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CHAPITRE 2 SANTÉ MENTALE AU TRAVAIL : QU’EN EST-IL DES CADRES ?

2.6 Facteurs susceptibles d’expliquer les problèmes de santé mentale chez les cadres

2.6.2 Facteurs hors travail

Peu d’études se sont intéressées aux facteurs hors du travail et à la manière dont ils peuvent intervenir dans le milieu du travail et avoir un impact sur la santé mentale des travailleurs (Beauregard et al., 2011; Marchand et al., 2005b). Probablement qu’il s’agit d’un univers qui est difficile à cerner, étant donné qu’il est propre à chaque individu (Beauregard et al., 2011; Marchand et al., 2005b). Les facteurs sociaux sont associés à l’environnement social. Ils englobent, entre autres le réseau social hors travail (famille, amis, communauté) et la famille (c’est-à-dire le statut matrimonial et les tensions dans la relation de couple, les enfants et les tensions dans la relation parentale, ainsi que le conflit famille-travail et travail- famille) (Marchand, 2004; Marchand et al., 2005a).

2.6.2.1 Réseau social hors travail

Le réseau social hors travail implique la famille, les amis et la communauté dans laquelle vit et évolue l’individu. Ce réseau constitue une source de soutien qui permet de réduire les risques de développer des problèmes de santé mentale (Clays et al., 2007; Marchand, 2004; Marchand et al., 2005a, 2005b, 2006; Parent-Lamarche et Marchand, 2010). En ce qui concerne les cadres, il semblerait, selon Lindorff (2001), qu’ils reçoivent plus de soutien à l’extérieur du milieu du travail. Ce soutien peut être une source de force et de renouveau pour les cadres qui souffrent de problèmes de santé mentale (Saleh et al., 2007). Néanmoins, il n’y a pas eu, à notre connaissance, d’études qui ont analysé

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empiriquement le lien entre le soutien social hors travail et les problèmes de santé mentale des cadres.

2.6.2.2 La famille (conjoint(e), enfants)

Bien qu’elle représente une source de protection, la famille peut également entraîner des tensions pour l’individu, notamment en lien avec le conjoint et les enfants. Le fait d’être en couple constitue, selon certaines études, un facteur de protection, qui permet de réduire les risques de développer des problèmes de santé mentale (Hayasaka et al., 2007; Hilton et al., 2008; Marchand, 2004; Marchand et al., 2005a), étant donné que la relation de couple permet à l’employé de bénéficier d’un soutien émotionnel en dehors du milieu du travail (Lindorff, 2001). Dans ce contexte, l’étude de Lindorff (2001) révèle que le soutien des cadres provient surtout de leur conjoint(e). Néanmoins, la relation avec le conjoint ou la conjointe n’est pas toujours synonyme d’harmonie et de soutien, particulièrement dans le cas de conflits (Brett, 2003). Cette relation devient une source de tension, susceptible selon certaines études de miner la santé de l’individu, d’une manière générale (Ballard et al., 2006; Clays et al., 2007; Marchand et al., 2005a, 2006). Tout comme les relations de couple, le fait d’avoir un ou des enfants mineurs pourrait réduire les risques de développer des problèmes de santé mentale (Marchand et al., 2005a; Wilkins et Beaudet, 1998), probablement, parce que le rôle de parent apporte des gratifications pour l’individu et que le fait d’avoir un enfant mineur amène généralement une bonne hygiène de vie (ex. : sommeil, alimentation) (Cadieux, 2013). Cependant, l’absence d’enfants mineurs ne constitue pas pour autant, selon certaines études, un facteur de stress menant à des problèmes de santé mentale (Ballard et al., 2006; Marchand et al., 2005b). Dans ce cas, le stress provient plutôt des tensions présentes dans la relation avec les enfants, notamment quand ceux-ci manifestent des comportements et des attitudes négatives (ex. : désobéissance, irritabilité)(Ballard et al., 2006; Marchand, 2004; Marchand et al., 2005a, 2005b; Voydanoff et Donnelly, 1999). Cela implique, d’une manière générale, que le rôle de parent n’est pas toujours bénéfique pour la santé mentale de l’individu. En fait, il semblerait que les exigences familiales au sens large (les enfants, conjoint, parents) puissent être une source de tension pour l’individu, notamment quand elles entrent en conflit avec les exigences de son travail.

