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Modèle « demandes –ressources » (Demerouti et al., 2001)

CHAPITRE 2 SANTÉ MENTALE AU TRAVAIL : QU’EN EST-IL DES CADRES ?

2.3 Principaux modèles théoriques

2.3.3 Modèle « demandes –ressources » (Demerouti et al., 2001)

al., 2001) s’intéresse au lien entre l’environnement psychosocial du travail et la santé de l’individu. Toutefois, contrairement aux modèles précédents, qui s’intéressent au stress professionnel, ce modèle met plutôt l’accent sur l’épuisement professionnel. Le modèle « demandes- ressources » se base sur la théorie de la conservation des ressources (COR), développée par Hobfoll (1989), qui met de l’avant le fait que les individus cherchent à acquérir, retenir et protéger les ressources qu’ils valorisent, par exemple les ressources matérielles, sociales, personnelles et énergétiques. Ainsi, toute perte actuelle ou potentielle de ces ressources entraîne un stress pour ces individus (Bakker et Demerouti, 2007; Hobfoll, 2001). Dans ce contexte, le modèle « demandes-ressources » postule que chaque emploi comporte ses propres facteurs de risques associés au stress professionnel. Ces facteurs peuvent être classés en deux groupes : 1) les demandes du travail ; 2) les ressources du travail. Les demandes font référence aux aspects physiques, psychologiques, sociaux ou organisationnels du travail qui exigent, de l’individu, des efforts physiques et/ou mentaux soutenus (cognitifs et émotionnels), ayant un impact physiologique et psychologique (ex. : la surcharge physique, les pressions en termes de temps, l’environnement physique, le travail posté, la monotonie des tâches). En revanche, les ressources dans ce modèle font référence aux aspects physiques, psychologiques, sociaux (ex. : le soutien du superviseur) ou organisationnels qui peuvent s’avérer utiles pour l’atteinte des objectifs du travail et la réduction des demandes au travail. Elles permettent également de stimuler le développement personnel. Ces ressources peuvent se situer à quatre niveaux, soit 1) le niveau de l’organisation, d’une manière générale (ex. : salaire, opportunités de carrière, sécurité d’emploi) ; 2) le niveau des relations interpersonnelles et sociales (ex. : soutien du superviseur et des collègues, climat de travail d’équipe); 3) l’organisation du travail (ex. : clarté des rôles, participation dans la prise de décision) et 4) le niveau des tâches (ex. : variété

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des compétences, signification de la tâche, autonomie, feedback sur la performance) (Bakker et Demerouti, 2007). Ce modèle repose sur l’articulation de ces deux groupes de facteurs, c’est-à-dire les demandes et les ressources, ce qui implique que le l’environnement de travail se présente à la fois comme une source d’opportunités et de contraintes. Ce modèle se fonde sur trois hypothèses : 1) l’hypothèse de la dualité des processus, 2) l’hypothèse modératrice et 3) l’hypothèse interactive. L’hypothèse de la dualité des processus stipule que deux processus psychologiques jouent un rôle majeur dans le développement des tensions et de la motivation au travail, soit le processus de régulation énergétique et le processus de motivation (Bakker et Demerouti, 2007; Demerouti et al., 2001). Bien qu’ils soient distincts, ces deux processus sont interdépendants (Beauregard, 2010). Le processus de l’altération de la santé sous-tend que les demandes excessives et constantes au travail ainsi qu’une faible conception des emplois amènent l’individu à déployer différentes stratégies d’ajustement, en termes d’effort et de coût, ce qui draine l’énergie physique et psychologique nécessaire pour le maintien de sa santé, entraînant ainsi un état de fatigue physique ou mentale et une tension psychologique, qui peuvent conduire, à long terme, à l’épuisement professionnel et à des problèmes de santé. Quant au processus de motivation, il sous-tend, à son tour, que les ressources au travail ont un potentiel de motivation (Bakker et Demerouti, 2007; Demerouti et al., 2001). Elles mènent à un haut niveau d’engagement au travail, un faible cynisme et une excellente performance (Bakker et Demerouti, 2007). Bakker et Demerouti (2007) affirment que ces ressources peuvent soit jouer un rôle de motivation intrinsèque, considérant qu’elles favorisent le développement des employés et leur apprentissage, ou jouer un rôle de motivation extrinsèque, considérant qu’elles facilitent l’atteinte des objectifs de travail. Ainsi, l’absence de ressources ne permet pas de faire face aux demandes et aux exigences du travail, ce qui aura un impact sur la motivation intrinsèque et extrinsèque de l’employé, aboutissant ainsi à un désengagement et à une attitude de cynisme (Demerouti et al., 2001). En revanche, l’hypothèse interactive maintient que les différents types de demandes et de ressources de travail peuvent interagir dans la prédiction des tensions et de la motivation au travail (Bakker et Demerouti, 2007; Demerouti et Bakker, 2011; Demerouti et al., 2001). Finalement, l’hypothèse modératrice postule que les ressources modèrent le lien entre les demandes du travail et l’épuisement professionnel. Ainsi, dépendamment du contexte de travail, certaines ressources pourraient réduire l’effet des demandes excessives sur le stress et sur l’épuisement professionnel (Bakker et Demerouti, 2007). Les postulats du modèle demandes-ressources ont été vérifiés et validés empiriquement dans la littérature

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(Bakker et Demerouti, 2007; Demerouti et al., 2001; Hakanen, Bakker et Schaufeli, 2006; Hakanen, Schaufeli et Ahola, 2008; Schaufeli et Bakker, 2004), notamment le processus de dualité qui met de l’avant le fait que les demandes du travail sont liées positivement à l’épuisement émotionnel (Schaufeli et Bakker, 2004) alors qu’un manque de ressources est plutôt lié au cynisme (Hakanen et al., 2006).

