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Attendu qu’en l'espèce, le comportement des sociétés GOOGLE aboutit à l'éviction de tout concurrent (exemple MAPORAMA) mais en outre s'inscrit à l'évidence

A- Entrée dans le réseau

121. Le droit de la concurrence intervient de manière instrumentale pour forcer la

conclusion du contrat ou la livraison de marchandises. La réparation n'est pas l'objectif principal des demandeurs. Ce qui est en jeu c'est l'avantage commercial concret de l'entrée dans le réseau. Ainsi le contentieux de l'agrément se résout usuellement par voie d'injonction lorsque le candidat parvient à établir le caractère discriminatoire du refus, mais rarement en dommages et intérêts. Le contentieux de l'agrément porté devant le judiciaire vient simplement dupliquer le contentieux de l'agrément porté devant l'autorité de concurrence. Ce phénomène se manifeste aussi bien dans le cas général des accords de distribution soumis au règlement d'exemption par catégorie concernant les ententes verticales, que dans le cas spécial de la distribution automobile.

122. Affaires Rolex. Le contrôle de l'application non-discriminatoire des conditions

objectives d'intégration d'un réseau de distribution sélective dans le contentieux de l'agrément a été marqué par l'affaire Rolex. La distribution des montres est assurée dans le cadre d’un réseau de distribution sélective. Rolex a fait l’objet de diverses procédures judiciaires à son encontre par des entreprises se heurtant à des refus de livraison de marchandises. À partir de 1988, les candidats au réseau Rolex ont intenté une première série d’actions devant le Tribunal de

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Commerce de Paris, sur le fondement de l’article 36 de l’Ordonnance du 1er décembre 1986.

Déboutés en première instance, ils ont finalement obtenu gain de cause devant la Cour d’Appel constatant une application discriminatoire du contrat-type de distribution sélective266,

notamment à l'égard de la condition tenant à l'existence d'un atelier de réparation et la présence d'un horloger qualifié. Le Conseil de la Concurrence a condamné Rolex en 1996 sur les mêmes motifs267.

Dans le sillage de Barichella et de la décision favorable de la Cour d'Appel, plusieurs affaires relatives à un refus d'approvisionnement ont par la suite été portées devant le Tribunal de Commerce de Paris, avec plus ou moins de fortune, notamment dans le secteur du luxe268. Les

juges consulaires ont fait droit à la demande de la société Casty Delphes269, qui comme

Barichella s'était engagée à embaucher un horloger qualifié, mais ont débouté la société Aldebert270 qui ne répondait pas aux critères objectifs imposés par le contrat de distribution

sélective271.

La société Barichella272 - qui avait été à l'origine du contentieux des années 90 et de la saisine

du Conseil de la Concurrence – est allée plus loin en introduisant une demande de réparation pour un montant de 1.829.388 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial subi pendant les années 1992 à 2004. Elle a toutefois été déboutée de sa demande de réparation. Le Tribunal a retenu que Barichella avait preuve d'une « mauvaise foi patente » en

266CA Paris (4B) 31 octobre 1991, Barichella c. Rolex. RG n° 89/19610 ; CA Paris (1A), 8 juillet 1991, Rolex c. SOFIDI. RG n° 91/9140. Numéro JurisData : 1991-025254. Contra. qui rejette l’appel mais en référé : CA Paris (14B), 10 janvier 1991, René Agnel Paris-Opéra 2 c. Rolex. RG n° 90/14062.

267 Conseil de la Concurrence. Décision n° 96-D-72 du 19 novembre 1996 relative aux pratiques constatées dans la distribution des montres Rolex.

268

Tribunal de Commerce de Paris (3ème ch.) 10 mai 2000, SA Chronopassion c. Société Patek Philippe. RG n° 98081208. «la commande instantanée d'une cinquantaine de montres, c'est-à-dire une quantité correspondant aux ventes annuelles de ses distributeurs, présentait un caractère anormal»; V. égal. Tribunal de Commerce de Paris (10ème ch.) 30 mars 2000, SARL Florescence c. SA Shiseido France. RG n° 98041710. Le tribunal rejette la demande de dommages-intérêts au motif que «chaque fabricant doit pouvoir rester maître de la détermination du nombre total de revendeurs […] en fonction des objectifs de son développement et dans l’intérêt de la clientèle […] en refusant d’accroître, en l’état, la densité de son réseau de distributeurs à BIARRITZ, SHISEIDO a fait une application objective de ses conditions contractuelles de distribution et n’a pas commis de faute».

