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Si la fraternité suppose dans son concept une dynamique relationnelle (§1), qui serait donc aussi appelée à jouer entre contractants, l’altérité initiale est auss

Conclusion du chapitre

Section 1 : Relation et altérité au sein du concept de fraternité

72. Si la fraternité suppose dans son concept une dynamique relationnelle (§1), qui serait donc aussi appelée à jouer entre contractants, l’altérité initiale est auss

consubstantielle à la fraternité, une relation n’étant pas concevable sans cette altérité. En droit contractuel, cette question de l’altérité se traduit spécifiquement par la problématique du rapport entre concept de fraternité et altérité des intérêts (§2).

§1. Dynamique relationnelle

73. Seul le principe de fraternité, parmi les grands principes révolutionnaires, « exprime nos rapports avec autrui (…) ou devrait l’exprimer »204. Le concept, « dont

la vocation est de lier »205, se présente, entre les termes du triptyque, comme celui qui

ne s’adresse pas uniquement à l’individu, mais à la qualité du rapport206 qui l’unit aux

autres207.

203 Toujours est-il que cette entreprise modeste, démontre en même temps, la non réticence absolue de

la notion à être définie, et que si une volonté existe en ce sens, celle-ci est capable de s’y prêter.

204 P. de Saint-Robert, Et la Fraternité, Le Monde daté du 17 avril 1982. V. sur ce point égal. A.

Supiot, La fraternité et la loi, op. cit., spéc. n°1 : « Tandis que la liberté et l’égalité s’adressent aux individus, la fraternité vise au contraire les liens qui les unissent : son objet n’est pas l’individu, mais la communauté. Dans cette trilogie républicaine, elle seule représente l’idée de lien social » ; C. D. Gonthier, Liberty, Equality, Fraternity : The Forgotten Leg of the Trilogy, or Fraternity : The

Unspoken Third Pillar of Democracy, McGill Law Journal 2000, vol. 45, p. 567, spéc. pp. 569-570 :

« … fraternity is simply the forgotten element of democracy which, although rarely identified, is nevertheless present throughout our legal system. It is the glue that binds liberty and equality to a civil society. Is is intuitive. It is the forging element of a community. It advances goals of fairness and equity, trust and security, and brings an element of compassion and dedication to the goals of liberty and equality. It bonds individuals (…) but also provides a sense of continuity with the past and the future (…) Liberty and equality are, in a way, antithetical to fraternity. Whereas liberty and equality emphasize the rights of the individual, fraternity emphasizes the rights of the community. Whereas liberty protects the right to live free from interference, fraternity advances the goals of commitment and responsibility, of making positive steps in the community ».

205 M. Ozouf, op. cit., p. 158. V. égal. Lacordaire, 51e Conférence de Notre-Dame : « De l’homme en

tant qu’être social », p. 406, cité in G. Antoine, Liberté, Égalité, Fraternité ou les fluctuations d’une devise, Unesco, Paris, 1981, p. 136 : elle s’inscrit parmi les « droits nécessaires à ‘‘l’homme en tant

qu’être social’’ (…) pour qu’un sentiment de confiance et d’amour élargisse les liens étroits de l’ordre social ».

206 La fraternité implique un autre genre de comportements que l’aide matérielle. Elle « suppose

confiance, respect, estime, [et] tolérance réciproque » (M. Bedjaoui, La « fraternité », concept moral

ou principe juridique ?. Introduction générale, in La fraternité, ACCPUF, Paris, 2004, p. 11, spéc. p.

20), et renvoie aux idées d’« affection, [d’] amitié, [de] chaleur d’âme, [d’] enthousiasme de bonté, [de] sacrifice » (L. Fleurant, Sur la solidarité : le fait et ses principales formes, son exacte valeur

Dans la morale chrétienne, l’amour, matrice du comportement fraternel, implique ouverture sur l’autre et non discrimination, et englobe même l’ennemi208. La fraternité chez les chrétiens a donc nécessairement un caractère universel, elle ne peut tolérer aucune forme d’exclusion, fût-ce celle de l’ennemi.

Avec la révolution, la dimension unificatrice de la fraternité sera mise en exergue puisqu’elle semble avoir été employée comme « conjuration des menaces de divisions »209. En effet, la fraternité se situe à l’opposé de l’individualité210, et

participe du dépassement de l’égoïsme211. La fraternité participe donc de ce

comportement de dépassement de soi, de dépassement de l’individualisme pour faire l’espace à l’Autre et prendre en compte son point de vue, son intérêt, sa situation212.

morale, la solidarité dans l’éducation à la démocratie, Société française d’imprimerie et de librairie,

1907, p. 245).

