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Bonne foi et théorie pure de la prise en compte

Conclusion du chapitre préliminaire

Section 1 : La bonne foi dans son versant relationnel

B. Bonne foi et théorie pure de la prise en compte

227. La prise en compte de l’intérêt du cocontractant relève du versant relationnel de la moralité introduite par la bonne foi. Cependant ceci n’est pas suffisant pour rattacher cette prise en compte à la théorie pure de la notion. Il faut en plus établir d’une part, la particularité suffisante de la notion, notamment par rapport aux exigences justifiées par la bonne exécution du contrat, ou par l’intérêt commun. D’autre part, il faut vérifier la finalité servie par la notion : il faut et il suffit qu’il y ait prise en compte de l’intérêt d’autrui dans l’intérêt d’autrui (et non simplement dans l’intérêt du contrat), donc une dimension altruiste.

Pour établir l’appartenance de cette prise en compte manifestée dans la bonne foi, à la théorie pure de la notion – celle appartenant à notre champ de recherche, et fondée sur un principe de fraternité –, nous étudierons donc d’abord les critères de justification de l’exigence de prise en compte ici (1), ensuite sa finalité (2).

1. Critères de justification de cette exigence de comportement

228. La première question qui se pose ici est celle de savoir si l’exigence de prise en compte de l’intérêt du cocontractant introduite par la bonne foi est une exigence générale que la jurisprudence tend à introduire dans tout contrat, ou si elle est justifiée par une particularité reliée à certains contrats seulement671.

670 Justement M. Stoffel-Munck affirme dans ce sens : « D'aucuns se demanderont d'où le juge tire ce

devoir d'altruisme qu'il fait, de manière innomée mais claire, peser sur le concédant. On répondra que la norme de loyauté à laquelle se réfère l'art. 1134, al. 3, c. civ. lui donne compétence à ce faire, exactement comme l'art. 1382 c. civ. lui permet de sanctionner la violation de tout devoir de comportement qu'il lui plaît de consacrer. Si l'usage que le juge fait ici de son pouvoir créateur est fortement discutable en termes de politique juridique, il est difficile de lui discuter ce pouvoir au plan technique » (L'abus dans la fixation du prix : vraie définition ou faux-semblant ?, op. cit., n° 11).

671 Plusieurs critères ont été avancés pour rendre compte de l’exigence de collaboration au sein des

contrats. On a soutenu par exemple que « [cette] solidarité peut être inhérente soit à la nature de certains types de contrats, soit aux caractéristiques particulières des rapports entre les contractants (…) l’importance des relations de proximité ou d’intimité qui existent entre les parties » (F. Diesse,

L’exigence de la coopération contractuelle dans le commerce international, RDAI 1999, p. 737, spéc.

L’intérêt de la question se présente à double titre, d’abord quant à la portée de cette exigence de prise en compte, ensuite quant à la particularité de la notion : si cette introduction est justifiée par les exigences d’une bonne exécution du contrat, ou par l’intérêt commun, cette prise en compte n’aurait aucune particularité et ne relèverait pas d’une théorie pure de la notion.

Examinons d’abord les critères particuliers avancés pour justifier cette exigence, notamment l’existence d’un intérêt commun (a), pour ensuite mettre en évidence le critère plus général qui semble se profiler (b).

a. Critères particuliers

229. Intéressons-nous d’abord aux critères particuliers qui ont été avancés à savoir, l’inégalité entre parties instituée par le contrat, l’objet de l’obligation, l’essence du contrat, ou l’imbrication étroite des intérêts des cocontractants.

230. En premier lieu, certains contrats établissent une situation inégalitaire entre cocontractants. L’inégalité entre partenaires contractuels inhérente à certains contrats se présente comme un des critères de la coopération qui opère comme un correctif à cette situation672. Aussi, « [très] souvent, la jurisprudence tiendra compte

du rapport inégalitaire entre les parties pour accroître les obligations du professionnel à l'égard du profane »673. Les relations contractuelles de dépendance674 se présentent

particulier à l'apparition d'un nouveau type de contrat, le contrat-coopération » (M. Latina, Rép. civ. Dalloz, Vo Contrat, no 121. V. notamment la doctrine citée par l’auteur : R. Libchaber, Réflexions sur

les effets du contrat, in Mélanges Jean-Luc Aubert, Dalloz, 2005, p. 211 s. ; Y. Lequette, Bilan des solidarismes contractuels, in Mélanges Paul Didier, Économica, 2008, pp. 247 s. ; Retour sur le solidarisme contractuel : le rendez-vous manqué des solidaristes français avec la dogmatique juridique, in Mélanges Jean Hauser, Dalloz, 2012, pp. 879 s.).

