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immédiatement considéré que sa formulation « trop facile à contourner […] encouragerait positivement les parties à fermer les yeux sur certains documents qu

nuiraient à leur cas ou à tout le moins, encouragerait une approche bâclée des

recherches »

523

.

215. Ainsi dans l'affaire DIGICEL, Justice Charles DECLAN MORGAN insistait sur le fait que « la règle [de la recherche raisonnable] n'exige pas de retourner tous les cailloux. Cela peut signifier que même un pistolet fumant ne sera pas découvert. Cette attitude est justifiée par des considérations de proportionnalité »524. La tactique inverse consiste à noyer une pièce embarrassante dans une masse

de documents inutiles. Comme le faisait remarquer subtilement Lord Justice Robin JACOB: « où donc un homme rusé cache-t-il une feuille? Probablement dans un tas de feuille »525. Une tactique usuelle

pour déjouer une mesure de discovery consiste à noyer l'adversaire sous une avalanche de documents inutiles.

523 H. WOOLF, Access to justice, Final Report to the Lord Chancellor on the civil justice system in England and Wales, Ministry of Justice, United-Kingdom Government, 1996. Chapter 12. Practice and Procedure. § 42-43. "Initial disclosure should apply only to relevant documents of which a party is aware at the time when the obligation to disclose arises. I recognise that this is the most difficult aspect of my proposals in practice. The test of awareness is particularly problematic where the disclosing party is not an individual; in a company, firm or other organisation, it is likely that a number of people will have known about relevant documents. My proposal here is that there should be an obligation for the organisation to nominate a supervising officer whose task would be to identify individuals within the organisation who were likely to recollect relevant documents […] This would assist the other party to make an appropriate application for specific discovery if he thought that inquiries should reasonably have been made of some additional person or department in the organisation […] I received a number of responses to my original proposals. I can summarise these by saying that, while they all endorsed what I was trying to achieve in principle, all found objections to my proposals in practice. Among the arguments, it was suggested that my formulation would be easy to evade; that it would positively encourage parties to turn a blind eye to documents which might damage their case or at least would encourage a slapdash approach to disclosure; and that the line drawn by the test of awareness is artificial and unsatisfactory, depending as it does on the chance recollections of available individuals".

524

United-Kingdom. High Court (Chancery Div.). Digicel (St Lucia) Ltd v Cable & Wireless plc [2008] EWHC 2522 (Ch). Morgan J. §46. "in litigation it may only take one revealing statement in a document, perhaps in an e- mail, to show clearly what people really thought or what people really were intending to achieve, a matter that might not have been revealed in tens of thousands of other documents in the trial bundles. As against that, it must be remembered that what is generally required by an order for standard disclosure is a “reasonable search” for relevant documents. Thus, the rules do not require that no stone should be left unturned. This may mean that a relevant document, even “a smoking gun” is not found. This attitude is justified by considerations of proportionality".

525

United-Kingdom. Court of Appeal. Nichia Corporation v Argos Ltd [2007] EWCA Civ 741. Dissenting Opinion. Jacob LJ. §46. "What is now required is that, following only “a reasonable search” (CPR 31.7(1)), the disclosing party should, before making disclosure, consider each document to see whether it adversely affects his own or another party’s case or supports another party’s case. It is wrong just to disclose a mass of background documents which do not really take the case one way or another. And there is a real vice in doing so: it compels the mass reading by the lawyers on the other side, and is followed usually by the importation of the documents into the whole case thereafter – hence trial bundles most of which are never looked at. Now it might be suggested that it is cheaper to make this sort of mass disclosure than to consider the documents with some care to decide whether they should be disclosed. And at that stage it might be cheaper – just run it all through the photocopier or CD maker- especially since doing so is an allowable cost. But that is not the point. For it is the downstream costs caused by overdisclosure which so often are so substantial and so pointless. It can even be said, in cases of massive overdisclosure, that there is a real risk that the really important documents will get overlooked – where does a wise man hide a leaf? (presumably in a pile of leaves)".

155

II- DISCOVERY À LA FRANÇAISE

216. La proposition de divulgation catégorielle de la Commission et d'une partie de la

doctrine526 repose sur une vision largement mythique du discovery, comme si elle mettait fin

magiquement au phénomène de dissimulation des preuves. En réalité, la dissimulation est un mal sans solution dans le cadre civil, dans le cadre du droit civil ou dans le cadre de la Common Law, qui ne peut être vaincu que par la perquisition.