207 De là, une certaine difficulté de l’assimilation de cette idée par la Révolution qui « définit des

individus autonomes, alors que la fraternité est organiquement liée à la vie de l’unité » (M. Ozouf, op.

cit., p. 158). Malgré la contestation de la fraternité avec la révolution, par la montée en flèche de

l’individualisme, ainsi qu’à cause des « puissantes racines chrétiennes » (Ibid., p. 160) de celle-ci, elle réussit à demeurer indispensable, dans sa dimension unificatrice, à l’héritage révolutionnaire, pour la lutte contre les divisions que connaît la période révolutionnaire.

208 L’amour de l’ennemi (« Aimez vos ennemis (…) afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est

dans les cieux », cf. La Bible de Jérusalem, éd. du Cerf, 1998, Vo Nouveau Testament, Matthieu, 5,

44-45), commandement important pour les chrétiens, traduit la portée qui se veut sans limites de l’amour. L’amour est ouverture sur tout prochain même l’adversaire ou l’ennemi, ouverture qui élimine donc en les dépassant, les distinctions de races de cultures ou de nations entre les hommes (La Bible de Jérusalem, éd. du Cerf, 1998, Vo Nouveau Testament, Galates, 3, 28).

209 La Révolution a eu quelque difficulté à l’assimilation de cette idée, puisqu’elle « définit des

individus autonomes, alors que la fraternité est organiquement liée à la vie de l’unité » (M. Ozouf, op.

cit., p. 158). Malgré la contestation de la fraternité avec la révolution, par la montée en flèche de

l’individualisme, ainsi qu’à cause des « puissantes racines chrétiennes » (Ibid., p. 160) de celle-ci, elle réussit à demeurer indispensable, dans sa dimension unificatrice, à l’héritage révolutionnaire, pour la lutte contre les divisions que connaît la période révolutionnaire. V. M. Ozouf, op. cit., p. 160. V. égal. sur ce point, C. Haroche, La compassion comme amour social et politique de l’autre au

XVIIIème, in J. Chevalier, C. Haroche, D. Cochart-Coste, La solidarité, un sentiment républicain ?,

PUF, Paris, 1992, p. 11, spéc. p. 13 : « comment, devant le recul de la religion, les progrès d’une raison critique, d’un esprit libre-penseur, préserver néanmoins le lien social ; comment ‘‘prévenir la dissolution’’ d’une société composée d’individus qui bientôt vont devenir ‘‘libres et égaux’’ ». La réponse sera donnée par le rôle joué par la fraternité.

210 Il existe en effet « au cœur de l’homme [un] double mouvement, l’un le tirant vers l’individualité,

l’autre vers la fraternité » (Michelet, cité in G. Antoine, Liberté, Égalité, Fraternité ou les

fluctuations d’une devise, Unesco, Paris, 1981, p. 138).

211 V. sur ce point M. Ozouf, op. cit., p. 174 : « rien ne dit mieux la contestation du moi personnel que

cette disposition, qui manifeste l’antécédence de la fraternité sur toute volonté individuelle ».

212 V. sur ce point C. Haroche, La compassion comme amour social et politique de l’autre au

XVIIIème, op. cit., p. 11 : « [L]’invocation de la fraternité, la condamnation de l’égoïsme renvoient

fondamentalement à la question de l’amour du semblable, et au problème de la compassion (…) cette capacité de souffrir avec autrui, cette sensibilité à la souffrance d’autrui ».

Puisqu’elle assure donc le maintien du lien à autrui, elle ne tolère point la passivité devant une situation de détresse ou d’exclusion213 sous quelque forme que ce soit - notamment sociale ou économique - de ceux qu’elles considèrent comme frères. Sa vocation à maintenir le lien entre la communauté des frères est ainsi mise en avant, et elle apparaît compatible pour forger des comportements qui « manifestent amitié et collaboration »214.

La fraternité suppose donc une dynamique relationnelle. Pourtant, la relation n’est pas concevable sans altérité. En droit contractuel, cette question de l’altérité se traduit spécifiquement par la problématique du rapport entre fraternité et altérité des intérêts, donc entre fraternité et intérêt commun.

§2. L’altérité des intérêts

74. Il est commun de voir la fraternité définie comme une œuvre ou une

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