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3.4 Motifs et stabilité

3.4.1 Motifs observés

Introduction

La chute de pression ∆P = Pi − Po entre l’entrée (inlet) et la sortie (outlet) étant

constante, la loi de Darcy implique une accélération du débit moyen et donc du doigt lorsque ce dernier avance dans la cellule. Nous ne nous trouvons donc pas rigoureuse- ment dans un régime stationnaire avec une largeur (et un motif) de doigt fixée. Le régime d’écoulement peut cependant être considéré comme quasi-stationnaire, ce qui est sup- posé dans la plupart des études sur l’instabilité de Saffman–Taylor [58, 70, 99]. Notons aussi que dans le cas de nos suspensions, la non-dépendance du profil d’écoulement dans l’épaisseur de la cellule par rapport à la vitesse et à la position du doigt dans la cellule permet d’écarter la possibilité d’un artefact dû à un régime transitoire trop important.

Remarquons qu’il est très difficile de travailler à vitesse imposée. Nous avons en ef- fet tenté d’utiliser plusieurs pousses-seringues dans le but de tirer, à vitesse constante,

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Fig. 3.21 – Fraction locale de grains φ en fonction de ˆz selon le modèle de Phillips et al. pour une fraction moyenne de grains φmoy = 20% (α = 9.8).

les suspensions de la cellule. Cependant nous observions systématiquement des oscil- lations dans le débit de suspensions. En effet, les pousses-seringues sont de très bons appareils pour délivrer (ou retirer) une quantité donnée de fluide ou assurer un débit temporel moyen constant mais de par leur fabrication ils génèrent des débits oscillants. Leur conception repose sur une vis sans fin sur laquelle est monté un bloc qui permet de pousser ou de tirer une seringue lorsque la vis tourne. Cependant la mécanique n’est jamais parfaite et il existe toujours une variation dans la force imposée sur la seringue lorsque la vis fait un tour ce qui entraîne une variation de débit. Dans les expériences que nous avons menées, cette variation pouvait atteindre 10%, ce qui ne convenait pas dès lors que l’on cherche à observer des déstabilisations.

Travailler à pression imposée était donc la seule possibilité. Elle présente cependant un grand avantage. Quand le doigt avance dans la cellule, il accélère et son profil va être modifié. C’est ainsi le cas de la largeur relative qui généralement diminue lorsque le doigt avance. Pour l’étude de la déstabilisation, cette accélération va être un outil très puissant car, sur une expérience donnée nous allons pouvoir localiser la transition d’un type de motif à un autre et déterminer ainsi beaucoup plus facilement des vitesses de transition.

Les différents profils de doigts

La figure 3.22 présente l’évolution typique des doigts observée pour des vitesses crois- santes. Cette évolution est relativement continue et le classement des motifs en est le reflet.

96 Chap 3. Digitation dans les suspensions granulaires

(a) Doigt stable,

vitesse U = 0.12 cm s−1

(b) Doigt stable,

vitesse U = 0.6 cm s−1

(c) Doigt faiblement instable, vitesse U = 2.2 cm s−1

(d) Doigt fortement instable, vitesse U = 4.0 cm s−1

(e) "Side Branching", vitesse U = 7.0 cm s−1

(f) "Tip-Splitting", vitesse U = 13 cm s−1

Fig. 3.22 – Évolution du profil du doigt en fonction de la vitesse pour une suspension d’huile SE KF-6011 et de billes de 80µm avec une fraction de grains φ = 10%, dans une géométrie de cellule W = 4 cm, b = 1.43 mm (images tirées de différentes expériences).

Aux faibles vitesses (Fig. 3.22a et 3.22b), le doigt est stable et son profil n’est pas perturbé.

Pour des vitesses plus importantes (Fig. 3.22c), les premières déstabilisations appa- raissent, généralement préférentiellement sur un des 2 cotés du doigt. Notons que nous observons que ces déstabilisations naissent près de la tête du doigt et sont ensuite ad- vectées sur le coté comme le présentent les figures 3.23(a) et 3.23(b) extraites de nos expériences. Plus la vitesse est grande, plus les déstabilisations observées deviennent importantes (Fig. 3.22d).

Lorsque le doigt est encore plus rapide, nous observons des motifs analogues à des "side branching" (Fig. 3.22e) ou des "tip-splitting" (Fig. 3.22f). Comme l’ont fait re-

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(a) Vue non déformée.

(b) Échelle selon la largeur élargie d’un facteur 2.

Fig. 3.23 – Exemple d’advection d’une perturbation de la tête vers le coté du doigt, profils successifs extraits à l’aide du traitement d’image (sous-partie 3.2.2) pour un doigt formé dans une suspension d’huile SE KF-6011 et de billes de 80µm avec une fraction de grains φ = 30%, dans une géométrie de cellule W = 4 cm, b = 1.43 mm (temps entre 2 profils : ∼ 0.96 s).

marquer Lajeunesse et al. [58], il n’existe pas à proprement parler de "side branching" dans l’instabilité de Saffman–Taylor. Il s’agit donc du même phénomène dans les deux cas, à savoir que le doigt se sépare (se "splitte") à proximité de sa tête pour donner naissance à deux sous-doigts dont un seul se développe par la suite. Nos observations nous conduisent tout de même à séparer 2 cas, selon que la séparation apparaît très près de la pointe du doigt, donnant lieu à la réelle propagation de 2 sous-doigts (Fig. 3.22f) ou plus éloignée ne laissant qu’une trace de sous-doigt (Fig. 3.22e).

Dans certaines expériences, nous avons également remarqué des doigts stables asy- métriques. Un exemple est représenté figure 3.24.

Ces doigts asymétriques sont caractérisés par un profil non symétrique par rapport à l’axe central de la cellule. Ils semblent principalement dus à un artefact de manipulation. En effet, ils n’apparaissent pas systématiquement (il n’existe pas de transition, comme pour les autres motifs) et semblent plutôt être la conséquence de déstabilisations mal résorbées. Ce type de doigt a ainsi été particulièrement observé à la suite de déstabili- sations initiales créées lorsque l’air pénètre dans la cellule de Hele-Shaw. Il peut s’agir typiquement de "tip-splitting" à très faibles vitesses ou de dissymétrie dans l’injection.

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Fig. 3.24 – Profil de doigt asymétrique observé pour une suspension d’huile SE KF-6011 et de billes de 80µm avec une fraction de grains φ = 40%, dans une géométrie de cellule W = 4 cm, b = 1.43 mm (vitesse U = 0.17 cm s−1, pour une expérience particulière).

Dans ces cas, le doigt se réadapte mal par la suite et ne revient pas rapidement au centre de la cellule.

Notons que les précautions expérimentales prises au fur et à mesure de la mise en place du protocole expérimental définitif nous conduisent à ne quasiment plus observer de tels doigts.