217. Comme l'observe Jean-Louis LESQUINS, « il faut pallier résolument l'absence de moyens inquisitoriaux en exploitant toutes les possibilités [du] Code »527. De ce point de vue, le droit français

offre une efficacité probatoire équivalent à la procédure de discovery, en permettant de contraindre un adversaire à révéler tous documents utiles, sous la menace de la perte du procès, par la combinaison des mesures d'instruction in futurum (A), du régime de l'expertise (B) et l'aménagement du secret des affaires (C).

A- Mesures d'instruction in futurum

218. Soraya AMRANI-MEKKI préconise une « utilisation souple de l'article 145 » permettant l'obtention des preuves sans « immixtion dans les affaires du débiteur »528. Il est de jurisprudence

constante

« qu’il résulte de la combinaison des articles 10 du code civil, 11 et 145 du code de

procédure civile qu’il peut être ordonné à des tiers, sur requête ou en référé, de

produire tous documents qu’ils détiennent, s’il existe un motif légitime de conserver

ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution

d’un litige et si aucun empêchement légitime ne s’oppose à cette production par le tiers

détenteur »

529

.

526 A. SANCHEZ GRAELLS, «Discovery, Confidentiality and Disclosure of Evidence Under the Private Enforcement of EU Antitrust Rules», in Conference of the European Association of Law and Economics, September 2006 - Madrid (Spain) - Instituto de Empresa, en ligne : <www.ssrn.com>. «introducing discovery devices in Member States' civil procedure regulations can become an important mechanism to effectively help claimants to bring evidence […] which today cannot be obtained (or only with great difficulties) […] there is an objective (economic) justification for the introduction of such dicovery rules […] discovery may be efficient as long as it reduces legal costs for both parties by avoiding trials through previous settlement».

527 J.-L. LESQUINS, «L'établissement des pratiques anticoncurrentielles lors du procès civil», Les Petites

Affiches, n°14 20 janvier 2005, p. 17.

528

S. AMRANI-MEKKI, «Action de groupe et procédure civile», Revue Lamy Droit Civil, n°32 novembre 2006, 63.

529 Civ. 2ème 26 mai 2011. Sté SOVAL c. Sté Marcadet. N°: 10-20048. Déjà en ce sens: Cass. Civ. 1ère 31 mai 1988. Aroche c. CPAM du Var. N°: 86-11596. Arrêts de principe: Cass. Ch. Mixte 7 mai 1982 (3 arrêts). Fransucre et Cofradec c. Phydor: D. 1982. 541; Gaz. Pal. 1982. 2. 571; RTD civ. 1982. 786.

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Patrick de FONTBRESSIN et Gérard ROUSSEAU considèrent que l'article 145 se transforme en une « mesure d'investigation générale comparable à la procédure de discovery »530. Pour l'avocat

Christophe AYELA, les mesures d'instruction in futurum constituent une sorte de « discovery à la française »531. De même pour les avocats Nicolas C

ONTIS et Domitille BRÉVOT, « les dispositions de l'article 145 du CPC sont une forme de discovery à la française […] imposant aux parties de communiquer et de révéler l'ensemble des pièces en leur possession »532.

B- Rôle probatoire de l'expertise

219. Définitions. La fonction probatoire de l'expertise judiciaire s'infère des dispositions du

Code. Aux termes de la définition générale des mesures d'instructions confiées à un technicien fournie par l'article 232, l'expertise judiciaire vise à « éclairer » le juge « sur une question de fait »533.

L'expertise judiciaire de l'article 232 CPC fait partie de la catégorie générale des mesures d'instruction de l'article 143 CPC, à côté de l'enquête et des vérifications personnelles du juge. En tant que mesure d'instruction elle tend à « l'établissement des faits dont dépend la solution du litige »534. Sa particularité est d'être confiée à un tiers disposant d'aptitudes techniques et de

compétences spécifiques. L'expertise judiciaire constitue la mesure d'instruction confiée à un technicien la plus complexe535, en ce qu'elle ne se borne pas à un constat (article 249), ou une

consultation sur une question purement technique (article 256). L'expertise présente un caractère subsidiaire dès lors qu'elle ne doit être « ordonnée que dans le cas où des constatations ou une consultation ne pourraient suffire à éclairer le juge » (article 263).

