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une lecture superficielle de l'article 10 du Code Civil pourrait laisser croire au profane que le droit français reconnaît une obligation de révélation [similaire au

Discovery], mais le second alinéa atteste le contraire: […] celui qui méconnaît

l'obligation imposée ne sera contraint d'y satisfaire que lorsqu'il aura été légalement

requis, condition impossible lorsqu'il s'agit de la rétention d'un document dont

l'existence est ignorée de tous »

507

.

506

L. NADAUD-CASTANIÉ, Le droit de la preuve devant le juge civil et l'attractivité économique du droit français (France, Angleterre et Pays de Galles, Etats-Unis), Bureau du droit comparé, Ministère de la Justice, France, 19 octobre 2005.

507 J. A. JOLOWICZ, «La production forcée des pièces en droit français et anglais», in Nouveaux juges,

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La réflexion sur les sanctions du discovery permet de battre en brèche la légende selon laquelle le discovery permettrait de vaincre la dissimulation d'une pièce dont le plaideur ignore l'existence. Il convient de montrer l’équivalence du discovery et des mesures de divulgation par catégorie (1°) et l’absence de sanction directe de la dissimulation (2°).

1°) Équivalence de la divulgation catégorielle

210. Il convient d'observer en premier lieu que dans l'hypothèse où une partie n'exécute pas

correctement l'obligation spontanée de divulgation de tous les documents pertinents (standard disclosure), il n'y aura pas d'autre alternative pour son adversaire que de demander une mesure de divulgation spécifique (specific disclosure) par catégorie de documents.

D'une part, la partie contre laquelle a été ordonnée la divulgation peut refuser l'inspection d'une catégorie de documents si celle-ci est disproportionnée au regard du litige508. La

disproportion doit s'apprécier au regard de la capacité de la partie requise à continuer – financièrement - l'instance s'il était fait droit à la requête509. En cas de refus, il revient à

l'adversaire de contester l'exception de disproportion en demandant une mesure de specific disclosure à l'égard de la catégorie visée, dont le juge appréciera le bien-fondé510.

D'autre part, la partie soumise à divulgation peut indiquer dans sa déclaration de divulgation qu'elle n'a pas procédé à des recherches sur certaines catégories de documents - qu'elle précise – au motif que la recherche était déraisonnable, au regard de son coût, de sa complexité ou de sa signification pour le litige511 selon un classique bilan coût/avantage.

L'obligation de discovery se résout en dernière analyse par une ordonnance de production forcée par catégorie. Les documents qui entrent dans le champ du disclosure sont identifiés objectivement et a priori comme étant l'ensemble des documents pertinents pour la solution du litige, qu'ils viennent au soutien de la partie qui les divulgue, ou de son adversaire. Mais à

508

CPR Part 31. Art. 31.3: "Where a party considers that it would be disproportionate to the issues in the case to permit inspection of documents within a category or class of document disclosed under rule 31.6(b) [adversely affect his own case] (a) he is not required to permit inspection of documents within that category or class". 509 H. WOOLF, Access to justice, Final Report to the Lord Chancellor on the civil justice system in England and Wales, Ministry of Justice, United-Kingdom Government, 1996. "the court would have to be satisfied not only that it was necessary to do justice but that the cost of such disclosure would not be disproportionate to the benefit and that a party's ability to continue the litigation would not be impaired by an order for specific disclosure against him". Chapter 12: Practice and Procedure. § 40.

510

CPR Part 31. Art. 31.12: "An order for specific disclosure is an order that a party must do one or more of the following things (a) disclose documents or classes of documents specified in the order"

511 CPR Part 31. Art. 31.7: "Where a party has not searched for a category or class of document on the grounds that to do so would be unreasonable, he must state this in his disclosure statement and identify the category or class of document".

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défaut d'exécution spontanée, la procédure de disclosure débouche sur une requête en divulgation de catégories de documents.

En apparence différentes dans leur philosophie, dicovery et divulgation catégorielle se rejoignent en pratique. L'obligation de discovery s'exécute matériellement, lorsque l'adversaire résiste à la divulgation spontanée, comme une obligation de divulgation par catégorie. La frontière entre divulgation par catégorie et discovery est finalement bien mince, car le problème réside moins dans la définition de l'étendue de l'obligation de divulgation que dans le contrôle et la sanction de la dissimulation. Il ne s'agit pas tant d'un problème d'asymétrie d'information que d'un problème de dissimulation frauduleuse.

2°) Sanction indirecte de la dissimulation

211. La sanction est toujours indirecte. Il est important de comprendre que les procédures de

discovery et de disclosure n'offrent pas un pouvoir de perquisition à la partie adverse car l'obligation de divulgation ne fait jamais l'objet d'une exécution forcée en nature. Rolf Stürner expose en ce sens que:

« les sanctions du défaut de production sont: l'irrecevabilité d'un élément de preuve,

des inférences défavorables, des sanctions pécuniaires et même l'emprisonnement […]

la sanction directe du défaut de production est compliquée et chronophage. Ce n'est

pas l'objectif principal de la procédure civile que d'établir la vérité; il est suffisant

que la partie non-coopérative perde le procès. Normalement, la menace d'inférences

négatives est une puissante motivation à la divulgation »

512

.

