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3.3 Écoulement et loi de Darcy

3.3.3 Modèle simple

Nous présentons, dans cette sous-partie, un modèle relativement simple qui permet de comprendre qualitativement comment un changement dans le profil d’écoulement peut être responsable d’une baisse de viscosité effective. L’ensemble des notations est résumé à la figure 3.14.

Nous supposons que, dû à la migration de particules, le profil de vitesse dans l’épais- seur de la cellule est modifié. Celui-ci ne suit plus une loi de Poiseuille (3.12) mais conserve une forme en loi de puissance :

vx(ˆz) = Vmax(1 − |ˆz|n) , avec z = 2z/b , n > 2 .ˆ (3.19)

En particulier la vitesse est uniquement orientée selon Ox et sa valeur ne dépend que de z. L’expression de vx faisant intervenir une valeur absolue, la suite des calculs est

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Fig. 3.14 – (à gauche) vue d’ensemble du système considéré. (à droite) coupe selon l’épaisseur de la cellule.

Nous considérons ensuite qu’il existe une viscosité locale η(z) liée à la fraction locale de grains φ(z) par un modèle de Krieger–Dougherty [56, 57] (Eq. 1.8) :

η(φ) = η0(1 − φ/φm) −p

, avec φm = 0.68 , p = 1.82 . (3.20)

Notons que même s’il ne reproduit pas correctement les observations expérimentales (voir Fig. 3.7), il s’agit d’un modèle qui est très simple et permet de rendre compte de la divergence de viscosité pour φ tendant vers φm.

L’équilibre des forces s’écrit :

− ∇P + d

dzσxz = 0 , (3.21) et l’équation constitutive est supposée être identique à celle des fluides Newtoniens :

σxz = η(φ) ˙γ = η(φ)

d

dzvx . (3.22) Nous allons maintenant suivre le raisonnement suivant pour trouver une relation entre viscosité rhéologique et viscosité effective :

– l’hypothèse du profil de vitesse nous permet d’avoir la vitesse moyenne et donc la viscosité effective,

– l’équilibre des forces et l’équation constitutive nous donnent le profil de viscosité, – le profil de viscosité permet d’obtenir le profil de fraction de grains par la loi de

Krieger–Dougherty et d’avoir le flux local de grains,

– en moyennant le flux de grains sur l’épaisseur, nous avons le flux total de grains, – par la conservation du flux de grains, nous avons la fraction moyenne de grain, – la fraction moyenne de grains permet d’avoir la mesure rhéologique de la viscosité

par la loi de Krieger–Dougherty.

À partir de deux équations (3.21) et (3.22) et du profil d’écoulement (3.19), nous pouvons en déduire la viscosité locale :

η(ˆz) = b

2(−∇P )

4Vmaxn

ˆ

z(2−n) , (3.23)

et la fraction de grains locale, à partir du modèle de Krieger :

φ(ˆz) = φm " 1 − 4η0Vmaxn b2(−∇P ) 1/p ˆ z(n−2)/p # . (3.24)

86 Chap 3. Digitation dans les suspensions granulaires

Il faut maintenant relier ces valeurs locales aux moyennes que nous observons pour l’écoulement. La vitesse moyenne Vmoy se déduit de (3.19) :

Vmoy =

n

n + 1Vmax . (3.25) La conservation du flux de particules permet d’écrire :

φmoyVmoy =

Z 1

0

φ(ˆz)v(ˆz)dˆz . (3.26)

et d’en déduire la fraction moyenne :

φmoy = φm " 1 − 4η0Vmaxn b2(−∇P ) 1/p p2(n + 1) (n + p − 2)(n(1 + p) + p − 2) # . (3.27)

Si nous écrivons ensuite la loi de Darcy effective :

Vmoy = −

b2

12ηC

∇P , (3.28)

et la définition de la viscosité rhéologique par le modèle de Krieger–Dougherty : ηRh(φmoy) = η0(1 − φmoy/φm)

−p

, (3.29)

nous déduisons de la relation (3.27) l’équation reliant les deux viscosités :

ηRh = 3 (n + 1)  (n + p − 2)(n(1 + p) + p − 2) p2(n + 1) p ηC . (3.30)

Considérons ce résultat. Nous remarquons déjà que pour n = 2, nous retrouvons bien ηRh = ηC ce qui correspond au cas Newtonien. Ensuite pour n > 2 le préfacteur de ηC

est supérieur à 1. Par conséquent, ce résultat prouve que l’on peut diminuer la viscosité effective en changeant le profil d’écoulement de la suspension.

Soulignons que la forme de ce profil ne fait nullement intervenir la fraction de grain φ, ni la fraction maximale φm. Outre n, le seul paramètre restant est l’exposant p de la

loi de Krieger–Dougherty (Eq. 1.8). Cependant la forme de la loi de Krieger–Dougherty est essentielle car c’est la divergence en un φm donné qui empêche la migration de toutes

les particules au centre de la cellule. Cette divergence représente, physiquement, la non- interpénétration des particules. Le modèle ne donne pas, en effet, de diamètre aux par- ticules, leur présence étant simplement modélisée par la modification de la viscosité.

Considérant l’équation (3.30), le tableau 3.7 rassemble les valeurs de n, estimées à partir des données expérimentales moyennées, pour différentes fractions de grains φ.

La figure 3.15 représente les profils de vitesse (Eq. 3.19) que nous en déduisons (Vmax = 1). Comme attendu, pour φ croissant, ces profils ont tendance à être de plus en

plus bombés et à évoluer vers des profils bouchons. Notons que pour φ = 10%, le profil est très peu modifié. Cela ne permet donc pas de le distinguer d’un profil parabolique. C’est une explication possible de l’impossibilité dans certaines études expérimentales sur les écoulements de Poiseuille [43, 54] de trouver une migration quantifiable des parti- cules vers le centre de l’écoulement pour les plus faibles fractions de grains (typiquement

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fraction de grains φ écart relatif des viscosités ∆rη(φ) indice n estimé

5% 0.05 2.05

10% 0.09 2.11

20% 0.21 2.26

30% 0.40 2.62

40% 0.60 3.33

Tab. 3.7 – Estimation de l’indice n du profil de vitesses en fonction de la fraction de grains φ et de la différence relative de viscosité observée expérimentalement.

Fig. 3.15 – Profil estimé de vitesse dans l’épaisseur de la cellule en fonction de la fraction de grains φ.

φ = 10%). Nous constatons, par contre, que la mesure de l’écart relatif de viscosité permet de rendre compte de l’existence probable d’une migration.

La figure 3.16 représente les données expérimentales extraites de l’étude de Lyon et Leal [72] et déjà rapportées figure 1.5. Nous avons ajusté ces données avec un profil en loi de puissance du type (3.19) et obtenu des coefficients n = 2.7 et 3.5 pour φ = 30% et 40% respectivement. Les profils semblent plutôt bien s’adapter aux mesures expérimentales et les coefficient n sont relativement proches de ceux que nous avons estimés tableau 3.7 uniquement à partir de l’écart relatif des viscosités. Ces résultats sont donc très satisfaisants. Cependant, pour mener nos calculs, nous avons pour le moment supposé un profil de vitesse, dépendant d’un paramètre n et nous avons estimé ce paramètre à l’aide de nos données expérimentales. Nous voudrions pourtant ne pas avoir à supposer de profil (ou à obtenir n à partir de φ).

Pour pouvoir aller plus loin dans cette étude, il nous faut donc avoir un modèle permettant de rendre compte de la migration des particules.