220. Mais en quoi consiste l'éclairage fourni par l'expert? Son rôle est ambigu, touchant à la

fois à l'établissement et à l'appréciation des faits. L'expertise joue un rôle auxiliaire pour

530

P. DE FONTBRESSIN et G. ROUSSEAU, L'expert et l'expertise judiciaire en France, 2 éd., Bruylant, 2008, p. 205.

531 C. AYELA, «Trois questions à Christophe Ayela sur le traitement pénal des affaires économiques et financières», Revue Lamy Droit des Affaires, Avril 2011, n° 59, RLDA 3403, p. 59. «La discovery [qui] implique la recherche active de preuves, s’oppose par nature au système français privilégiant une communication spontanée. Or, on constate que le système de discovery existe en France […] cette information est accessible sur un plan civil. En effet, l’article 145 du Code de procédure civile permet de solliciter des mesures d’instruction, que l’on obtient beaucoup plus difficilement parfois au pénal».

532 N. CONTIS et D. BRÉVOT, «Le procès civil et les mesures avant dire droit.», Semaine Juridique (éd. G), 8 novembre 2010, n° 45, 1132.

533 Code de Procédure Civile. Art. 232: «le juge peut commettre toute personne de son choix pour l'éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d'un technicien».

534 L'article 143 du Code de Procédure Civile dispose que «les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible».

535 En ce sens: M. REDON, «Mesures d'instructions confiées à un technicien», in Répertoire de Procédure

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l'appréciation de faits établis, faute pour le juge de disposer personnellement des connaissances nécessaires à l'interprétation de données techniques. L'expert est un technicien sur lequel va s'appuyer le juge afin d'obtenir une opinion objective dans un domaine de connaissance pour lequel il n'est pas formé536. Mais l'expertise vise en outre et souvent à l'établissement des faits

eux-mêmes. Comme l'écrit Tony MOUSSA, « l'issue du procès dépend de la preuve [et] dans l'administration de celle-ci, l'expertise occupe une place prépondérante »537. L'expertise est un mode de

preuve.

221. Obligation de communication des pièces. L'expertise permet au demandeur

d'obtenir la communication de pièces par son adversaire au titre de l'article 275 CPC. Michel REDON explique ainsi que:

« le plus souvent les dossiers des parties, même lorsque leur demande principale ou

unique ne porte que sur l'organisation d'une expertise, comme c'est le cas en

procédure de référé, peuvent ne contenir que peu de documents utiles au déroulement

de l'expertise ; ce n'est qu'en cours d'opérations que les pièces indispensables se

révéleront à l'expert, qui sera alors amené à les demander aux parties, voire à des

tiers »

538

.

La « révélation des pièces » pertinentes se fait dans les conditions de l'article 275 CPC. L'article 275 CPC dispose en effet que « les parties doivent remettre sans délai à l'expert tous les documents que celui-ci estime nécessaires à l'accomplissement de sa mission ». La sanction de l'obligation de communication des documents se trouve à l'alinéa second de l'article 275 CPC:

« En cas de carence des parties, l'expert en informe le juge qui peut ordonner la

production des documents, s'il y a lieu sous astreinte, ou bien, le cas échéant,

l'autoriser à passer outre ou à déposer son rapport en l'état ».

La production sous astreinte est ordonnée par le juge du contrôle de l'expertise selon le régime de droit commun de la production forcée de l'article 142 CPC. Comme l'indiquent DEBEAURAIN, FAU et PORTE :

536 G. BOURGEOIS, P. JULIEN et M. ZAVARO, La pratique de l'expertise judiciaire, Litec, 1999. «Très souvent à l'occasion d'un procès, les magistrats sont confrontés à des questions techniques auxquelles ils ne peuvent répondre d'eux-mêmes, faute d'avoir personnellement les connaissances nécessaires pour le faire […] leur mission est de dire le droit […] mais pour ce faire, ils doivent apprécier les faits […] C'est la raison pour laquelle depuis longtemps, les magistrats ont pris l'habitude de recourir en cas de besoin, aux lumières d'un homme de l'art ayant des compétences particulières en un domaine déterminé».

537 T. MOUSSA, «Avant-Propos», in Droit de l'expertise, sous la dir. de T. MOUSSA, Dalloz, 2008, p. VI. 538 M. REDON, «Mesures d'instructions confiées à un technicien», in Répertoire de Procédure Civile, Dalloz, mars 2011. N°423.

158

« l'expert commencera par inviter la partie intéressée à lui fournir les documents. En

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