• Aucun résultat trouvé

Détresse psychologique, dépression et épuisement professionnel

CHAPITRE 2 SANTÉ MENTALE AU TRAVAIL : QU’EN EST-IL DES CADRES ?

2.1 Santé mentale au travail

2.1.1 Détresse psychologique, dépression et épuisement professionnel

(2004), aux notions de détresse psychologique, de dépression et d’épuisement professionnel pour analyser les problèmes de santé mentale en milieu de travail. C’est pour cette raison que nous les retenons dans la présente thèse. Nous tenterons dans cette sous-section de les définir et de les distinguer l’une de l’autre.

a) Détresse psychologique

La détresse psychologique est considérée comme « un indicateur précoce d’atteinte à la santé mentale qui identifie, dans une population, les personnes le plus à risque de développer des pathologies mentales, dont la dépression… » (Vézina et al., 2011, p. 598). En l’occurrence, elle est le « résultat d’un ensemble d’émotions négatives ressenties par les individus qui, lorsqu’elles se présentent avec persistance, peuvent donner lieu à des syndromes de dépression et d’anxiété » (Camirand et Nanhou, 2008, p. 1 ). Marchand et al. (2005b, p. 2) ajoutent qu’elle est « définie par un ensemble de symptômes psychophysiologiques et comportementaux qui ne sont pas spécifiques à une seule pathologie, telle que l’anxiété, les réactions dépressives, l’irritabilité, le déclin des capacités intellectuelles, la perturbation du sommeil, l’absence au travail, etc. » Dans le cas où ils ne sont pas traités, ces symptômes peuvent avoir des conséquences graves pour l’individu, notamment de sérieux problèmes de santé tels que l’hypertension artérielle ou les problèmes somatiques. Ils peuvent même mener à des maladies cardiovasculaires, neuropsychiatriques, une dépression majeure, un suicide ou une mort prématurée (Marchand et al., 2005b). Il s’agit « d’un ensemble de symptômes psychophysiologiques et comportementaux qui se distribuent sur un continuum de temps » (Marchand, 2004, p. 12 ), débutant par la phase prépathologique dans laquelle l’individu présente divers symptômes qui se répercutent négativement sur son travail et sur sa vie, tels que des réactions anxieuses, agressives, l’absentéisme, l’isolement, le manque d’énergie, le manque de concentration. Cette phase est souvent accompagnée de problèmes de santé physique et mentale de l’individu, tels que les maladies psychosomatiques, l’hypertension artérielle et la dépression sévère pouvant aboutir à une détérioration irréversible de la santé mentale (Marchand, 2004). Au travail, la

45

détresse psychologique pourrait être la conséquence d’un stress sévère ou chronique (Marchand et al., 2005b).

b) Dépression

À l’instar de la détresse psychologique, la dépression est un problème de santé mentale. Elle représente, selon l’OMS, la quatrième cause d’incapacité de travail et en 2020, elle deviendra la principale cause de cette incapacité (Goldberg et Steury, 2001). Il s’agit d’une variation ou une déviation complexe au niveau émotionnel, cognitif et comportemental chez l’individu (Beck et Alford, 2009). Elle se traduit généralement par « un profond sentiment de tristesse… d’impuissance, d’irritabilité, de découragement ou de pessimisme » (Dagenais et Ruta, 2007, p. 19). Les symptômes qui se manifestent souvent dans le cas d’une dépression sont, entre autres, les problèmes de sommeil et la dévalorisation (Dagenais et Ruta, 2007). Bonde (2008) souligne que la dépression est caractérisée par une réduction d’humeur et d’intérêt pouvant durer au moins quatorze jours qui peut mener à une morbidité psychiatrique. Dagenais et Ruta (2007) ajoutent que les symptômes dépressifs s’expriment chez l’individu par une perte d’estime de soi, une variation dans le poids et l’appétit et une perte de plaisir. L’individu peut aussi avoir tendance à s’isoler socialement, ce qui le fragile, entraînant ainsi une aggravation des symptômes dépressifs, ce qui conduit, dans certains cas, à des idées suicidaires, allant jusqu’aux tentatives de suicide (Dagenais et Ruta, 2007; Tiller, 2010). La dépression peut être associée à des situations de travail ou à des traumatismes ou à des évènements négatifs qui surgissent dans la vie de l’individu (Bakker et al., 2000). Au travail, le stress semble jouer un rôle majeur dans l’avènement de la dépression (Gilmour et Patten, 2007; Shields, 2006).

c) Épuisement professionnel (Burnout)

