• Aucun résultat trouvé

Détachement de l'autorité de chose jugée

cosmétiques de luxe, pour avoir participé à une entente sur les prix et enfreint à ce titre les dispositions de l’article L 420-1 du code de Commerce et l’article 81 du

Paragraphe 2 L'autorité sur les actions de su

B- Détachement de l'autorité de chose jugée

155. Il ne s'agit pas ici de montrer que l'autorité attachée aux décisions de l'Autorité de la

concurrence dériverait de sa nature juridictionnelle390. Plus radicalement, il convient de réfuter

le syllogisme en contestant ses prémisses. La contradiction théorique apparemment irréconciliable entre autorité de la chose jugée et nature non-juridictionnelle de l'Autorité de la concurrence peut être résolue plus simplement en montrant que la valeur probatoire est une question indépendante de la nature juridictionnelle de l'organe qui adopte la décision. Cette idée erronée n’a pris corps en jurisprudence et en doctrine qu’en raison de l’assimilation abusive entre autorité de chose jugée et autorité du criminel sur le civil. Les décisions des autorités de concurrence possèdent une autorité probatoire intrinsèque - indépendamment de la nature de l'organe – parce qu’il faudrait rattacher l’autorité positive de chose jugée (1°) à l'autorité du criminel sur le civil (2°).

1°) L'autorité de la chose jugée

156. Autorité négative et positive. L'autorité de la chose jugée est définie par l'article 1350

du Code Civil391 comme une « présomption légale ». Le Code de Procédure Civile en fait un

attribut permettant de distinguer entre jugements au fond et jugements avant dire droit392. En

procédure pénale, c'est une cause d'extinction de l'action publique393. L’autorité de la chose

jugée renvoie ainsi dans le vocabulaire juridique courant à deux mécanismes très différents: d'une part une fin de non-recevoir, et d'autre part un mécanisme de preuve. L'autorité de la chose jugée possède une double dimension: négative et procédurale en premier lieu, positive et

390 Encore que cette thèse soit soutenue par une partie de la doctrine. Marie-Anne F

RISON-ROCHE estime en ce sens que «au regard du droit européen, les autorités aimablement qualifiées par le Conseil d'administratives, sont en réalité juridictionnelles». V. M.-A. FRISON-ROCHE, «Vers le droit processuel économique», Justices, n°1 Janv./Juin 1995, p. 91. Cf. p.99. V. égal. N. DORANDEU, «La concurrence des procédures en droit de la concurrence», in Etudes sur le droit de la concurrence et quelques thèmes fondamentaux - Mélanges en

l'honneur de Yves Serra, Dalloz, 2006, p. 131. Cf. p. 135. Nicolas Dorandeu estime que le Conseil de la

Concurrence tend à devenir une «quasi-juridiction» sous l'influence des règles européennes du procès équitable. 391 Article 1350 C. Civ. : La présomption légale est celle qui est attachée par une loi spéciale à certains actes ou à certains faits ; tels sont : 1° Les actes que la loi déclare nuls, comme présumés faits en fraude de ses dispositions, d'après leur seule qualité ; 2° Les cas dans lesquels la loi déclare la propriété ou la libération résulter de certaines circonstances déterminées ; 3° L'autorité que la loi attribue à la chose jugée.

392 Jugements au fond. Article 480 CPC : « Le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche ». Et Jugements avant dire droit. Article 482 CPC : « Le jugement qui se borne, dans son dispositif, à ordonner une mesure d'instruction ou une mesure provisoire n'a pas, au principal, l'autorité de la chose jugée ».

393 Article 6 CPP : « L'action publique pour l'application de la peine s'éteint par la mort du prévenu, la prescription, l'amnistie, l'abrogation de la loi pénale et la chose jugée ».

109

probatoire en second lieu. Tous les auteurs opposent dimension « positive » et « négative » de l'autorité de la chose jugée394. Valticos formalise ainsi la distinction:

« En réalité le mode de fonctionnement de cette règle dépend de la conception qu'on se

fait de sa mission. Lui assigne-t-on la tâche d'éviter la répétition des procès? Il

n'aura lieu logiquement de la faire intervenir que d'une manière négative et

synthétique: exception ou fin de non-recevoir, la règle devra simplement consister à

faire repousser en bloc l'exercice d'une action qui aurait déjà été épuisée.

157. Ce rôle ne saurait suffire dès qu'on fonde l'autorité de la chose jugée sur le désir d'éviter

la contradiction entre les jugements. La contradiction peut très bien exister entre deux jugements qui, par ailleurs, ne font pas double emploi. Jouant désormais comme un moyen de preuve, l'autorité de la chose jugée consistera dans ce cas à imposer les constatations du premier jugement, même si le procès au cours duquel on la fait jouer, tout en ayant certains points communs avec le premier, n'en constitue pas la répétition. À ce titre, son rôle sera essentiellement analytique et positif, puisqu'elle permettra au demandeur d'invoquer telle ou telle constatation contenue dans un jugement précédent »395.