672 La contrepartie de la dépendance impose pour la partie forte de ne pas « confisquer le contrat dans

son intérêt exclusif, avec indifférence et mépris pour les intérêts légitimes de son partenaire, à savoir pour la poursuite de son activité économique » (D. Mazeaud, obs. sous Cass. com., 15 janv. 2002, no

99-21172, D. 2002, p. 2841).

673 J.-Cl. Civ. Code, Art. 1134 et 1135, fasc. 11, par Y. Picod, n° 47. Un parallèle a pu être opéré avec

le contrat de travail. V. sur ce point, quant aux contrats de concession, C. Jamin, note sous Cass. com. 15 janv. 2002, pourvoi n° 99-21172, op. cit.: « Certes, les réseaux de concessionnaires sont uniquement constitués d'un ensemble de contrats. Cependant ceux-ci ne se bornent pas à être le support d'échanges : ils créent de véritables organisations destinées à perdurer. Or, même dépourvues de la personnalité morale, celles-ci engendrent immanquablement des rapports de domination qui les apparentent le plus souvent à des structures hiérarchiques, celles-ci empruntant alors au moins de manière partielle à une logique institutionnelle, bien qu'elles prennent soin de ne jamais se présenter comme telles. C'est la raison pour laquelle il est très difficile d'invoquer à leur propos un principe de liberté de choix dans les modes de gestion et d'allocation des ressources, dont le principal effet est d'exonérer ceux qui animent les réseaux de leur responsabilité à l'égard de leurs cocontractants. Un tel raisonnement entérinerait le fait que le contrat soit un pur moyen de domination de certaines

donc comme le « domaine de prédilection »675 de l’obligation de coopération, et de l’exigence de prise en compte de l’intérêt du cocontractant. « L’inégalité et la dépendance qui président parfois à la conception du contrat sont corrigés et compensés par cet impératif moral qui contribue ainsi à restaurer une certaine justice contractuelle »676. Ce critère est compatible avec une théorie pure de la notion de

prise en compte de l’intérêt du cocontractant, et c’est ici un des domaines où apparaît son rôle correctif du rapport entre principes de liberté et d’égalité677.

231. En second lieu, dans certains contrats, c’est l'objet de l'obligation qui imposera une attention plus grande à l’intérêt du cocontractant. En effet si l’objet est complexe678 ou dangereux, il découle du bon sens que l’exécution imposera, une

collaboration plus étroite de la part du débiteur et du créancier679 ; « plus une

opération est complexe, plus le créancier doit faciliter l’exécution du contrat en collaborant avec son débiteur »680. Ici, si l’exigence de prise en compte de l’intérêt du

personnes sur d'autres dont les intérêts pourraient être à tout moment sacrifiés sans aucune contrepartie, en contradiction flagrante avec la philosophie libérale qui sert pourtant de support à la critique de l'arrêt, puisque le contrat ne se présenterait plus alors comme un instrument

d'émancipation individuelle, l'un des contractants s'obligeant à commander et l'autre à obéir, un peu à

la manière d'un sujet ».

674 Ce « devoir imposé aux contractants d'exercer les droits et les pouvoirs que leur confèrent la loi ou

le contrat dans le respect de l'intérêt légitime d'autrui a, essentiellement, vocation à se déployer dans les relations contractuelles de dépendance, qui sont marquées par une inégalité des parties lors de leur formation et de leur exécution (…) qui s'inscrivent dans la durée, qui se caractérisent souvent par une communauté de clientèle et qui se cristallisent dans une clause d'exclusivité », D. Mazeaud, obs. sous Cass. com., 15 janv. 2002, no 99-21172, op. cit.

675 D. Mazeaud, Solidarisme contractuel et réalisation du contrat, op. cit., spéc. p. 59.

676 D. Mazeaud, Loyauté, solidarité, fraternité : la nouvelle devise contractuelle ?, in Mélanges

François Terré, PUF Dalloz Éd. du Juris-Classeur, Paris, 1999, p. 603, spéc. p. 610.

