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4.5 Mobilisation du milieu et phénomène de digitation

4.5.2 Écoulement du fluide effectif

Nous étudions, dans cette sous-partie, les caractéristiques de l’écoulement du fluide effectif une fois le doigt formé. En particulier, nous allons nous intéresser à la générali- sation d’une loi de Darcy permettant de relier le débit de ce fluide (caractérisé par Vd,s)

et le gradient de pression ∇P .

Débit fonction du gradient de pression

Les figures 4.14(a) et 4.14(b) représentent les vitesses débitantes Vd,s en fonction du

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(a) Épaisseur de cellule b = 1.15 mm. (b) Épaisseur de cellule b = 2.30 mm.

Fig. 4.14 – Vitesse débitante de la pâte granulaire Vd,sen fonction du gradient de pression

∇P pour différentes surpressions appliquées. Les lignes droites représentent un ajuste- ment affine de chaque configuration.

Nous observons que, pour chaque expérience, les points expérimentaux s’alignent bien sur une droite mais qu’à la différence de la loi de Darcy classique (1.19) cette droite ne passe pas par l’origine.

Un ajustement affine de chaque expérience montre que la vitesse est nulle pour un gradient de pression égal au gradient de pression initial, c’est à dire à la différence de pression divisée par la longueur initiale L1 du milieu après décompaction : (∇P )0 =

∆P/L1.

Notons que l’observation d’un seuil initial fonction du gradient de pression ne peut pas s’expliquer par une approche de type fluide à seuil. Dans ce cas, nous devrions en effet trouver un seuil de gradient de pression identique quelles que soient les expériences. Par ailleurs, à vitesse élevée, l’effet du seuil serait négligeable et nous devrions avoir une proportionnalité entre vitesse et gradient de pression.

Considérons les ajustements à une épaisseur de cellule donnée (Fig. 4.14a ou Fig. 4.14b). Pour les différentes surpressions appliquées, la pente semble être identique. La comparaison des figures 4.14(a) et 4.14(b) nous montre que cette pente est plus impor- tante pour l’épaisseur la plus grande. Cela est cohérent avec les observations classique, où la perméabilité de la cellule étant en b2/12 l’écoulement est facilité dans les cellules de grande épaisseur.

Nous avons donc, pour chaque expérience, un ajustement possible des points expéri- mentaux par une droite d’équation :

Vd,s = α (∇P − (∇P )0) , avec (∇P )0 = ∆P/L1 , (4.17)

où α est une mobilité fonction de l’épaisseur b et a priori indépendante de la surpression ∆P .

La figure 4.15 représente la moyenne et l’écart-type des valeurs de α observées en fonction de l’épaisseur b de la cellule. Y est également indiquée l’échelle des valeurs

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Fig. 4.15 – Coefficient α moyennée en fonction de l’épaisseur de cellule b et du rapport de cette dernière avec le diamètre D des grains. Le coefficient α∗ est la valeur de α adimensionnée par α0 (4.18).

adimensionnées α∗ = α/α0 telle que :

α0 =

D2 8η0

, (4.18)

où D est le diamètre des grains et η0 la viscosité du fluide pur. α0 correspond à la

mobilité du fluide pur circulant dans un canal de taille de l’ordre de D. Nous justifierons ultérieurement le coefficient 8 lors de l’analyse de l’écoulement dans l’épaisseur de la cellule.

La pente α(b) est donc une fonction croissante de b. Notons cependant dès maintenant qu’il n’y a pas de relation simple entre α et b. En particulier nous ne retrouvons pas une évolution en carré de l’épaisseur comme c’est le cas dans l’équation de Darcy classique où la pente vaut b2/12η.

Loi de Darcy instantanée

Nous venons de nous intéresser à l’évolution de la vitesse débitante en fonction du gradient de pression et nous en avons déduit un coefficient α qui n’est autre que la dérivée de la vitesse débitante Vd,s par le gradient de pression ∇P .

Un autre paramètre pertinent à étudier est le rapport entre cette vitesse et le gradient de pression : Vd,s/∇P . Ce coefficient représente la mobilité issue de la loi de Darcy ins-

tantanée qu’un observateur serait tenté d’écrire s’il considérait l’écoulement à un instant donné.

Les figures 4.16(a) et 4.16(b) représentent cette mobilité et sa valeur adimensionnée avec α0 en fonction de la position du doigt Xd pour différentes expériences. Remarquons

que la mobilité KHS/ηS = 2.8 10−5 cm2Pa−1s−1 = 0.017α0 observée pour la phase "pâte

granulaire" lors de la décompaction (p.132) est bien inférieure aux mobilités évaluées ici. À épaisseur de cellule donnée, l’ensemble des points expérimentaux, même dispersés, semble s’aligner sur une unique droite passant par l’origine. Cette remarque rejoint la

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(a) Épaisseur de cellule : 1.15 mm. (b) Épaisseur de cellule : 2.30 mm.

