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CHAPITRE 2 SANTÉ MENTALE AU TRAVAIL : QU’EN EST-IL DES CADRES ?

2.2 Stress au travail

Le stress au travail ou le stress professionnel a mobilisé les efforts de nombreux chercheurs (Baker, 1996; Ganster, 2008; Hayes et Weathington, 2007; Judkins, Massey et Huff, 2006; Karasek, 1979; Lu, Siu et Cooper, 2005; Selye, 1956; Siegrist, 1996). Bien qu’il soit souvent qualifié de mal du siècle (Beauregard, 2010; Lu et al., 1999), il ne s’agit pas d’un concept récent (Delmas et Mayrand Leclerc, 2006). En fait, le stress trouve ses origines étymologiques dans deux sources, soit 1) le latin « Stringere » qui renvoie à l’action de serrer, de pincer, de lier et au fait d’être tendu d’une manière raide; 2) le mot français « estrece », qui signifie dans le vieux français étroitesse et oppression (Grebot, 2008; Salengro, 2005). L’intérêt de la communauté scientifique pour ce concept a donné lieu à une variété de définitions (Ganster, 2008). Il y a des auteurs qui le définissent comme un ensemble d’environnement de demandes (ex. : une surcharge excessive de travail) (Ganster, 2008; Karasek et Theorell, 1990), tandis que d’autres le présentent plutôt comme une évaluation cognitive que l’individu fait au moment où il fait face à des éventuelles menaces ou opportunités dans son travail (Ganster, 2008; Selye, 1958). D’autres auteurs l’associent également à un ensemble de réactions émotionnelles et physiologiques de l’individu quand il doit composer avec un environnement de demandes (Ganster, 2008; Légeron, 2004; Roussillon et Duval-Hamel, 2006). Par ailleurs, il y a des auteurs qui ne l’abordent pas comme un concept, mais plutôt comme un processus par lequel les conditions du milieu du travail produisent des changements dans le bien-être physique et psychologique de l’individu (Ganster, 2008; Harvey et al., 2006). Ce processus commence par la présence de stresseurs, c’est-à-dire des agents stressants dans l’environnement de l’individu (ex. : surcharge excessive de travail, conflit de rôle). Il s’agit, dans ce cas, du début de la séquence causale (Ganster, 2008). Il est ensuite suivi d’une évaluation cognitive de l’individu des situations perçues comme stressantes pour déterminer s’il s’agit d’une menace ou d’une opportunité (Ganster, 2008). ), pour finalement aboutir, dépendamment de ses stratégies d’ajustement ou de « coping » associées à ses ressources et à ses capacités à faire face à ces situations stressantes (Lazarus et Folkman, 1984), à des manifestations comportementales, psychologiques et physiologiques (ex. épuisement professionnel, détresse psychologique, abus de drogues et d’alcool) (Harvey et al., 2006). Pour expliquer le lien entre les stresseurs et le bien-être de l’individu, Ganster (2008) avance qu’il y a un ensemble de réponses, à court terme, des travailleurs pour faire face aux stresseurs de leur environnement de travail. Ces réponses sont connues comme les efforts ou « strains ». Elles peuvent prendre la forme

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de réactions psychologiques, affectives ou comportementales. Ganster (2008) ajoute que le recours prolongé à ces efforts mène à des problèmes de santé mentale et physique. Sur le plan physiologique, ce processus se traduit, chez l’individu, par un niveau élevé de sécrétion d’une hormone, connue comme l’hormone du stress ou « cortisol », produite par les glandes surrénales. Cette sécrétion devient négative quand elle est trop importante, ce qui est susceptible d’avoir des conséquences négatives sur la santé physique (ex. : maladies cardiovasculaires, ulcère, diabète) et psychologique (ex. : détresse psychologique, dépression) de l’individu (Marchand et Blanc, 2011b; Mohr et Wolfram, 2010).

Malgré la variété des définitions, les chercheurs semblent s’aligner, d’une part, sur le fait que le stress est associé à la relation entre l’individu et son environnement (Dagenais et Ruta, 2007; Marchand, 2004; Salengro, 2005), et d’autre part sur le fait que le stress renvoie à un déséquilibre, notamment quand les exigences de cet environnement dépassent les capacités et les ressources de l’individu (Dagenais et Ruta, 2007; Grebot, 2008). Par conséquent, ce dernier perçoit ces exigences comme des stresseurs, une source de tension et une menace, considérant qu’il n’a pas les capacités et les ressources pour y faire face

(Delmas et Mayrand Leclerc, 2006; Grebot, 2008; Karasek et Theorell, 1990). Malgré ce

consensus au sein de la communauté scientifique quant au lien entre l’individu et son environnement, cela n’exclut pas la complexité de définir le stress, étant donné qu’il n’est pas vécu ou perçu de la même façon par tous les individus. En fait, les capacités et ressources varient d’un individu à un autre. Par ailleurs, il y a des situations qui peuvent être considérées comme excitantes pour les uns, alors que les autres les considèrent plutôt comme des menaces (Grebot, 2008), ce qui implique que le stress pourrait être attribué à des causes à la fois internes et externes. Les causes internes pourraient être associées à la prédisposition de l’individu à faire face aux demandes ou aux exigences de son environnement social ainsi que sa perception de la situation vécue. Les causes externes pourraient, en revanche, être associées aux exigences et aux caractéristiques de la situation ou de l’environnement auquel fait face l’individu. En guise d’illustration, Salengro (2005) a comparé les causes externes à une vague et son action sur un bateau. Cependant, les causes internes ont été comparées aux dispositions du bateau et du pilote. Il faut tenir compte, dans ce cas, du mode de pilotage, ce qui renvoie à une adaptation qui pourrait être soit réussie ou ratée (Salengro, 2005). Il s’agit, dans ce cas, d’une interaction entre l’individu (bateau et pilote) et son environnement (vague).

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Le stress n’a pas que des conséquences négatives sur l’individu (Selye, 1956). Dans ce contexte, les auteurs font la distinction entre deux types de stress ; soit 1) « le stress positif » ou « le bon stress » ou « l’eustress » et 2) « le stress négatif » ou « le mauvais stress » (Grebot, 2008; Légeron, 2004; Savoie et al., 2011). Le stress positif est nécessaire, dans certains cas pour motiver les individus. D’ailleurs certains individus « déclarent ne bien travailler que sous stress ! » (Roussillon et Duval-Hamel, 2006, p. 4). Dans ce cas, le stress découle d’un besoin de défis. Quant au stress négatif, il est associé à un déséquilibre ayant des répercussions négatives sur la santé des individus (Roussillon et Duval-Hamel, 2006). Pour avoir une meilleure compréhension des problèmes de santé mentale en milieu de travail et leur lien avec le stress, nous déploierons nos efforts, dans la prochaine section, à présenter les modèles théoriques dominants qui font le lien entre le stress, le milieu de travail et les problèmes de santé mentale. Notre objectif est double : d’une part, avoir les balises théoriques qui guideront notre recherche et d’autre part, identifier les lacunes existantes dans la littérature scientifique, afin d’apporter une contribution importante, utile et pertinente.