La sanction du discovery ne fait que souligner la différence ontologique entre pouvoirs inquisitoriaux de la procédure pénale et logique accusatoire du procès civil. Le discovery n'offre pas un droit de perquisition. Les deux sanctions principales, à l'image de ce qui se pratique en droit français sont l'amende et la perte du procès513. L'opposition entre production forcée par

512 R. STÜRNER, «Duties of disclosure and burden of proof in the private enforcement of european competition law», in Private enforcement of EC competition law , sous la dir. de J. BASEDOW, Kluwer law international, 2007, p. 163 (voir p. 176). "sanctions for non-production may be : dismissing claims or defenses, drawing adverse inferences, pecuniary sanctions […] or even imprisonment. Whereas anglo-american civil procedure provides for all these sanctions against parties and for direct compulsion against third parties, it is the continental tradition or practice, only to impose direct sanctions on third parties and to sanction a party's refusal to produce documents through drawing negative inferences. Direct enforcement of production is complicated and time consuming. It is not the main purpose of civil procedure to establish the truth; it suffice if the non-cooperative party loses the dispute. Normally the threat of negative inferences is a strong motivation for disclosure. As a consequence there may be no need for a common european rule on sanction against parties".

513 N. ANDREWS, The modern civil process: judicial and alternative forms of dispute resolution in England, Mohr Siebeck, 2008, p. 111. "a person will be in contempt of court if he presents a deliberately false statement

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catégorie et obligation de divulgation est moins fondamentale qu'il n'y paraît dans la mesure où l'efficacité dans la recherche des preuves dépend moins de l'objet de l'obligation que de la sanction de son inexécution.

212. Technique de la présomption défavorable. La sanction la plus originale, spécifique

au caractère judiciaire de l'obligation de divulgation réside dans la technique de la présomption défavorable. La partie requise risque la perte du procès si son adversaire parvient à convaincre le juge qu'il a mal exécuté son obligation de divulgation. L'affaire Berkey contre Kodak514

pourrait illustrer les risques encourus aux Etats-Unis. Dans cette affaire, un fabricant d'appareils photographiques agissait en abus de position dominante contre le fabricant de pellicule Kodak. Lors du contre-interrogatoire de l'expert économique de Kodak, il s'est avéré qu'une partie de son rapport avait été dissimulée. L'avocat de Kodak a découvert après enquête que l'un de ses collaborateurs avait caché lesdits documents dans son placard. Il a immédiatement fourni les documents manquants au tribunal qui n'a pas adopté de sanction spécifique de ce chef. Le jury a été toutefois très impressionné par la mauvaise foi de Kodak et a alloué au demandeur des dommages et intérêts très lourds de $37 millions avant triplement. Il faut donc se garder d'une image par trop idyllique et naïve, comme le montre l'étude de la pratique du discovery. Lorsqu'un document soumis au discovery est accablant et entraînerait certainement la perte du procès, la menace de l'inférence négative n'est pas vraiment dissuasive. Le discovery ne fait pas disparaître la dissimulation du pièces.

213. Destruction des preuves. Aux Etats-Unis, le phénomène de la destruction des

preuves afin d'échapper au discovery a été popularisé par le film The Firm de Sidney Pollack tiré du roman à succès de John Grisham. En droit américain, la dissimulation de preuves dans le cadre d'une mesure de discovery est qualifiée d'acte de spoliation.

L'hypothèse de l'inexécution du discovery est régie par la Rule 37 FRCP qui prévoit des sanctions en cas de défaut d'exécution ou de coopération. La loi assimile une divulgation « incomplète ou évasive » à un défaut d'exécution515. Les sanctions sont établies par Rule 37(b)(2)

mais spécifiquement lorsque la destruction intervient en violation d'une ordonnance de la contained in a […] disclosure declaration […] The court can also draw adverse inferences against a party who failed to comply with the disclosure rules".

514 United States. District Court. S.D New-York. 16 june 1978. Berkey Photo v. Eastman Kodak Company. 457 F.Supp. 404; United States. Court of Appeals (2nd Circuit). 25 June 1979. Berkey Photo v. Eastman Kodak Company. 603 F.2d 263.

515 Federal Rules of Civil Procedure. Rule 37 - Failure to Make Disclosures or to Cooperate in Discovery: 37(a)(4): "an evasive or incomplete disclosure, answer, or response must be treated as a failure to disclose, answer, or respond".

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Cour. Le juge peut considérer le fait litigieux établi, ou juger par défaut, surseoir à statuer jusqu'à exécution, ou relever l'outrage à la Cour (contempt). Dans les hypothèses étrangères au cas visé par Rule 37(b)(2), la sanction dérive des pouvoirs inhérents du juge (inherent power). La sanction de la destruction des preuves vise trois objectifs: le rétablissement de la vérité judiciaire, la compensation de la partie victime, la punition du spoliateur. Une amende peut être prononcée non seulement contre la partie, mais encore contre son conseil516.

Dale OESTERLE – professeur à la Cornell University – dénonce le fait que:

« des entreprises détruisent des documents de manière routinière en vue d'empêcher

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