677 V. supra nos 161 s. Si la liberté du plus fort est exercée sans égard pour les intérêts de la partie en

situation de dépendance, il est légitime qu’un correctif de cette liberté intervienne pour que le contrat ne soit pas un instrument d’exploitation au nom du principe de liberté.

678 V. par ex. les exemples jurisprudentiels cités par B. Starck, H. Roland et L. Boyer, Droit civil, Les

obligations, t. 2. Contrat, Litec, Paris, 6e éd., 1998, no 1389 p. 481.

679 L’exemple des contrats informatiques est très utile à cet égard. En effet, « [la] technicité de la

prestation sera ainsi largement prise en considération (…), le vendeur devra aider l'acquéreur à définir ses besoins et bien souvent prolonger son obligation de conseil par une assistance à la mise en route, voire par la formation du personnel de l'acquéreur (V. M. Vivant et C. Le Stanc, Droit de l'informatique et des réseaux : Lamy 1999, n° 4) ; pour définir les besoins de l'acquéreur, il devra également "procéder à une étude préalable et sérieuse des besoins (...) pour parvenir à l'élaboration du logiciel se rapprochant le plus possible des buts recherchés" (CA Paris, 18 juin 1984, cité in Vivant et Le Stanc, op. et loc. cit.). La dangerosité du produit ou de la prestation de service fait, depuis longtemps, peser sur le débiteur une obligation de mise en garde particulièrement stricte, largement consacrée par le droit de la consommation » (J.-Cl. Civ. Code, Art. 1134 et 1135, fasc. 11, par Y. Picod, n° 46).

680 F. Diesse, L’exigence de la coopération contractuelle dans le commerce international, op. cit.,

cocontractant se confond avec les nécessités d’une bonne exécution du contrat, elle n’aurait aucune particularité et s’éloignerait de la théorie pure de la notion.

232. En troisième lieu, c’est « l’essence »681 même du contrat qui justifierait

parfois une telle exigence, tels le contrat de société, le contrat de travail, où ceux dont l’objet même est la prise en charge de l’intérêt du cocontractant, tel le contrat de mandat. Ces contrats mettent en avant, par essence, une qualité de confiance particulière entre cocontractants qui justifie une exigence de collaboration renforcée ou permanente. Pour le contrat de société par exemple, les « associés, en raison de

l’affectio societatis qui caractérise les sociétés, se doivent mutuellement une loyauté

particulière »682.

Ici ceux sont les caractéristiques particulières de la relation entre contractants qui justifient l’exigence de prise en compte de l’intérêt du cocontractant. En effet, certains contrats étant appelés à se développer dans le temps, ou mettant en œuvre un projet commun ou une relation de confiance particulière entre contractants, sont un terrain propice à la collaboration. Ce sont des contrats qui ont en commun le fait que « l’utilité du contrat n’apparaît pas spontanément par son exécution formelle. Le concours actif et durable de chacune des parties est nécessaire si l’on veut que le contrat accouche de toute sa richesse »683.

Mais la prise en compte exigée dans ces contrats s’éloigne du champ de notre étude puisqu’elle ne relève pas d’une théorie pure de la notion, tel que nous l’avons clarifié dès notre introduction, puisqu’elle n’aurait aucune particularité684.

233. En dernier lieu, qu’en est-il des autres contrats ne comportant pas intrinsèquement un rapport de confiance entre parties, tels les contrats commerciaux par exemple ? Ici la durée, l’ancienneté de la relation contractuelle, l’imbrication des intérêts de façon à établir un réel projet commun685 ou un degré particulier de

681 Ph. Le Tourneau, Rép. civ. Dalloz, Vo Bonne foi, no 75.

682 J. Ghestin, note sous Cass. com., 27 fév. 1996, Bull. civ. IV, n° 65, p. 50, JCP G 1996, II, 22665,

p. 287.

683 Ph. Stoffel-Munck, Regards sur la théorie de l'imprévision. Vers une souplesse contractuelle en

droit privé français contemporain, PUAM, 1994, no 159.

684 Nous nous intéressons à la prise en compte de l’intérêt du cocontractant justement lorsqu’elle n’est

pas l’essence ou l’objet du contrat, donc dans les contrats présentant une dynamique antagoniste d’intérêts.

