• Aucun résultat trouvé

3.9-Les composantes de la fragilisation de l’identité professionnelle des métiers spécialisés

2- Application de la perception de menaces dans les métiers spécialisés

L’identité sociale dans le contexte des travailleurs des métiers spécialisés renvoie à une identité collective associée à la profession des métiers, soit l’identité professionnelle. Les agressions fondées sur le sexe et sur le genre découlent d’une stratégie défensive en regard de l’appartenance au groupe social associé au métier, soit une menace à l’identité professionnelle relativement à la perception de la place des femmes ou des féminités dans les emplois non traditionnels (O'Leary-Kelly et al., 2000). Il s’agit d’une peur symbolique en regard de l’identité des travailleurs de perdre leur masculinité et/ou une peur réaliste associée à une réduction de leur pouvoir de négociation, de leurs acquis ou d’une perte de leur emploi (Stephan & Renfro, 2002). Autrement dit, les réponses agressives des travailleurs sont utilisées comme stratégies de défense, individuelles et surtout collectives, contre la peur face à une perception de menaces pour leur bien-être, leurs avantages professionnels ou en regard de leurs valeurs et de leur identité. À cet effet, ces stratégies identitaires défensives se dénotent dans l’affirmation ou la défense de l’appartenance sociale, surtout professionnelle (Grenier-Pezé, 2000).

Plus particulièrement, les agressions surviennent lorsque les stratégies de défense, notamment le pouvoir et le contrôle des hommes sur les femmes, la restriction des émotions, ainsi que l’homophobie et l’hétérosexisme, ne permettent plus de résoudre les conflits sur le genre et les émotions négatives relatives à la peur de perdre leur masculinité (Harway & O'Neil, 1999; O'Neil & Harway, 1999a).

172 Ainsi, une menace à l’identité professionnelle est fortement associée à un niveau plus élevé d’agressions fondées sur le sexe et sur le genre au travail selon la stratégie identitaire utilisée des travailleurs, soit les réponses agressives, dans l’optique de préserver une identité positive de leur profession. L’intention des travailleurs de métiers est de préserver une image positive d’eux- mêmes au travail par leur profession. Les réponses agressives se justifient par un objectif de rétablir l’identité sociale menacée ou de restaurer la justice à la suite d'un dommage, relatif à une menace de déqualification ou d’une baisse de statut (Schlenker, 1980, 1985; Schlenker & Leary, 1982). L’identité de métiers du modèle de la stratégie identitaire fusionnelle, dans son identité de blocage à l’intérieur des organisations, est d’autant plus fragilisée et menacée. Conséquemment, les travailleurs des métiers, par peur de perdre leurs acquis et par les effets négatifs que procure le changement lors de l’arrivée des femmes ou des travailleurs au genre féminin, vont davantage adopter des réponses agressives. L’arrivée des femmes est un changement majeur dans la vie et les habitudes des travailleurs des métiers spécialisés.

Les agressions fondées sur le sexe et sur le genre sont une stratégie défensive ou affirmative identitaire selon l’appartenance au groupe professionnel des métiers. En plus d’une menace réaliste relative à une diminution du mieux-être des travailleurs ou de la sécurité d’emploi par une perte de leurs acquis, il s’agit davantage d’une menace symbolique associée aux changements dans les valeurs ou dans l’identité des travailleurs (Stephan & Renfro, 2002), soit la perception de la place des femmes et des féminités dans les métiers non traditionnels. Cette seconde menace identitaire constitue une peur de perdre la masculinité du métier (O'Leary- Kelly et al., 2000) et est relative aux changements dans les habitudes des travailleurs des métiers. De ce fait, les agressions sont utilisées comme stratégies de défense, surtout collectives, et s’expliquent dans une optique de rétablir une identité sociale menacée ou bien de restaurer une justice à la suite d'un dommage, soit une déqualification ou une baisse de statut (Schlenker, 1980, 1985; Schlenker & Leary, 1982), surtout à l’appartenance sociale professionnelle (Grenier- Pezé, 2000).