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2.6.2.3Conflit travail-famille/ famille-travail

La famille et le travail sont deux domaines incompatibles en termes de normes et de responsabilités (Byron, 2005). Le fait d’assumer de multiples rôles peut s’avérer une source de conflit menant à un stress susceptible d’entraîner des problèmes de santé mentale. Quand les contraintes associées à la situation familiale (enfants ou conjoint malades, prise en charge d’un parent) nuisent au bon fonctionnement de l’individu dans la sphère professionnelle, il est question d’interférence famille-travail. À l’inverse, quand les conditions de travail nuisent à l’investissement de l’individu, en termes de temps et d’énergie dans la sphère familiale, il est plutôt question d’interférence travail-famille (Byron, 2005; Marchand, 2004). Dans ce cas, les individus qui vivent un stress dans leur famille sont plus susceptibles que les autres de faire face à une problématique d’interférence de leur vie personnelle à leur vie au travail (Byron, 2005). Par ailleurs, les individus qui font face à des demandes élevées au travail sont plus susceptibles que les autres de devoir composer avec une situation d’interférence de leur vie au travail sur leur vie personnelle (Byron, 2005). De plus, il semblerait que le surengagement au travail puisse entraîner un conflit travail-famille (Kinman et Jones, 2008). Dans ce cas, ceux qui font face à un conflit important sur l’une ou l’autre des sphères sont plus à risque de développer des problèmes de santé mentale (Byron, 2005; Marchand, 2004; Voydanoff et Donnelly, 1999). En ce qui concerne le conflit famille- travail, les femmes ainsi que les individus ayant de jeunes enfants éprouveraient plus de difficultés comparativement à d’autres à concilier les deux sphères (Behson, 2002; Piccinelli et Wilkinson, 2000). L’étude de Iwasaki, MacKay et Ristock (2004), révèle d’ailleurs que les femmes cadres vivent une détresse émotionnelle en raison des tensions provenant de leur vie personnelle, notamment leur responsabilité de prendre soin de la famille (enfants et conjoint). Monneuse (2014) ajoute, dans ce contexte, que les femmes cadres ayant des enfants sont les premières concernées par les problèmes de santé mentale, principalement l’épuisement professionnel, ce qui implique que les cadres ne sont pas à l’abri des tensions associées à l’environnement familial (Brett, 2003) et plus particulièrement à leur rôle de parents. Toutefois, le lien entre ces tensions et les problèmes de santé mentale des cadres n’a pas, à notre connaissance, été analysé. En ce qui concerne le conflit travail-famille, nombreux sont les auteurs qui l’associent aux cadres (Genin, 2014; Grodent et Tremblay, 2013; Jean, 2015; Kofodimos, 1990; Lingard et Francis, 2005; Montgomery, Peeters, Schaufeli et Ouden, 2003; Schieman, Whitestone et Van Gundy, 2006; Worrall et Cooper, 2007). Ces études soutiennent que ces derniers sont plus à risque de vivre ce conflit

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comparativement aux autres membres de l’organisation, considérant l’ampleur de leur responsabilité, leur rythme de travail et leur tendance à se surengager au travail (Brett et Stroh, 2003). Le conflit entre la sphère professionnelle et la sphère familiale peut engendrer un niveau de stress élevé qui est susceptible d’entraîner, à son tour, des problèmes de santé mentale (Boles, Johnston et Hair Jr, 1997; Poms, Fleming et Jacobsen, 2016; Vinokur, Pierce et Buck, 1999). L’étude de Lingard et Francis (2005), qui porte sur les cadres, les administrateurs et les professionnels révèle que le conflit travail famille joue un rôle médiateur dans le lien entre les stresseurs du travail (irrégularités de l’horaire de travail et les longues heures travaillées) et l’épuisement professionnel, ce qui implique que ces stresseurs augmentent le conflit travail-famille, qui va mener, à son tour, à un niveau élevé d’épuisement professionnel.

Après avoir exposé les facteurs hors travail, nous arrivons aux facteurs individuels qui sont susceptibles d’expliquer pourquoi les réactions face au stress varient d’un individu à l’autre et plus particulièrement d’un cadre à un autre, et pourquoi les problèmes de santé mentale (détresse psychologique, dépression, épuisement professionnel) apparaissent ou s’aggravent chez les uns comparativement aux autres.