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2.4-Recension de la littérature sur le rôle des facteurs individuels, relationnels et organisationnels dans les agressions fondées sur le sexe et sur le genre

C) Autres caractéristiques individuelles relatives au travail

1- Climat sexiste

Des relations interpersonnelles tolérantes aux blagues sexistes, autant entre le supérieur et les subordonnés qu’entre les pairs de travail, ont un niveau plus élevé d’agressions envers les femmes (Fitzgerald et al., 1997; Settles, Cortina, Malley, & Stewart, 2006).

Un climat sexiste engendre des comportements déviants et offensants, spécifiquement à l’égard des femmes, et notamment de la discrimination et de l’intimidation (Settles et al., 2006). Des attitudes sexistes sont associées à la prédisposition de réponses agressives et physiques de la part des hommes envers les femmes. Néanmoins, les attitudes sexistes sont un mécanisme de protection des hommes et l’imposition de normes d’équité prédispose à des aggravations s’inscrivant dans des tendances de violences sexuelles et physiques contre les femmes (Bosson, Parrott, Swan, Kuchynka, & Schramm, 2015).

Ainsi, la banalisation des attitudes sexistes découle de la culture organisationnelle, soit les normes et les valeurs organisationnelles permettant ce type de comportements offensants dans le pilotage de stratégies et des objectifs des travailleurs (Keyton et al., 2001; O'Leary-Kelly et al., 1996). En d’autres termes, la tolérance au sexisme est un trait caractéristique de certaines cultures organisationnelles et non pas une typologie de culture. Ainsi, il est possible de suggérer le terme de climat sexiste au travail. À cet égard, la tolérance aux blagues et aux propos sexistes engendre un niveau plus élevé d’agressions fondées sur le sexe (Cantisano, Domínguez, & Depolo, 2008; Fitzgerald et al., 1997), conformément à l’influence des normes et des valeurs sur les comportements des travailleurs (Neuman & Baron, 1998) selon la théorie de l’apprentissage social (Bandura, 1973).

98 2- Climat éthique

Dans les deux dernières décennies, le concept du climat organisationnel éthique a été utilisé dans la littérature. Les études se sont notamment intéressées à la conceptualisation, aux antécédents ainsi qu’aux conséquences de ce concept. Sur le plan de sa conceptualisation, ce construit se distingue de la culture éthique, abordée plus haut dans la sous-section de la culture organisationnelle. Bien que les deux concepts soient liés à un contexte éthique, ces construits mesurent des éléments distincts. Notamment, la culture organisationnelle permet d’associer des conduites éthiques relatives aux codes et règles présents au sein de l’organisation, alors que le climat organisationnel s’associe avec les conduites éthiques dans l’environnement social, soit les relations informelles entre les travailleurs (Treviño, Butterfield, & McCabe, 1998). Il est possible de suggérer que les règles du métier sont instaurées informellement entre les travailleurs et constituent davantage des composantes du climat organisationnel.

Plus précisément, en regard de la définition du terme du climat éthique, Victor et Cullen (1988) ont défini ce concept par une perception d’un environnement et de normes éthiques au niveau des pratiques et des procédures organisationnelles. Autrement dit, il s’agit de l’ambiance de travail constituant les comportements éthiques au travail (Victor & Cullen, 1988). Leurs recherches ont suggéré sept types de climats éthiques en fonction de deux dimensions. D’une part, la philosophie de l’organisation, s’inscrivant dans des critères éthiques relatifs à l’égoïsme, aux principes moraux (déontologie) et à la bienveillance, compose la première dimension. D’autre part, la seconde dimension concerne le niveau d’analyse, soit individuel (individu), local (organisation) ou cosmopolite (à l’externe de l’organisation). Chacun des climats s’accompagne d’attentes normatives en regard de ce qui est bien ou mal (Arnaud & Schminke, 2007; Cullen, Victor, & Bronson, 1993).