158. Autorité négative. La dimension négative de l'autorité de la chose jugée en tant que

fin de non-recevoir, interdit de soumettre à un tribunal, ce qui a déjà été jugé396. Comme

l'expliquent Jacques HÉRON et Thierry LE BARS, « l'autorité de la chose jugée est ce qui, en dehors des voies de recours prévues par la loi, interdit à un juge de revenir sur ce qui a été constaté dans une précédente décision de justice »397. Un jugement a dès son prononcé l'autorité de la chose jugée de sorte qu'une

nouvelle demande identique, fût-elle assortie de nouveaux éléments de preuve est irrecevable398.

L'autorité négative est la matérialisation contentieuse de la hiérarchie judiciaire. Une juridiction ne peut revenir sur ce qui a été décidée par une décision d'une autre juridiction de même degré, à moins qu'il ne s'agisse d'une juridiction supérieure saisie d'un recours légal par voie d'opposition, d'appel ou de pourvoi en cassation. L'autorité de chose jugée en tant que fin de

394 L. S. GUINCHARD, C. CHAINAIS et F. FERRAND, Procédure Civile. Droit interne et droit de l'Union

Européenne., 30 éd., Dalloz. Précis., 2010, p. 751, n°1092. ; J. HÉRON et T. LE BARS, Droit judiciaire privé,

4 éd., Montchrestien, 2010, p. 280 n°333.; T. LE BARS, «Autorité positive et autorité négative de la chose jugée», Procédures, étude n°12 2007. ; P. MAYER, «Réflexions sur l'autorité négative de la chose jugée», in

Mélanges J. Héron, LGDJ, 2009, p. 131.

395 N. VALTICOS, L'autorité de la chose jugée au criminel sur le civil, Sirey, 1953, p. 49 n°56. 396

Le droit romain connaissait une telle fin de non-recevoir sous la forme de l' exceptio rei judicatae qui est rapportée par le Digeste. Livre 44. Dig. 44.2. De exceptione rei iudicatae : "Singulis controversiis singulas actiones unumque iudicati finem sufficere".

397 J. HÉRON et T. LE BARS, Droit judiciaire privé, 4 éd., Montchrestien, 2010, p. 275 n°330. 398

110

non-recevoir limitée par l'identité de cause est qualifiée par la doctrine d'autorité négative et relative, puisqu'elle n'a d'effet qu'inter partes.

159. Autorité positive. Au contraire, l'autorité de chose jugée en tant que principe de non-

contradiction est baptisée autorité positive et absolue par ses effets erga omnes. La dimension positive, en tant que mécanisme de preuve, se rapporte à l'effet de la présomption légale de l'article 1350 Code Civil, selon l'adage res judicata pro veritate habetur. Dans son aspect positif, la présomption légale établit une présomption irréfragable qui dispense d'apporter la preuve du fait allégué et empêche la partie adverse d'apporter la preuve contraire. Il est admis que la règle res judicata vise à assurer la non-contradiction des jugements rendus par les juridictions de même degré.

160. La distinction semble claire. Pourtant dimension positive et négative de l'autorité de la

chose jugée sont peu à peu confondues. Originellement, la présomption de vérité n'est qu'une règle de non répétition des procès. Elle est limitée par la triple identité d'objet, de cause et de parties, et par son cantonnement au dispositif. Toutefois HÉBRAUD – et VALTICOS399 à sa suite – soulignent le lien logique entretenu par la règle de non-répétition des procès et la présomption légale. HÉBRAUD observait en ce sens que « l'épuisement du droit de discussion aboutit à faire considérer comme vrai le résultat auquel a conduit cette discussion »400. Un président de chambre de la

Cour de Cassation rappelle similairement que :

« la chose jugée revêt, dans une certaine limite, un caractère judiciairement

incontestable : si une demande identique à celle qui a abouti à une précédente

décision venait à être renouvelée, elle se heurterait à une fin de non-recevoir par l'effet

de la présomption légale de vérité qui lui est attachée »

401

.

Peu à peu la dimension probatoire prend le pas sur l'aspect purement procédural, en tant que fondement – fictionnel – de l'irrecevabilité. La règle était ainsi brouillée.

2°) L'autorité du criminel sur le civil

161. Arrêt QUERTIER. Comprise comme une règle générale de non-contradiction, la notion d'autorité de la chose jugée a été étendue pour articuler les conflits potentiels entre juridictions

399

N. VALTICOS, L'autorité de la chose jugée au criminel sur le civil, Sirey, 1953, p. 45 n°50. «de l'idée fondamentale de la non répétition du procès, on ait pu logiquement aboutir à celle de présomption ou de fiction de vérité, il n'y a là rien qui doive étonner».

400 P. HÉBRAUD, L'autorité de la chose jugée au criminel sur le civil, Toulouse : thèse, 1929. 401

111

pénales et civiles. L'autorité du criminel sur le civil est un principe prétorien, consacré par l'arrêt QUERTIER, aux termes duquel:

« Vu les articles 3 Code de l'Instruction Criminelle, 1350 et 1352 Code Civil.

Outline

Documents relatifs