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Similitudes entre concepts de fraternité et de solidarité

57. Solidarité et fraternité paraissent avoir la même nature (§1) et la même fonction (§2).

§1. Même nature

58. La fraternité comme la solidarité sont des principes appartenant d’abord aux domaines de la morale ou de la philosophie puisqu’elles supposent, l’une et l’autre, une certaine vision de la société, des rapports qu’elle entretient avec les individus, ainsi que des rapports entre les individus eux-mêmes. Ces deux concepts sont donc apparus dans la pensée morale, religieuse et philosophique, pour ensuite tenter d’avoir une incidence dans les domaines politique et juridique. De plus, les deux idées comportent une certaine forme d’idéalisme puisque supposent une prise de position initiale quant aux rapports en société, et la qualité dont devraient être dotés ces rapports, ainsi que l’adhésion à certaines valeurs (le Bien pour la fraternité, la Justice pour la solidarité). Sur ce point, la solidarité rejoint totalement la fraternité. Contrairement à ce que soutient la majorité de ceux qui l’invoquaient comme « assise objective et ‘‘scientifique’’ -, force est de constater qu’(…) entre l’observation de ce fait (l’interdépendance) et l’affirmation de ce principe (la solidarité) s’intercalèrent à l’évidence un certain nombre d’idées, de représentations ou de croyances qui rendirent ce dernier aussi au moins subjectif (…) que le principe ancien de moins une erreur et une faute certaines sur le plan de la logique et du raisonnement » (M. Borgetto,

fraternité »174. D’ailleurs, en quelque sorte, fraternité et solidarité comportent toutes deux en elles, le point de départ et l’arrivée, revêtant ainsi une double signification : « la situation (…) [mais] aussi le principe éthico-politique qui fonde précisément ces situations »175. La fraternité, qu’elle prenne pour point de départ la situation des hommes issue de la paternité commune de Dieu ou de la maternité une de la Nature, traduit en même temps l’idéal auquel les rapports entre individus doivent tendre. De même, la solidarité prenant comme point de départ le constat de la solidarité qui unit les hommes appartenant à une même société, traduit en même temps l’idéal que doivent tenter d’incarner les rapports entre eux.

59. Ensuite, une part de flou, d’imprécision semble inhérente aux deux notions qui ne sont - ou ne devraient pas être - strictement définies ; « elles relèvent l’une et l’autre de l’éthique et de la philosophie politique et ont dès lors un contenu relativement imprécis »176. Il est important de noter dès à présent que la solidarité,

contrairement à ce qui est parfois soutenu, n’est pas en tant que telle plus précise que la fraternité parce qu’elle a été avancée pour la revendication de droits extrêmement divers177.

60. La nature identique partagée par les deux concepts affecte certes leur mode de fonctionnement juridique. Les deux sont, en effet, des principes éthico-politiques non initialement juridiques, qui ne pourront être directement appliquées par le juge – qui peut cependant en consacrer directement certaines manifestations ou concrétisations –, ou revendiquées par les parties, et leur mise en jeu dépend de la volonté politique donc de la volonté du législateur de les introduire en droit, en les consacrant dans les textes comme principes juridiques directement applicables178. Les deux concepts, dont la conception de base et celle d’«idéal, [d’] aspiration philosophique ou politique »179, ne deviennent juridiques que par ricochet en quelque sorte, après un passage obligé par le législateur et la volonté de les consacrer comme

174 M. Borgetto, La notion de fraternité en droit public français…,op. cit., p. 399. 175 M. Borgetto, La notion de fraternité en droit public français…,op. cit., p. 11. 176 Ibid., p. 12.

177 V. M. Borgetto, La notion de fraternité en droit public français…, op. cit., p. 399.

178 En dehors d’une telle volonté, ils ne sont pour le législateur que des principes d’inspiration, des

principes « d’action politique », et non des principes juridiques à part entière. V. infra nos 139 s. 179 C. D. Gonthier, La fraternité comme valeur constitutionnelle. Rapport général, in La fraternité,

tels. La solidarité n’a donc pas en soi une capacité différente que celle de la fraternité, plus effective, de se traduire juridiquement et de s’imposer au législateur180.

C’est dans un deuxième temps une similitude de fonction qui existe entre solidarité et fraternité.

§2. Même fonction

61. La fraternité comme la solidarité, même si par des parcours de pensée très différents, ont été finalement avancées dans un même objectif : justifier le lien à autrui et fonder une certaine ligne de comportements attachée à ce lien. Elles procèdent toute deux du même désir d’asseoir dans la réalité juridique ce qui relevait de la simple morale ou de la religion, et spécifiquement l’idée d’altruisme. Même si la teneur et l’intensité du rapport qu’elles fondent peuvent sensiblement varier entre les deux, « toutes deux visent cependant à aider et à assister autrui et à créer des liens d’union entre les membres du groupe »181. Elles ont donc la même fonction ; celle de

légitimer certaines obligations ou devoirs ayant pour objet l’assistance, l’aide à autrui, et participent du même esprit d’« abdication de l’individualisme et de l’égoïsme et oblige(nt) à travailler avec d’autres (…) »182.

62. Si une identité de nature et de fonction semble faire coïncider fraternité et solidarité, certaines différences essentielles demeurent, permettant de les distinguer clairement.

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