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1.3 Milieux poreux

1.3.5 Drainage, phénomènes de digitation

Nombres caractéristiques

Nous nous plaçons maintenant dans le cas où un fluide non-mouillant (le fluide 2) pousse un fluide mouillant (fluide 1) dans un réseau de capillaires et de pores.

Il y a principalement 3 forces en présence : les forces visqueuses dans le fluide poussé, les forces visqueuses dans le fluide injecté et les forces capillaires à l’interface entre les deux fluides.

Un régime de drainage peut ainsi se caractériser avec deux nombres adimensionnels. Le premier est le rapport des viscosités des deux fluides :

M = η2 η1

. (1.61)

Si M > 1 le fluide injecté est plus visqueux que le fluide déplacé. Si M < 1 c’est l’inverse. Dans ce dernier cas, nous nous trouvons ainsi dans les conditions de l’instabilité de Saffman–Taylor décrite dans la précédente partie. Étant dans le même type d’équations (champ de pression Laplacien), nous sentons dès lors que ce cas sera instable.

Le second nombre caractéristique est un nombre capillaire. Comme le représente la figure 1.19, le fluide injecté étant moins mouillant que le fluide poussé, il existe un saut de pression δp à l’interface. D’après la loi de Laplace, ce dernier s’écrit :

δp = p2− p1 =

2γ cos θ

r , (1.62)

où γ est la tension de surface, θ l’angle de contact et r le rayon du capillaire.

Cela permet donc de définir le nombre capillaire Ca comme le rapport entre les forces visqueuses et les forces capillaires pour le fluide injecté :

Ca = η2u

44 Chap 1. Généralités

Fig. 1.19 – Schéma d’un capillaire. Le fluide 2 injecté étant moins moins mouillant que le fluide 1 il y a un saut de pression à l’interface de telle sorte que p2 < p1.

où u est la vitesse moyenne de l’écoulement, i.e. le débit total divisé par la section de l’échantillon.

Notons que la définition (1.63) du nombre capillaire varie selon les études [36, 67, 71] mais que la signification de ce dernier reste la même. En effet, remarquons que le saut de pression δp implique que la pression dans le fluide 1 déplacé est inférieure à la pression dans le fluide 2 injecté. Pour que le fluide 2 puisse traverser un capillaire de rayon r, il est donc nécessaire que la pression dans ce fluide soit supérieure à δp (Eq. 1.62).

Fig. 1.20 – Schéma d’un pore envahi par le fluide 2 et de son réseau de capillaire. Pour des nombres capillaires faibles, le capillaire de plus grand diamètre (n°1) peut être favorisé puisque le saut de pression entre les deux fluides y est le plus faible.

Analysons le cas de la figure 1.20. Un raisonnement simple va nous montrer que le type d’écoulement peut dépendre fortement du nombre capillaire Ca. Un pore P est relié à d’autres pores par un ensemble de canaux de différents diamètres. Si la pression d’injection est très faible (i.e. Ca faible), le saut de pression capillaire va jouer un rôle important et les pores de plus grand diamètre (canal 1 sur la figure 1.20) seront favorisés même s’il ne sont pas dans le sens de l’écoulement. Si, au contraire, la pression d’injection est très importante (Ca élevé), le saut de pression entre différents capillaires ne jouera pas de rôle (puisque négligeable), le facteur important sera la viscosité. Or, la perte de charge totale est principalement liée au nombre de canaux traversés : le fluide injecté aura donc tendance à se diriger dans le sens de l’écoulement moyen (canal 2 sur la figure 1.20). Cette analyse simple couplée à l’instabilité de Saffman–Taylor lorsqu’un fluide peu visqueux pénètre un fluide plus visqueux (M < 1) permet d’expliquer les types de motifs d’injection observés.

1.3. Milieux poreux 45

Les différents types de régime

Expérimentalement et numériquement, 3 types de motifs sont observés [67] selon les fluides employés et les conditions d’injection :

– digitation visqueuse, – digitation capillaire, – déplacement stable.

Ces trois régimes correspondent à la prédominance d’une des trois forces citées pré- cédemment sur les autres.

Remarquons qu’en plus des nombres M et Ca mentionnés équations (1.61) et (1.63) nous pouvons rajouter le paramètre Ca/M = η1u

γ cos θ qui décrit l’importance des forces

visqueuses dans le fluide poussé par rapport aux forces capillaires.

(a) (b) (c)

Fig. 1.21 – Images typiques de digitation visqueuse obtenues : (a) expérimentalement dans un milieu poreux constitué d’un réseau de billes coincées entre 2 plaques de verre par Løvoll et al. [71], (b) expérimentalement dans des canaux tracés dans du verre par Ferer et al. [36], (c) numériquement dans un réseau de canaux de taille variable par Aker et al. [3]. Les flèches indiquent les zones d’injection.

Des motifs de digitation visqueuse sont représentés figure 1.21. La principale force est ici la viscosité du fluide poussé (M  1, Ca/M  1). Les sauts de pression capillaires sont négligeables. Les motifs observés sont des doigts ramifiés se propageant vers la sortie du réseau. Nous sommes typiquement dans le cas de l’instabilité de Saffman–Taylor. Il y a un écrantage des doigts en arrière par le doigt le plus avancé et il n’y a pas de boucle.

46 Chap 1. Généralités

(a) (b) (c)

Fig. 1.22 – Images typiques de digitation capillaire obtenues : (a) expérimentalement dans un milieu poreux constitué d’un réseau de billes coincées entre 2 plaques de verre par Løvoll et al. [71], (b) expérimentalement dans des canaux tracés dans du verre par Ferer et al. [36], (c) numériquement dans un réseau de canaux de taille variable par Aker et al. [3]. Les flèches indiquent les zones d’injection.

(a) (b)

Fig. 1.23 – Images typiques de déplacement stable obtenues : (a) expérimentalement dans des canaux tracés dans de la résine par Lenormand et al. [67], (b) numériquement dans un réseaux de canaux de taille variable par Aker et al. [3]. Les flèches indiquent les zones d’injection.

Des motifs de digitation capillaire sont représentés figure 1.22. La digitation capillaire est obtenue pour les faibles nombres capillaires, lorsque les forces visqueuses sont négli- geables dans les deux fluides et que la principale force est due à la capillarité (Ca  1 et Ca/M  1). Des doigts se répandent dans le réseau en occupant une surface plus im- portante que dans le cas de la digitation visqueuse. Les doigts peuvent aller dans toutes les directions, y compris vers l’arrière et peuvent également former des boucles.

Des motifs de déplacement stable sont représentés figure 1.23. La force principale est ici la viscosité du fluide injecté (M  1, Ca  1). Les sauts de pression capillaires sont négligeables. L’injection se fait sous la forme d’un front plan avec quelques irrégularités