685 V. sur ce point A. Cathiard, note sous Cass. com., 6 fév. 2007, no 03-20463, D. 2007, p. 1317 :

confiance686, sont tous des indices ayant été avancés pour justifier l’obligation d’être attentif aux intérêts du partenaire contractuel. Par exemple les contrats commerciaux internationaux rendent la collaboration nécessaire vu les difficultés liées aux distances ainsi que les enjeux souvent importants reliés à tels contrats.

Quant au critère spécifique d’« imbrication des intérêts », deux raisons nous poussent pourtant à le refuser comme justification de la prise en compte.

D’abord, ce critère renvoie à la question de l’altérité entre les deux parties, et éloigne la prise en compte de sa conception morale et donc de sa théorie pure.

Certes, « lorsque (…) le degré d’altérité entre les parties tend à devenir nul, la texture de la relation en est profondément changée »687. Ripert écrit : « en droit privé,

nous allons voir l’obligation d’assistance apparaître entre les personnes qui font partie du même groupement »688. Mais quel est, en particulier, l’effet de l’altérité sur

la collaboration entendue comme prise en compte de l’intérêt de l’autre partie ?

Pour M. Stoffel-munck, et « en raison de la règle générale liant, dans d’inverses proportions, solidarité et altérité, le contractant est d’autant plus fondé à s’attendre à la bienveillance d’autrui que celui-ci lui serait proche. En d’autres termes, moins les parties sont étrangères l’une à l’autre, plus la loyauté se fera oeuvre de règles juridiques spécifiques de contrôle (…). La durée permet l'aménagement de rapports mutuels entre des parties qui recherchent une organisation complexe de la production, la mise en place d'un réseau ou d'un système de coopération professionnelle (…) Au demeurant, l'écoulement du temps assure aux parties la mise en place de liens réciproques. Les antagonismes respectifs s'effacent devant le projet commun des parties de ‘‘construire-ensemble’’. Il en résulte, notamment, une exigence de collaboration qui oblige les partenaires relationnels » ; et M. Fontaine, Les contrats

internationaux à long terme, in Mélanges Roger Houin, Dalloz, Sirey, 1985, p. 263 : « Certains

contrats réalisent un équilibre ponctuel entre des intérêts, qui restent fondamentalement divergents. (…) D’autres, par contre, associent les contractants dans la poursuite d’un intérêt commun. (…) Pour réaliser une œuvre de longue haleine, il faut collaborer ».

686 « La loyauté est une norme de comportement par essence flexible. Toujours présente dans le

contrat, cette exigence pèse cependant d'un poids variable d'une relation contractuelle à l'autre, selon le degré de confiance que pouvaient concrètement se faire les contractants » (Ph. Stoffel-Munck, note sous Cass. com. 10 juil. 2007, no 06-14768, D. 2007, p. 2839).

687 Ph. Stoffel-Munck, L'abus dans le contrat, essai d'une théorie, préface R. Bout, LGDJ, 2000, n°

242, p. 210. L’auteur poursuit : « le simple fait de contracter rend les parties moins étrangères l’une à l’autre (…) L’amoindrissement de l’altérité découlant de la communauté contractuelle peut justifier que les exigences morales dictées par l’article 1134 al. 3 trouvent alors une prise plus forte qu’ailleurs. (…) L’altérité n’est pas identique dans tous les contrats, ceux-ci ne donnent pas tous lieu à une ‘‘petite société’’» (Eod loc. spéc. n° 245, pp. 213-214). Mais dans quel sens l’altérité est-elle entendue dans cette dernière affirmation ? Si c’est dans le sens que les parties deviennent moins étrangères lorsqu’elles contractent, alors la réduction de l’altérité joue de la même façon dans tous les contrats. S’il s’agit de l’altérité des intérêts en jeu, alors il y a bien sûr une différence entre les contrats.

688 G. Ripert, La règle morale dans les obligations civiles, LGDJ, Paris, 4e éd., 1949, n° 150, spéc. p.

exigeante, et plus le modèle de comparaison en fonction duquel s’apprécie in

abstracto le manquement à l’article 1134 al. 3 sera paré de vertus »689. C’est cette

dernière partie de l’affirmation que nous remettons en question.