173 3- Le rôle de la perception de menaces dans la fragilisation de l’identité de métiers

Subséquent aux théories explicatives et à l’application de la perception de menaces dans les métiers spécialisés, il peut être suggéré que cette perception de menaces à l’identité agit comme effet de fragilisation sur l’identité professionnelle. Cette fragilisation prédispose alors à des réponses agressives.

Le rôle de la perception de menaces associée à la profession s’avère être un élément fort contributif des agressions dans l’ensemble des dimensions de l’identité professionnelle. Les théories relatives aux agressions interpersonnelles et à l’identité sociale prédisent une relation directe entre la perception de menaces et les agressions fondées sur le sexe et sur le genre. La première théorie sur l’intention des agresseurs (Anderson & Bushman, 2002; Tedeschi & Felson, 1994) complète la seconde théorie de l’identité sociale (Tajfel, 1981), notamment par l’adoption de stratégies identitaires des travailleurs dans l’optique d’acquérir ou de maintenir une image sociale positive (Bandura et al., 1975; O'Leary-Kelly et al., 2000). Le maintien d’une image sociale positive s’établit, plus particulièrement, au travail selon l’estime collective du groupe professionnel (Dutton et al., 2010; Turner, 1982) et se base sur des comparaisons positives avec les autres groupes. Chez les travailleurs de métiers, l’identité sociale se rattache à la profession, soit l’identité professionnelle de métiers.

En réponse à une identité menacée, des études ont soutenu une association entre la perception de menaces et les comportements déviants au travail (Aquino & Douglas, 2003; O'Leary-Kelly et al., 2000). Plus précisément, les hommes adoptent des réponses agressives envers les femmes dans les carrières à prédominance masculine (Berdahl, 2007; Maass et al., 2003), surtout envers celles qui s’opposent à la masculinité des travailleurs en raison de leur plus grande menace (Backhouse & Cohen, 1981). De là l’importance de la théorie de la menace intégrée des préjugés (Stephan & Renfro, 2002) pour expliquer les réponses agressives, spécifiquement fondées sur le sexe et sur le genre envers les travailleurs aux traits féminins ou envers les travailleurs qui s’opposent aux masculinités, et l’intention des travailleurs de métiers de préserver une bonne image de leur profession.

Somme toute, la perception de menaces à l’identité est fortement associée à toutes les autres composantes de l’identité professionnelle. Notamment, la perception de menaces

174 symboliques s’amplifie au sein des cultures collectivistes (Triandis, 1995) et les individus les plus identifiés à leur groupe percevront davantage une menace (Branscombe et al., 1999; Ellemers et al., 2002). De même, l’exclusion et le clivage sont spécialement présents dans les groupes professionnels caractérisés par une forte estime collective afin de préserver cette estime élevée (Branscombe & Wann, 1992; Crocker & Luhtanen, 1990). Enfin, les travailleurs les plus identifiés au genre masculin se sentiraient davantage menacés à la suite d’une évaluation suggérant leur moindre adhésion aux masculinités (Schmitt & Branscombe, 2001). Ainsi, cette perception de menaces, surtout symboliques, explique les agressions dans les métiers genrés masculins envers tous les travailleurs et travailleuses aux traits plus féminins afin d’être en adéquation avec les attentes fondées sur le genre de leur métier (Schmitt & Branscombe, 2001). Ces associations théoriques permettent de suggérer l’effet de fragilisation de l’identité professionnelle par une perception de menaces, prédisposant à des réponses agressives.

b) Justice interactionnelle

En complémentarité d’une perception de menaces, il est important de s’intéresser aux traitements justes et équitables des personnes en autorité, soit à la justice interactionnelle (Bies & Moag, 1986) comme une seconde dimension de la fragilisation de l’identité professionnelle.

1- Le rôle de la justice interactionnelle dans la fragilisation de l’identité de métiers