269Tribunal de Commerce de Paris (2ème ch.), 25 septembre 2007, SARL Casty Delphes c. SAS Rolex France. RG n° 2006039461.

270Tribunal de Commerce de Paris (2ème ch.), 23 septembre 2009, SARL ALDEBERT c. SAS ROLEX France. RG n° 2007034907.

271

Tribunal de Commerce de Paris (2ème ch.), 23 septembre 2009, SARL ALDEBERT c. SAS ROLEX France. RG n° 2007034907.

272 TCP (11ème ch.) 13 juin 2005, SA Barichella c. SA Rolex France. RG n° 96086733. Fait suite à la décision du Conseil de la Concurrence n° 96-D-72 du 19 novembre 1996 relative aux pratiques constatées dans la distribution des montres Rolex.

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n'exécutant pas l'engagement d'embauche d'un horloger qualifié, condition objective du contrat de distribution sélective validée par la Cour d'Appel.

Le déplacement du contentieux vers la réparation reflète une tactique opportuniste. La demande indemnitaire n'apparaît que postérieurement à la condamnation par la Cour d'Appel et le Conseil de la Concurrence. Dans cette configuration, l'action en réparation se rapproche d'une hypothèse de suivi, quoique l'instance civile ait précédé et initié la condamnation administrative. Cette ultime escarmouche d'une guerre judiciaire se déroulant sur plus de vingt ans montre que l'indemnisation des pratiques anticoncurrentielles peine à aboutir malgré des décisions favorables d'injonction.

123. Affaire Garage Gremeau. Les litiges dans le secteur automobile offrent le meilleur

exemple de la prégnance des règlements d'exemption par catégorie. La société Garage Gremeau disposait de l'exclusivité Mercedes sur la zone de Dijon. Le contrat a été résilié dans le cadre de la réorganisation du réseau consécutive à l'adoption du nouveau règlement d'exemption par catégorie en matière de distribution automobile 1400/2002. Le fabricant a souhaité écarter son ancien distributeur et a refusé la demande d'agrément en invoquant la limite quantitative du nouveau système de distribution sélective mis en place.

La transition vers un système de distribution sélective quantitative a permis aux fabricants d'éliminer certains anciens concessionnaires exclusifs qui satisfaisaient – par définition - aux conditions d'agrément. En effet, Renaud BERTIN explique que « à chaque fois qu'un concessionnaire en place a voulu se maintenir au sein du réseau en déclarant sa candidature, son concédant a refusé d'emblée de l'examiner en lui objectant que le numerus clausus était atteint en raison de l'agrément donné antérieurement au nouveau pressenti, bien qu'à la date de ce refus d'agrément, ce dernier n'ait aucunement respecté les critères qualitatifs de sélection »273. L'adoption du règlement 1400/2002 en matière de distribution

automobile a supprimé de facto la distribution exclusive dans ce secteur274. Laurence I

DOT rapporte que l'adoption du règlement 1400/2002 qui mettait fin au cumul de la distribution sélective et exclusive a suscité un important contentieux, « les constructeurs profitant de la réforme pour écarter les membres peu efficaces et privilégier un modèle de distribution intégrée par voie de filiales »275.

273 R. BERTIN, «Distribution automobile certes, mais distribution sélective avant tout», Recueil Dalloz, 2005, p. 2226.

274

N. GIROUDET-DEMAY, «Les incidences du nouveau cadre d’exemption sur la distribution des véhicules automobiles», Revue Lamy de la Concurrence, janvier-mars 2011, n° 26, 1762, p. 107.

275 L. IDOT, «Prise de position de la Cour de justice des Communautés européennes sur les conséquences sur les contrats en cours de l'entrée en vigueur du nouveau règlement n° 1400/2002/CE relatif à la distribution automobile», Revue des Contrats, 1 avril 2007, n° 2, p. 325.