Bien sûr la collaboration ou la prise en compte de l’intérêt du cocontractant est renforcée lorsque le degré d’altérité est moindre (d’où la particularité du droit des sociétés, du droit du travail etc…), mais ceci veut-il dire qu’un seuil de moralité plus important est atteint, que le modèle de comportement serait plus « paré de vertus », qu’en définitive la fraternité ou l’altruisme en sont pour autant accrus ? Une réponse négative s’impose. Nous avons démontré le rapport inversement proportionnel entre la communauté ou l’identité des intérêts et la fraternité. Si ce degré moindre d’altérité entre les intérêts des parties, introduit une exigence de prise en compte de l’intérêt de l’autre partie, nous pensons que celle-ci s’écarte dans ce cas de la théorie pure de la notion.

Ensuite, la Cour de cassation, a refusé, dans le même mouvement évinçant toute obligation d’assistance, ce critère de l’« intérêt commun » ou celui de « réseau à l’essor duquel les deux partenaires participent au mieux d’intérêts économiques communs » comme justification cette obligation. Certains considèrent en effet « le réseau de distribution intégrée (…) comme une communauté organisée, avec un maître à sa tête et des concessionnaires qui sont, sinon à ses ordres ou à son seul service, du moins au service d'une entreprise commune »690, où l’obligation d’assistance jouerait, à défaut d’accorder une indemnité au distributeur, comme le moyen technique pour qu’une certaine justice distributive s’opère en fin de contrat691. Mais la chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 7 octobre

689 Ph. Stoffel-Munck, L’abus dans le contrat, essai d'une théorie, op. cit., n° 245, p. 213.

690 Ph. Stoffel-Munck, obs. sous Cass. com., 6 mai 2002, n° 99-14.093, Juris-Data n° 2002-014206,

JCP G 2002, II, 10146.

691 Le réseau de distribution est apparenté à une institution, ou à une communauté à l’instar d’une

société, d’une entreprise, donc le raisonnement s’apparente beaucoup plus au droit des sociétés, ou au droit du travail, notamment lorsqu’on constate que la Cour d’appel évoquait « les intérêts économiques communs », qui rendent justifiable que les concessionnaires ne sortent pas sans le « fruit de leur participation à l'effort commun ». V. par ex. D. Mazeaud, obs. sous Cass. com., 15 janv. 2002, no 99-21172, op. cit: « le contractant dominant, qui exerce son droit de rompre

unilatéralement le contrat, devait faire en sorte que la fin de la relation économique qui l'unissait à son distributeur ne se solde pas inéluctablement par la cessation de l'activité économique du contractant dépendant (…) le concédant qui va désormais ‘‘tirer seul profit de l'intérêt commun’’ (…) ne saurait être indifférent à l’égard des intérêts légitimes de son ex-cocontractant ». La justice distributive commande ainsi, qu’au sein d’une communauté, les richesses soient partagées selon les

1997, affirme que « le contrat de concession n'est pas un mandat d'intérêt commun »692.

Dans ce type de contrat, « la satisfaction de l'intérêt du concédant est la conséquence et non la cause des actes juridiques passés par le concessionnaire »693. En effet, il ne suffit pas qu’il y ait satisfaction concomitante des

deux intérêts en jeu pour parler d’intérêt commun, sinon, « dans cette optique, la quasi-totalité des contrats synallagmatiques seraient d'intérêt commun »694, puisque la

réalisation de l’objet du contrat satisfait en principe l’intérêt de chacune des deux parties695.

D’ailleurs c’est essentiellement lors de la restructuration du réseau qu’apparaît à quel point les intérêts des deux parties peuvent être divergents, lorsque le concédant juge que son intérêt, pour l’essor de son réseau, lui commanderait d’en exclure son concessionnaire.

b. Critère général

234. Pour certains, ces critères particuliers ne sont pas suffisants. Certes, la nature du contrat et la relation particulière de confiance établie entre les parties (entre autres le contrat de société, le contrat de travail, celui à exécution successive, le mandat, la pratique commerciale surtout celle internationale), la complexité de la prestation, ou l’imbrication des intérêts des parties demeurent des critères essentiels de la coopération696, définie comme prise en compte réciproque de l’intérêt du

partenaire contractuel. Mais un critère plus global est aussi mis en avant, « chaque besoins (dans une conception plus fraternelle de la justice distributive) ou selon les mérites (dans une conception plus économique de la justice distributive).

692 Cass. com. 7 oct. 1997, n° 95-14.158, Bull. civ. IV, no 252, D. 1998, p. 413, note C. Jamin, et 333,

obs. D. Ferrier ; RTD civ. 1998, p. 130, obs. P.-Y. Gauthier, et 370, obs. J. Mestre ; RTD com. 1998,

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