises des secteurs non traditionnellement féminins. Néanmoins, les mécanismes de diffusion et de communication de ces politiques sont déficients et, en forte majorité, les travailleurs ne les connaissent pas (Legault, 2001). De même, la culture de longues heures valorisées dans les milieux à prédominance masculine est en contradiction avec les politiques de conciliation travail-famille. De ce fait, dans les secteurs composés majoritairement d’hommes, une pression sur les femmes s’exerce dans des règles informelles afin de limiter les privilèges, tels que les congés de maternité, et de réprimer leur utilisation (Legault, 2001).

Le conflit travail-famille, soit la tension émanant d’une pression du milieu du travail incompatible avec la vie familiale ou personnelle de l’individu (Greenhaus & Beutell, 1985), est plus problématique dans les métiers spécialisés, surtout pour les femmes (CCQ, 2012). La direction de ce conflit inter-rôle se caractérise par un aspect bidirectionnel, soit une interférence du travail dans la vie familiale (ITF) ou à l’opposé une interférence de la famille dans le travail (IFT) (Frone, Russell, & Cooper, 1992; Kelloway, Gottlieb, & Barham, 1999). Le stress occasionné par la quantité de ressources à partager dans chacun des deux rôles justifie qu’il s’agit d’un risque psychosocial (Bellavia & Frone, 2005). L’individu est limité dans son temps dans l’accomplissement des demandes émergeant des deux milieux. Ce débordement occasionne

31 un stress chez l’individu et le prédispose à développer des problèmes de santé mentale (Greenhaus & Beutell, 1985).

Certaines pratiques se sont développées au sein des organisations afin de réduire ce conflit résultant du partage des demandes entre la famille et le travail. Plusieurs employeurs considèrent cette problématique d’agencement des obligations professionnelles avec la vie familiale de leurs travailleurs en offrant, par exemple, des horaires flexibles, des services de garderie sur les milieux de travail et des congés pour raisons familiales. Les organisations octroient des possibilités aux employés afin de mieux concilier leurs obligations professionnelles et familiales. L’enquête québécoise de l’EQCOTESST distingue quatre conditions relatives à la conciliation travail-famille : a) les horaires et les heures de travail; b) la possibilité de certains congés; c) l’accès au travail à domicile ainsi que d) la présence de certaines dispositions, telles que des services de garderies ou d’urgence (Vézina et al., 2011). Ces conditions constituent les politiques et les pratiques d’aide à la conciliation travail-famille. Elles s’accompagnent de deux autres mesures, soit celles consistant à rendre plus souples et légères les tâches de travail (l’organisation du travail), ainsi que les relations d’encadrement avec le superviseur facilitant une communication ouverte des problématiques relatives à l’articulation entre la famille et le travail (St-Onge et al., 2013b). De plus, d’autres auteurs considèrent que la gestion de carrières est incluse dans les pratiques de conciliation travail-famille.

En regard de la recension de littérature, la condition relative à l’horaire de travail est déterminante dans la gestion du conflit travail-famille. Plus précisément, les horaires atypiques et imprévisibles, ainsi que les longues heures de travail et les heures supplémentaires sont associés négativement à une bonne conciliation entre le travail et la vie familiale (Albertsen, Rafnsdóttir, Grimsmo, Tomasson, & Kauppinen, 2008), à l’instar du travail temporaire (non permanent, forfaitaire, occasionnel, saisonnier) (Tremblay & Villeneuve, 2002). À l’opposé, les horaires flexibles ainsi que la possibilité d’échange d’horaires ou les banques de temps utilisables favorisent la conciliation travail-famille (Van Rijswijk, Bekker, Rutte, & Croon, 2004).

Par contre, tous ces accommodements ne sont pas possibles dans les métiers spécialisés où les horaires atypiques ne permettent pas d’articuler le travail à la vie familiale. Particulièrement dans les chantiers de la Côte-Nord, caractérisés par des horaires de 60 heures

32 hebdomadaires durant 28 jours, suivi de 10 jours de congé (Dumont, 2013). Similairement, au niveau international, le manque de conciliation travail-famille s’avère être un obstacle supplémentaire, notamment pour les femmes souhaitant postuler sur des postes de gestion dans l’industrie de la construction (Fielden et al., 2000).

Du point de vue historique, les quelques femmes ont graduellement intégré la profession des métiers spécialisés conçue par et pour des hommes. Les associations syndicales des secteurs des métiers ont été organisées par des hommes et les droits défendus relèvent des problématiques de cette catégorie genrée. En ce sens, les responsabilités familiales affectent moindrement les hommes et le manque de conciliation travail-famille est une problématique féminine. De plus,