Explicitement, le climat éthique est plus intégratif dans l’ensemble des attitudes normatives et des principes moraux. Un climat avec un faible niveau d’éthique peut avoir de graves conséquences et répercussions pour l’organisation et spécialement sur les comportements déviants au travail (Appelbaum, Deguire, & Lay, 2005; Peterson, 2002; Vardi, 2001).

99 3- Climat d’inclusion

Dans le contexte d’immigration canadien et dans l’optique que tous les êtres humains sont nés égaux avec les mêmes droits, un climat d’inclusion s’avère primordial. Auparavant, les recherches s’intéressaient davantage à un climat de diversité, limité à la coopération entre les groupes, plutôt qu’un climat inclusif relatif à l’intégration des différences de tous les travailleurs (Shore et al., 2010).

L’inclusion se définit comme le degré auquel un travailleur perçoit qu’il est un membre estimé de son groupe professionnel à travers la satisfaction du traitement reçu au travail, autant dans les besoins d’appartenance que d’unicité. Il importe d’équilibrer ces deux besoins pour favoriser l’inclusion selon une perspective d’incorporation simultanée de l’intégration et de l’apprentissage des différences. Une faible unicité peut provoquer une assimilation des travailleurs, alors qu’un faible sentiment d’appartenance peut occasionner une différenciation. À l’inverse, un faible niveau de ces deux besoins peut provoquer l’exclusion des travailleurs (Shore et al., 2010). Plus globalement, ce concept d’inclusion-exclusion consiste à la perception de l’individu d’être une part du système organisationnel, tant dans les procédures formelles qu’informelles (Mor Barak, 2015).

En plus d’être la clé de la gestion de la diversité en emploi (Mor Barak, 2015), un climat d’inclusion améliore la qualité des relations entre les membres de l’organisation ainsi que le mieux-être des travailleurs (Shore et al., 2010). Les caractéristiques organisationnelles privilégiées dans un climat d’inclusion diminuent les différences de traitement parmi les travailleurs et de cela découlent des relations plus respectueuses entre collègues (Ely & Thomas, 2001). De plus, ce type de climat diminue les conflits basés sur le genre, particulièrement par un processus de catégorisation sociale moindre des travailleurs (Nishii, 2013). Conséquemment, une dégénérescence vers des agressions fondées sur le genre au travail s’ensuit.

Afin de parvenir à ce climat bénéfique d’intégration des différences de tous les travailleurs, une méthode envisagée est un style de supervision adéquat. Des thèses récentes de doctorat portant sur le rôle d’un style de leadership inclusif (Salib, 2014) et d’un style de leadership transformationnel (Wright, 2015) ont associé ces styles de direction avec l’inclusion des

100 travailleurs. Similairement, le style de supervision s’avère fortement associé aux types de climats organisationnels et, plus globalement, à la culture organisationnelle.

Les prochaines sous-sections se consacrent à ce concept des styles de supervision des gens en position d’autorité au sein de l’organisation.

d) Styles de supervision

Plusieurs facteurs peuvent expliquer la tolérance des superviseurs en regard des réponses agressives. Ce type d’actions ne peut pas se produire sans l’accord de la haute direction (Brodsky, 1976). De sorte qu’il importe de considérer le style de gestion des superviseurs, ainsi que les pratiques de gestion et de pouvoir, s’inscrivant particulièrement dans les réponses des dirigeants dans les situations d’agressions (Bowie, 2010). Les réactions des dirigeants relativement aux agressions fondées sur le sexe et sur le genre sont déterminantes dans la prolifération des réponses agressives (Cortina & Wasti, 2005). Les réponses des gestionnaires créent un système social de normes privilégiées sur lesquelles les travailleurs se baseront dans l’évaluation de leurs comportements au travail (Keyton et al., 2001). D’où l’importance de s’intéresser aux styles de supervision des gestionnaires.