À l’instar des modèles développés par Karasek (1979), Karasek et Theorell (1990) et Siegrist (1996) le modèle « demandes-ressources » met en exergue le lien entre les demandes du travail et la santé des travailleurs. Cependant, comparativement à ces modèles, le modèle « demandes-ressources » apporte une contribution novatrice, d’une part en analysant l’épuisement professionnel, qui n’a pas été abordé par les autres modèles, et d’autre part en s’intéressant à la motivation des travailleurs et à leur engagement au travail et à leur lien avec la santé de l’individu, mettant ainsi de l’avant une dimension intrinsèque qui n’a pas été abordée auparavant. De plus, à l’opposé des autres modèles, ce modèle ne se limite pas à un nombre restreint de ressources, qui sont susceptibles d’atténuer les effets des demandes excessives du travail. De plus, il tient compte du contexte organisationnel, en mettant de l’avant le fait que chaque emploi comporte ses propres facteurs de risques associés au stress professionnel (Demerouti et Bakker, 2011), et que les ressources peuvent se situer à quatre niveaux, soit 1) le niveau de l’organisation, d’une manière générale ( ex. : salaire, opportunités de carrière, sécurité d’emploi); 2) le niveau des relations interpersonnelles et sociales ( ex. soutien du superviseur et des collègues, climat de travail d’équipe), 3) l’organisation du travail ( ex. : clarté des rôles, participation dans la prise de décision) et 4) le niveau des tâches (ex. : variété des compétences, signification de la tâche, autonomie, feedback sur la performance). Cela permet une analyse simultanée de plusieurs aspects associés aux exigences spécifiques de différents milieux de travail, rendant ainsi ce modèle applicable à plusieurs contextes organisationnels. En outre, contrairement aux autres modèles, le modèle « demandes-ressources » élargit le rôle des ressources du travail. Il ne le limite pas à la réduction des effets négatifs des exigences du travail, il va plus loin en mettant de l’avant un rôle intrinsèque, bénéfique pour le bien-être des individus et stimulant son engagement au travail. Par ailleurs, la capacité prédictive de ce modèle, notamment en lien avec l’épuisement professionnel et l’engagement au travail, semble élevée (Demerouti et al., 2001; Schaufeli et Bakker, 2004). Malgré cette contribution novatrice, le modèle « demandes-ressources » comporte certaines lacunes, particulièrement le fait que sa validité prédictive soit constituée d’une manière exclusive autour de l’épuisement professionnel ; de

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ce fait, la vérification empirique du modèle pour les autres problèmes de santé mentale, tels que la détresse psychologique et la dépression, reste à être démontrée (Beauregard, 2010). De surcroît, à l’instar des autres modèles (demande-contrôle, demandes-contrôle-soutien et déséquilibre efforts-récompenses), ce modèle fait abstraction des caractéristiques individuelles des travailleurs (ex. : traits de personnalité) ainsi que du contexte social et des facteurs hors du milieu du travail qui font partie de la vie du travailleur. De plus, bien qu’il tienne compte du contexte organisationnel, le modèle « demandes-ressources » n’aborde pas les facteurs organisationnels qui déterminent et influencent les conditions du travail au sein de l’organisation.

En somme, nous avons présenté, dans cette sous-section, les modèles théoriques dominants qui constituent une référence pour la majorité des recherches sur le stress et la santé mentale au travail, à savoir le modèle « demande contrôle » (Karasek, 1979), « demandes-contrôle-soutien » (Karasek et Theorell, 1990), « déséquilibre efforts- récompenses » (Siegrist, 1996) et « demandes-ressources » (Demerouti et al., 2001). Chacun de ces modèles met de l’avant le lien entre l’environnement psychosocial du travail et les tensions menant à l’avènement des problèmes de santé mentale chez les travailleurs. De plus, ceux-ci mettent en exergue les effets des demandes excessives du travail sur la santé de l’individu. Ils insistent également sur les ressources qui sont susceptibles d’atténuer le lien entre ces demandes et le stress professionnel, tentant ainsi de remédier aux problèmes de santé, conséquences de ce stress. Cependant, bien qu’ils s’intéressent à la dimension individuelle, c’est-à-dire le stress et la santé du travailleur, tous ces modèles ne tiennent pas compte de ce travailleur et de ses spécificités (ex. : identité, traits de personnalité). De plus, en mettant l’accent sur un seul niveau d’analyse (c’est-à-dire l’individu), ces modèles font abstraction des facteurs organisationnels (ex. : les différentes structures et politiques organisationnelles), alors qu’elles ont des incidences sur la manière dont les conditions de travail sont articulées sur le plan individuel, c’est-à-dire au niveau du travailleur. De plus, ces modèles n’ont pas abordé le contexte social dans lequel évolue l’individu, tel que les hiérarchies sociales et les relations de pouvoir implicites qui influencent d’une part la distribution des stresseurs associés au travail et d’autre part certaines variables médiatrices, telles que l’estime de soi (Stansfeld et Candy, 2006). Ces modèles ont également ignoré les facteurs sociaux qui sont hors du milieu du travail, mais qui peuvent avoir des effets négatifs sur la santé de l’individu, par exemple la famille (Beauregard et al., 2011). Selon Stansfeld et Candy (2006, p. 444) : « Work characteristics are not independent of their social setting

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but, instead, are situated within an organizational setting that is itself embedded in a social context ».

Après avoir exposé et analysé les modèles théoriques dominants sur le stress et la santé mentale au travail, nous arrivons à la section qui aborde de manière spécifique la santé mentale des cadres.

2.4 Santé mentale des cadres : que sait-on de cette problématique ?