L’épuisement professionnel, connu également sous sa traduction anglaise comme « burnout », constitue un problème de santé mentale au travail. Il fait principalement référence à une usure et un craquage qui résultent « de demandes excessives d’énergie, de force ou de ressources » (Fuhrer, Moisson et Cucchi, 2011, p. 199). L’individu se sent, dans ce cas, fatigué, irrité et vide émotionnellement (Fuhrer et al., 2011). Certains auteurs le qualifient de « maladie du trop » (Monneuse, 2014). Monneuse (2014, p. 184 ) le décrit, dans ce cas, comme « la fin de l’incendie : un feu intérieur a consumé la personne qui tombe alors en cendres. Son corps refuse d’obtempérer, il connait des crises de larmes et perd sa force. »

46

Il s’agit de la conséquence d’un stress intense, chronique et prolongé au travail (Delaye et Boudrandi, 2010; Grebot, 2008). L’épuisement professionnel est composé de trois dimensions, à savoir 1) l’épuisement émotionnel, 2) la dépersonnalisation (cynisme), et 3) la diminution de l’accomplissement personnel, qui arrive chez l’individu au travail (Bakker et al., 2000; Demerouti et al., 2001; Grebot, 2008; Maslach, Schaufeli et Leiter, 2001). L’épuisement émotionnel se caractérise par un sentiment de vide et de fatigue émotionnelle et physique accompagné d’une peur de devoir aller au travail (Grebot, 2008). Ce sentiment apparaît notamment à la suite de demandes chroniques et excessives au travail, qui amènent l’individu à drainer ses ressources émotionnelles (Madnawat et Mehta, 2012), érodant ainsi son sentiment d’efficacité (Maslach et al., 2001). En revanche, la dépersonnalisation renvoie à la dimension interpersonnelle de l’épuisement professionnel (Grebot, 2008). Il s’agit d’une tentative de créer une distance entre soi et les récepteurs de services (Maslach et al., 2001) (ex. : clients pour les commerciaux, les malades pour les médecins ou infirmières, etc.). L’individu développe, dans ce cas, une insensibilité émotionnelle et un cynisme (Bakker et al., 2000) accompagnés d’attitudes négatives et méprisantes envers les individus dont il a la charge (clients, patients) ou envers ses collègues de travail, qui les considèrent comme une source de dérangement et de tension (Grebot, 2008). Quant à la troisième dimension de l’épuisement professionnel, elle renvoie à la dévalorisation de ses compétences et de son travail amenant l’individu à sous-évaluer ses propres accomplissements, éprouvant ainsi un fort sentiment d’échec personnel (Grebot, 2008) et une faible estime de soi (Bakker et al., 2000).

Nous avons présenté dans cette sous-section les dimensions psychologiques de la santé mentale au travail, soit la détresse psychologique, la dépression et l’épuisement professionnel. Le fait d’établir une distinction peut sembler, à certains égards, complexe, notamment parce qu’elles procèdent toutes à « la description d’un déséquilibre, d’une atteinte au niveau du psychisme de la personne qui se manifeste par différents symptômes » (Marchand, 2004). Néanmoins, il est possible de constater que le concept de « détresse psychologique » semble plus général comparativement aux deux autres concepts, étant donné que sa définition englobe des symptômes de déséquilibre psychique qui sont utilisés pour définir et mesurer la dépression et l’épuisement professionnel (Beauregard, Marchand et Blanc, 2011; Marchand et al., 2005b). De plus, contrairement à l’épuisement professionnel qui renvoie à un état de fatigue, associé à une situation de travail, la détresse psychologique

47

et la dépression ne semblent pas être associées à une situation ou à un lieu spécifique dans lequel émergent les symptômes du déséquilibre mental (Marchand, 2004).

Outre les dimensions psychologiques,des chercheurs font référence à des dimensions,

d’ordre comportemental qui renvoient spécifiquement à des comportements dysfonctionnels engendrés par les tensions et le stress chronique ou intense vécu dans les milieux du travail, tels que l’abus d’alcool et de tabac et la consommation de médicaments psychotropes (Lutz, 2015; Marchand et Blanc, 2010b; Quick et al., 2013). Nous retiendrons dans la présente thèse les deux comportements dysfonctionnels qui semblent les plus dévastateurs pour les individus et pour l’organisation (Quick et al., 2013), notamment parce qu’ils peuvent détériorer les facultés cognitives de l’individu. Il s’agit de la consommation à risque d’alcool et la consommation de médicaments psychotropes. Nous nous intéressons plus précisément à l’usage inapproprié de ces substances, à savoir un usage qui est « susceptible d’entraîner des problèmes d’ordre physique, psychologique, économique ou social, bref un usage qui, selon la personne, la substance et le contexte, constitue une menace pour la santé, la sécurité ou le bien-être des individus, de l’entourage ou de la collectivité » (Houle et Lecours, 2006, p. 8). Certains auteurs soulignent que la consommation d’alcool et de médicaments psychotropes peut représenter des stratégies d’ajustement (coping) (Lazarus et Folkman, 1984) face au stress vécu dans le milieu du travail (Marchand, 2004). Le danger de cette consommation réside dans le fait qu’elle masque souvent les situations de tensions et d’usure physique et psychologique (Lutz, 2015).