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C'est dans ce contexte que le concessionnaire malheureux a engagé une action tendant à obtenir une injonction ordonnant l'agrément et corrélativement réparation du refus d'agrément. Concernant le refus d'agrément, Garage Gremeau a obtenu devant le Tribunal de commerce de Dijon276 une injonction ordonnant l'agrément, qui a été confirmée en appel277 et

en cassation278. Malgré ces décisions favorables, l'action en réparation s'est enlisée. Le premier

jugement du Tribunal de Commerce, confirmé en appel279, a rejeté la demande de réparation.

L'arrêt confirmatif a été annulé au visa du règlement 1400/2002 au motif que la Cour d'Appel – qui constatait que Daimler Chrysler avait opposé à la SA Garage Gremeau que son numerus clausus était déjà atteint aurait dû examiner « même d’office, ces critères de sélection, leur objectivité, et les conditions de leur mise en œuvre »280.

L'affaire a été renvoyée devant la Cour d'Appel de Paris qui a sursis à statuer281 jusqu'à ce

qu'une décision définitive soit rendue sur la plainte avec constitution de partie civile visant la fabrication de faux documents, notamment des fausses factures, destinés à donner une apparence de régularité à la vente, par Garage Gremeau, en violation des dispositions du contrat de concession, de dix-huit véhicules neufs de marque Mercedes à des revendeurs étrangers au réseau de distribution exclusive. Il ne semble pas que l'action en indemnisation de Garage Gremeau ait abouti depuis cette dernière décision.

124. Affaire Auto 24. Le même schéma peut être observé dans le réseau Land Rover. La

société Auto24 - concessionnaire exclusif Land Rover à Périgueux de 1994 à 2004 – avait vu son contrat résilié dans le contexte de la réorganisation du réseau sous le régime de la distribution sélective suite à l'entrée en vigueur du règlement 1400/2002. Dans le prolongement de ce contrat de distribution exclusive, Auto24 a obtenu un contrat de réparateur agréé, lui donnant le droit de vendre des pièces de rechange et d'effectuer le service après-vente. Toutefois, la candidature de Auto24 pour l'agrément dans le réseau de distribution sélective a été refusée. Auto24 a alors saisi le Tribunal de Commerce de Versailles d'une demande de réparation. Les juges de Versailles ont fait droit à la demande en estimant que Land Rover avait fait une application discriminatoire des conditions d'entrée dans le réseau et condamné en conséquence la défenderesse à payer 100.000 euros à titre de dommages et intérêts

276 Tribunal de Commerce de Dijon, 25 septembre 2003, Garage Gremeau c. Daimler Chrysler. 277

Cour d’Appel Dijon, 29 janvier 2004, Daimler Chrysler c. Garage Gremeau. 278 Cass. Com. 7 mars 2006. Daimler Chrysler c. Garage Gremeau. N° 04-15300. 279 Cour d'Appel Dijon, 1er avril 2004, Garage Gremeau c. Daimler Chrysler. 280 Cass. Com. 28 juin 2005. Garage Gremeau c. Daimler Chrysler. N° 04-15.279. 281

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correspondant à la « perte d'un gain qu'elle aurait pu réaliser dans l'avenir si elle avait obtenu le contrat »282.

À la suite de la condamnation, Auto 24 a présenté une nouvelle candidature qui a été refusée en janvier 2006 au motif que le numerus clausus établit par Land Rover ne prévoyait pas de distributeur de véhicules neufs dans la ville de Périgueux. Parallèlement, en octobre 2006, un distributeur agréé - établi à Limoges – a ouvert un établissement secondaire en périphérie de Périgueux. Ces circonstances ont conduit Auto 24 à saisir le Tribunal de Commerce de Bordeaux d'une nouvelle demande de réparation du refus d'agrément dont elle a été déboutée283. Le jugement a été confirmé par la Cour d'Appel de Paris au motif que la

distribution sélective quantitative ne permet pas au fabricant de s'opposer à l'essaimage de ses distributeurs, et qu'en conséquence Land Rover n'avait commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité284.

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