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La détermination des facteurs contributifs des agressions se complexifie par l’interaction entre les caractéristiques individuelles et organisationnelles, en plus de considérer le niveau sociétal. De ce fait, des facteurs pouvant expliquer les agressions fondées sur le sexe et sur le genre dans les métiers spécialisés sont également relatifs au contexte social (la socialisation des filles et des garçons, la division sexuelle des tâches, les préjugés et la discrimination) et au contexte législatif (législation anti-discrimination et anti-harcèlement). Ces facteurs culturels et sociaux justifient l’importance d’effectuer une étude qui distingue le sexe (homme/femme) et le genre (masculinité/féminité) des travailleurs. À cet égard, à ce jour, à notre connaissance, peu d’études répertoriées étudient les agressions dans les métiers, et en particulier les agressions dont sont victimes les femmes et les travailleurs s’inscrivant dans un genre féminin. De même, aucune étude n’appréhende les effets du genre ou l’appropriation du genre au sein de la profession dans une mesure de métier genré. Concrètement, les études empiriques n’ont pas mesuré le genre des victimes dans les métiers spécialisés et le genre prédominant dans le métier.

De plus, dans la recension des facteurs prédictifs des agressions en milieu de travail, nonobstant les causes attribuées aux dimensions sociétales et individuelles des travailleurs, au plan organisationnel, une limite majeure des études actuelles a trait à l’omission de l’identité professionnelle. Même que les facteurs individuels et environnementaux complexifient les relations entre l’identité et les agressions (Aquino & Douglas, 2003), justifiant l’importance de s’intéresser à l’identité professionnelle dans l’explication des agressions fondées sur le sexe et sur le genre au travail. En complémentarité, il s’agit d’un élément déterminant dans l’explication des réponses agressives dans une optique d’acquérir ou de préserver une image positive, selon la théorie de l’identité sociale (Tajfel & Turner, 1986).

Particulièrement, dans les secteurs à prédominance masculine, il s’avère d’autant plus pertinent d’étudier l’identité professionnelle dans un contexte de hiérarchie de sexe et de genre où les hommes ont un pouvoir plus élevé (Berdahl, 2007). Plus spécifiquement, aucune étude empirique n’a étudié la contribution de l’identité professionnelle sur les agressions fondées sur le sexe et sur le genre chez les travailleurs des métiers spécialisés. À cet effet, peu de recherches

116 ont étudié empiriquement les effets sur les agressions dans les milieux de travail de l’estime collective du groupe, ainsi que des dimensions culturelles du degré de collectivisme, de distance hiérarchique et d’intégration des différences au sein du groupe professionnel. Sur le plan de la fragilisation de l’identité professionnelle, peu de recherches ont associé la perception de menaces réalistes (économique, politique, sociale) et symboliques (culturelle et identitaire) (Stephan & Renfro, 2002) relatives à la profession aux agressions fondées sur le sexe et sur le genre au travail, tant pris en compte simultanément ou séparément.

Finalement, très peu d’études se sont intéressées aux déterminants des réponses agressives des hommes dans la problématique des agressions fondées sur le sexe et sur le genre (O'Leary-Kelly et al., 2000; Pryor, 1987; Pryor & Stoller, 1994) et la majorité d’entre elles s’intéressent uniquement à la perception de la victime. Une limite a trait à la considération de l’agresseur dans les agressions fondées sur le sexe et sur le genre afin de considérer les attentes de rôles dans les réponses agressives des hommes, notamment envers les femmes, dans un contexte de hiérarchie de sexe et de genre (Berdahl, 2007). D’où la pertinence de la présente recherche d’inclure les agresseurs en complémentarité de la perception des victimes en considérant les réponses agressives au sein de l’équipe de travail. Or, il s’avère important d’inclure les comportements déviants des agresseurs, notamment dans une approche préventive dans une compréhension approfondie des facteurs individuels et organisationnels prédisposant à l’adoption de réponses agressives. Afin de combler ces lacunes, sur le plan de la pratique, la thèse doctorale cherche à déterminer les facteurs prédictifs des agressions dans les métiers spécialisés, spécialement le rôle de l’identité professionnelle.

Le prochain chapitre se consacre à l’élaboration d’un modèle théorique sur l’influence de l’identité professionnelle sur les agressions fondées sur le sexe et sur le genre, de même qu’à la présentation d’un modèle empirique de recherche relatif aux effets de l’identité professionnelle sur les réponses agressives des travailleurs et sur la prédisposition à vivre une agression.

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Chapitre 3 : Le rôle de l’identité professionnelle

sur les agressions dans les métiers

Le présent chapitre vise la construction d’un modèle théorique général de l’influence de l’identité professionnelle dans les agressions fondées sur le sexe et sur le genre. Ce modèle général permet l’élaboration du cadre conceptuel de la présente thèse doctorale ainsi que l’établissement des hypothèses de recherche.

Afin d’y parvenir, à la suite des définitions conceptuelles relatives à l’identité, il est question du processus de l’identification à la profession résultant de l’estime collective du groupe professionnel. Cette estime du groupe se développe selon le sentiment d’appartenance et la reconnaissance du métier, tant d’un point de vue personnel que d’autrui, et principalement par une comparaison et une différenciation entre les groupes. De plus, les dimensions culturelles sont la base des relations sociales au travail et déterminent les stratégies identitaires des travailleurs dans des modèles culturels d’identité au travail. Notamment, la culture nationale influence le développement des institutions ainsi que les lois et les règles mises en place, les valeurs et les normes à privilégier dans les sous-cultures des métiers, dans l’estime collective des groupes professionnels et dans le type de genre du métier. Ces trois derniers éléments, soit la culture de métiers, l’estime collective du groupe et le métier genré, sont les trois composantes retenues dans la structure de l’identité professionnelle. En complémentarité, une seconde dimension de l’identité professionnelle complète le modèle d’analyse, soit la fragilisation de cette identité, par la perception de menaces, par les conditions de l’organisation du travail spécifiques aux travailleurs de métiers et par la justice interactionnelle au sein de l’équipe de travail.