Dans le modèle sociologique de Tom Dwyer, la supervision se définit comme étant des directives et des échanges formels, reliés à la tâche et distribués aux travailleurs, afin qu’ils exécutent leurs tâches (Dwyer, 2013). Autrement dit, il s’agit du contrôle direct exercé par certains acteurs organisationnels sur d’autres acteurs dans une structure hiérarchique de travail, tel que le contrôle des superviseurs à l’égard de leurs subordonnés. Cette définition est particulièrement intéressante en santé et sécurité du travail. La prémisse du modèle de Dwyer avait associé les récompenses, les rapports d’autorité et l’organisation du travail comme facteurs prépondérants des accidents de travail. Principalement, les relations sociales au travail sont déterminantes dans l’explication des accidents reliés au travail (Dwyer, 2013).

Ce modèle sociologique est pertinent en raison du rôle primordial des relations d’autorité dans les agressions fondées sur le sexe et sur le genre dans les métiers spécialisés. La priorité des superviseurs est de s’assurer du développement nécessaire et adéquat des compétences et aptitudes des salariés, tant sur le plan individuel que collectif. De ce fait, les superviseurs et les

101 collègues de travail jouent un rôle clé dans la réduction des effets des réponses agressives. Les superviseurs détiennent le pouvoir formel de faire cesser ce type de comportements offensants et les travailleurs, en raison de leurs influences sur les relations informelles, peuvent faciliter ou rendent insupportable l’intégration des femmes.

Les sous-sections subséquentes se consacrent aux différents styles de supervision associés aux agressions en milieu de travail.

Recension de la relation entre les styles de supervision et les agressions au travail

Le conditionnement culturel des subordonnés, en regard de leur degré d’obéissance, de subordination, de dépendance et de soumission, influence le style de supervision. Les valeurs qui correspondent au degré de distance hiérarchique doivent être partagées par les membres de l’organisation (Bollinger & Hofstede, 1987). À titre indicatif, dans un contexte de travail en équipe, le supérieur immédiat ajuste ses pratiques de gestion en fonction du degré d’autonomie des travailleurs (Pilon, 2008).

Néanmoins, les comportements des superviseurs, sans déterminer le style de supervision, influencent le climat de travail, soit la perception partagée en regard de l’ambiance de travail et des relations entre les acteurs (Simard et al., 2004). Ils peuvent renforcer les politiques et les pratiques organisationnelles ou au contraire les compromettre (St-Onge, Guerrero, Haines, & Brun, 2013b). Des études ont démontré le rôle régulateur de l’absence de réactions des gestionnaires dans l’accentuation des agressions (Cintas, 2013; Detchessahar, 2011; Leymann, 1996). Le phénomène de persécution au travail est notamment expliqué par une dégradation d’un conflit à la suite d’une absence ou d’une mauvaise gestion du conflit (Leymann, 1996).

À titre indicatif, dans les pays anglo-saxons, caractérisés par une distance hiérarchique moyenne et une mentalité individualiste, un style de supervision consultatif détermine la relation entre supérieur et subordonnés, alors que le style paternaliste se retrouve en France et dans les pays latins d’Europe en raison de la grande distance hiérarchique. Aux extrêmes, un style

participatif caractérise les pays germanophones et scandinaves, par leur faible niveau de distance

102 des pays du tiers monde par la grande distance hiérarchique dans les relations et une mentalité collectiviste (Bollinger & Hofstede, 1987).

L’intérêt entre le style de supervision et le niveau d’agressions dans les organisations proviennent de multiples sources. Certains styles de supervision sont nuisibles dans la réduction des agressions au travail. La recension de la littérature a notamment associé un faible soutien de la part des supérieurs (O'Leary-Kelly et al., 1996; Zapf et al., 1996), de même qu’un climat de communication faible, soit une pauvre circulation de l’information, un faible retour sur les tâches, un manque de conversations mutuelles sur les tâches et les buts, une faible possibilité d’influence et une manière autoritaire de considérer les différentes opinions, à un niveau plus élevé d’agressions au sein des entreprises (Notelaers, De Witte, & Einarsen, 2010; Vartia, 1996).

Les prochaines sous-sections recensent trois principaux styles de supervision associés aux agressions au travail, soit des types de supervision autoritaires, laxistes et abusifs.