Fig. 4.16 – Rapport Vd,s/∇P en fonction de la position du doigt Xd (et du rapport

Xd/L1) pour différentes surpressions appliquées. La ligne droite représente un ajustement

linéaire de l’ensemble des données à épaisseur donnée. (Vd,s/∇P )∗ : valeurs de Vd,s/∇P

adimensionnées par α0 (4.18).

précédente sur le fait qu’initialement (i.e. Xd = 0) le doigt (l’interface interne) a une

vitesse nulle.

La pente est, ici aussi, et pour les mêmes raisons, plus importante pour les grandes épaisseurs de cellule (Fig. 4.16b comparée à Fig. 4.16a).

Nous avons maintenant empiriquement une loi du type Vd,s

∇P = βXd . (4.19)

Comme pour le coefficient α, ce coefficient β dépend principalement de l’épaisseur de la cellule b et ne semble pas dépendre significativement et régulièrement de la surpression appliquée.

La figure 4.17(b) représente la moyenne et l’écart-type des valeurs de β ainsi que la valeur adimensionnée β∗ = βL1/α0 observées en fonction de l’épaisseur b de la cellule.

Le coefficient β(b) est donc également une fonction croissante de b.

Lien entre les deux approches

Nous avons maintenant deux lois empiriques différentes (4.17) et (4.19) pour décrire une même réalité expérimentale. Il est cependant possible de les relier à partir du moment où nous supposons que les coefficients α et β ne dépendent que de b.

La figure 4.18 représente schématiquement le phénomène de digitation. Comme nous l’avons vu dans la sous-partie 4.5.1, nous pouvons considérer le problème comme un fluide effectif (grains+huile) occupant initialement la cellule sur une longueur voisine de L1 et poussé par un fluide pur (huile). Dans ce cadre, si nous considérons un doigt de

largeur relative λ = w/W se propageant dans la cellule, l’incompressibilité du fluide nous impose que l’interface externe avance de λXd lorsque le doigt avance de Xd.

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Fig. 4.17 – Coefficient β moyennée en fonction de l’épaisseur de cellule b et du rapport de cette dernière avec le diamètre D des grains. Le coefficient β∗ est la valeur de β adimensionnée par α0/L1.

Fig. 4.18 – Schéma de la digitation.

Nous supposons que la chute de pression se répartit uniformément dans le milieu entre la tête du doigt et l’interface externe sur une distance lD. En s’aidant de la figure 4.18,

nous trouvons donc :

Xd+ lD = L1+ λXd , soit Xd =

L1− lD

1 − λ . (4.20) En considérant l’équation (4.19) et en notant que ∇P = ∆P/lD, nous en déduisons :

Vd,s = βXd

∆P lD

. (4.21)

En reportant la valeur (4.20) de Xd dans cette équation nous trouvons finalement :

Vd,s= βL1 1 − λ  ∆P lD −∆P L1  = βL1 1 − λ(∇P − (∇P )0) . (4.22)

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D’après l’équation (4.17) nous en déduisons une relation entre α et β :

α = βL1

1 − λ . (4.23)

Les deux approches et les deux lois expérimentales sont donc compatibles.

Le tableaux 4.1 rassemble les rapports expérimentaux α/β ainsi que les mesures de L1/(1 − λ) obtenues en supposant L1 ∼ 19 cm et en considérant les mesures de largeurs

obtenues dans la sous-parties 4.5.5.

épaisseur b α/β L1/(1 − λ)

0.85 mm 20.2 cm 22.1 cm 1.15 mm 25.4 cm 22.8 cm 1.70 mm 25.6 cm 23.4 cm 2.30 mm 27.4 cm 23.8 cm

Tab. 4.1 – Comparaison entre le rapport α/β et la valeur L1/(1 − λ) en fonction de

l’épaisseur de la cellule.

Les deux valeurs sont très comparables. Il y a un écart maximum de 10% qui, compte tenu de la dispersion de nos données est très satisfaisant.

Nous avons donc caractérisé empiriquement par deux lois compatibles l’écoulement de la pâte granulaire dans la cellule de Hele-Shaw. Cependant nous n’avons pas, pour le moment, donné d’explications à cette observation surprenante d’une loi de Darcy (4.17) ne passant pas par l’origine.