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5.3 Phénomènes locaux, vue rapprochée

5.3.3 Structures fines et recompaction locale

Nous étudions maintenant le cas des structures fines obtenues pour des mobilisabilités intermédiaires pour lesquelles le milieu ne semble que partiellement mobilisé.

162 Chap 5. Injection d’air dans un milieu poreux réorganisable

(a) φ1=60% ∆P =60 mbar (b) φ1=60% ∆P =60 mbar

(c) φ1=60% ∆P =60 mbar (d) φ1=60% ∆P =60 mbar

Fig. 5.7 – Champs de déplacement extraits par le logiciel de corrélation d’images (CIV) entre les images (a) et (b) et entre les images (c) et (d). Norme des vecteurs déplacements multipliée par un facteur 3, origine conservée. Épaisseur de cellule b = 1.15 mm.

Les figures 5.8(a-d)4 représentent les champs typiques de déplacement observés pour

de telles structures. De manière analogue au cas précédent, les figures 5.8(a) et 5.8(b) sont des prises de vue à des instants rapprochés de même que les figures 5.8(c) et 5.8(d). Remarquons également qu’un facteur d’échelle est appliqué aux déplacements superposés à ces images.

Dans le cas présent, les doigts sont d’une largeur comparable à l’épaisseur de la cellule et le milieu granulaire est donc (en partie) mobilisé. Nous observons en effet des vecteurs déplacements non nuls alors que ce n’était pas le cas dans la situation compactée.

Nous remarquons cependant que ces déplacements non nuls sont seulement localisés à proximité de la pointe du doigt. Cette observation nous montre que la réorganisation est locale et nous l’interprétons donc comme une région de recompaction du milieu. Cette recompaction est provoqué par l’écoulement qui tend d’un coté à chasser les grains mais d’un autre n’est pas capable de suffisamment mobiliser le milieu pour bouger ensemble grains et fluide : il y a une résistance de la structure granulaire.

4Remarquons que l’exploitation des recompactions provoquées par les structures fines est plus aisée

dans la cellule épaisse. Les structures y sont en effet moins ramifiées. Des comportements analogues sont cependant également observables pour b = 1.15 mm.

5.3. Phénomènes locaux, vue rapprochée 163

(a) φ1=58% ∆P =30 mbar (b) φ1=58% ∆P =30 mbar

(c) φ1=57% ∆P =120 mbar (d) φ1=57% ∆P =120 mbar

Fig. 5.8 – Champs de déplacement extraits par le logiciel de corrélation d’images (CIV) entre les images (a) et (b) et entre les images (c) et (d). Norme des vecteurs déplacements multipliée par un facteur 4 (images a,b) ou 3 (images c,d), origine conservée. Épaisseur de cellule b = 2.30 mm.

Nous observons, sur les figures 5.8(a-d), que la recompaction est directionnelle : elle se fait sur le coté du doigt. Par ailleurs, comme pour la digitation, la recompaction n’est pas dans la direction imposée par le gradient de pression moyen : doigt et zone de recompaction présentent tous les deux un angle avec cette direction comme représenté sur la figure 5.9.

Partant de cette remarque, nous obtenons une explication possible des angles obser- vables macroscopiquement entre doigt d’air et direction "préférentielle" d’écoulement. Dans une structure faiblement mobilisable, l’air injecté, pour développer des structures larges doit mobiliser et recompacter une partie du milieu (puisqu’il ne peut pas le pousser entièrement). Ce phénomène aboutit à la création de zones à plus forte fraction de grains où le passage de l’air est beaucoup plus difficile. Ces zones sont donc développées sur le coté du doigt. Or nous avons deux "écoulements" qui s’opposent et seraient favorisés en se dirigeant chacun dans le sens du gradient de pression moyen. D’un coté, l’air injecté (et donc le motif de digitation) tend à pousser le milieu dans le sens du gradient de pression, cela correspondrait à l’écoulement moyen. Par ailleurs, au niveau de la zone de recompaction, il y a un écoulement de fluide pur à travers la matrice poreuse emportant

164 Chap 5. Injection d’air dans un milieu poreux réorganisable

Fig. 5.9 – Directions de propagation de la digitation, de la recompaction et direction imposée par le gradient de pression moyen. Image identique à la figure 5.8(a).

plus ou moins de grains et qui compacte le milieu. Cet écoulement aussi tend à s’aligner dans la direction du gradient de pression. Or comme nous l’avons vu, la zone de décom- paction se produit sinon orthogonalement au moins sur le coté du doigt. Le compromis entre ces deux écoulement est que direction de propagation du doigt et direction de pro- pagation de la recompaction forment tous deux un angle avec la direction du gradient de pression moyen (Fig. 5.9). Ce phénomène permet ainsi d’expliquer l’observation d’un angle macroscopique entre l’axe de la cellule de Hele-Shaw et la digitation, même si à ce stade de l’analyse aucun angle ne peut être prévu.

Intéressons nous maintenant à la taille de la zone de recompaction. Initialement, le milieu est décompacté : il passe d’une fraction de grains φ0 maximale à une fraction φ1

comme décrit par l’équation (5.1). La digitation va provoquer localement la recompaction du milieu, c’est à dire le passage local de la fraction φ1 à une fraction φ2 > φ1. Un ordre

de grandeur de cette recompaction peut être estimée simplement en considérant qu’elle se fait sur une longueur typique lr quasi-orthogonale au doigt de largeur w. De manière

analogue à (5.1), nous avons alors :

φ2 = φ1

lr+ w

lr

. (5.3)

Considérant la figure 5.8(a), nous avons : w ∼ 10 pixels et lr ∼ 200 pixels. Nous

en déduisons φ2− φ1 ∼ 0.047φ1. Par ailleurs, considérant la décompaction initiale de ce

milieu (L0 = 17 cm, δL = 5 mm, φ1 ∼ 58%), nous avons également : φ1 − φ0 = φ1δLL

0 ∼

0.029φ1. La recompaction est donc du même ordre de grandeur que la décompaction

initiale avec cependant φ2 & φ0.

Si nous nous intéressons à la figure 5.8(c), des mesures analogues nous donnent : φ2− φ1 ∼ 0.044φ1 et φ1− φ0 ∼ 0.058φ1. Notons que cette fois-ci :φ2 . φ0.

Nous retiendrons donc, que, pour ce type de digitation, la zone de recompaction se retrouve vraisemblablement à une fraction proche de la fraction maximale initiale : φ2 ∼ φ0. Notons que nos estimations de φ2 présentent un bruit important : mesure

approximative de la décompaction moyenne, impossibilité de mesurer la décompaction locale, mesure de déplacement effectuée au niveau des plaques.

La taille du doigt dépend donc, dans une hypothèse de recompaction locale, de la taille de la zone de recompaction. À fraction de grains donnée, nous en déduisons que

5.3. Phénomènes locaux, vue rapprochée 165

plus la zone de recompaction est importante, plus le doigt est large. Or si une pres- sion plus importante est appliquée, elle pourra mobiliser le milieu sur une plus grande échelle et produira donc des zones de recompaction et des structures vides de grains plus larges. C’est bien ce qui est observé expérimentalement entre les figures 5.4(a) et (b) (respectivement 5.4c et d ou 5.4e et f).

Notons que ce raisonnement est cependant limité au cas où la sollicitation du milieu granulaire n’est pas trop importante. Dans le cas contraire, un écoulement global de l’ensemble du milieu (fluide et grains) peut advenir.