• Aucun résultat trouvé

246. Dès la seconde moitié du dix-neuvième siècle, un nombre grandissant de scientifiques, écrivains, politiciens ou tout simplement amoureux de la nature américains commencèrent à réaliser la nécessité de protéger contre les atteintes humaines les sites les plus exceptionnels que la conquête de 1 'Ouest avait révélés. C'est ainsi que furent établis les premiers parcs nationaux, Yosemite, en 1864, et Yellowstone, en 1870709 . La lutte pour la création et le développement de ces parcs n'était

le plan fédéral (U.S. PIRG) et étatique (par exemple, CALPIRG en Californie et MASSPIRG au Massachusetts). Créé en 1983, il privilégie les instruments d'ac-tion politiques, lobbying et initiatives populaires, mais recourt parfois également aux procédures judiciaires. Quant au World Wildlife Fund USA et son organisa-tion soeur la Conservaorganisa-tion Foundaorganisa-tion, ils se consacrent, d'une part, à l'action internationale et, d'autre part, sur le plan intérieur, à une promotion non conten-tieuse des thèses écologistes. Enfin, Greenpeace, dont 1 'audience est en fait mon-diale, se spécialise dans les actions directes spectaculaires et ne s'adresse que très exceptionnellement aux tribunaux.

708 En ce qui concerne les affaires tranchées par les cours d'appel dans lesquelles 1 'une au moins des sept grandes organisations était partie, une association locale ou régionale était présente dans un bon tiers des cas en 1994, dans la moitié des cas en 1989 et dans le tiers des cas en 1980 (compilation de 1 'auteur, infra no 286).

709 Cf. SAX (1980) pp. 5 ss.

LES VOIES DE DROIT DES ORGANISA TI ONS ÉCOLOGISTES

certes pas aisée. Il s'agissait en effet de soustraire à 1 'exploitation éco-nomique des richesses considérables en eau, bois, pâturages et minerais de toutes sortes. La concrétisation de cet objectif nécessitait 1' émer-gence d'un fort soutien populaire et, pour susciter ce soutien, il conve-nait de faire connaître et apprécier les merveilles naturelles méritant protection710

C'est avec ces préoccupations en tête que quelques dizaines d'in-tellectuels californiens, réunis autour du naturaliste John Muir, fondè-rent en 1892, à San Francisco, le Sierra Club, dans le but «d'explorer, rendre accessibles et jouir des régions montagneuses de la côte Pacifi-que; de publier des informations authentiques les concernant» et «d'ob-tenir le soutien et la coopération de la population et du gouvernement pour la préservation des forêts et autres richesses naturelles de la Sierra Nevada»711. Le Sierra Club entreprit l'organisation d'excursions-d'abord scientifiques, puis en majorité récréatives- dans les régions encore sauvages de 1 'Ouest des Etats-Unis 712. Il se trouva aussi très vite confronté au combat politique à travers la lutte acharnée qui l'opposa à la ville de San Francisco désireuse de noyer la vallée de Hetch Hetchy, aux confins du parc de Yosemite, afin d'en faire un réservoir pour son alimentation en eau. Cette bataille finalement perdue forgea néanmoins 1 'esprit militant du Sierra Club713 .

247. Aujourd'hui, le problème n'est plus d'attirer les touristes dans les parc nationaux afin d'enjustifier l'existence, mais au contraire de limiter le nombre des visiteurs, qui met en péril l'intégrité même des parcs714. Le Sierra Club a conservé sa vocation touristique, mais il a dû, au fil des années, en adapter l'esprit aux nouvelles circonstances715

En tant que groupe de pression, le Sierra Club est toujours prioritairement centré sur la préservation des espaces naturels, avec leur faune et leur flore, notamment par 1' extension et la stricte protection

710 Id. p. 10.

711 TURNER (1991) pp. 47 ss, spéc. 48; SIERRA CLUB (1989) p. 10.

712 TURNER (1991) pp. 55 ss et 80 ss; SIERRA CLUB (1989) pp. 10 ss.

713 TURNER (1991) pp. 66 ss; SIERRA CLUB (1989) pp. 21-22; SAX (1980) p. 9.

714 Pour une réflexion sur un usage des parcs préservant leur raison d'être, cf. SAX (1980) passim.

715 C'est ainsi que dans les buts statutaires du Club l'expression «rendre accessi-bles» les régions sauvages a été remplacée par «protéger», cf. SIERRA CLUB ( 1989) pp. 17 et 60 (Bylaw 2.2, première phrase). Sur l'évolution de l'approche du Sierra Club dans la période d'après-guerre, cf. TURNER (1991) pp. 140 ss.

LES SUJETS DES VOIES DE DROIT

des parcs nationaux et des réserves naturelles716. Mais il a élargi son champ d'action, tant sur le plan territorial, puisqu'il est présent dans tous les Etats, que sur le plan thématique. Depuis une vingtaine d'an-nées, en effet, le Sierra Club intervient sur l'ensemble des problèmes écologiques, comme la pollution de l'air et de l'eau, les toxiques et la politique de 1 'énergie717.

248. Organisé en association à but non lucratif de droit califor-nien718, le Sierra Club revendique environ 535 000 membres719 répartis en 63 «chapitres» régionaux, comprenant eux-mêmes un total de 398 groupes locaux720.

Le Club dispose d'un budget de presque 45 millions de dollars 721 et emploie près de 300 personnes722 . Outre son siège de San Francisco, il dispose d'un secrétariat à Washington et de 16 antennes régionales723 . L'importance de son personnel lui donne une solide base profession-nelle, mais il tire également sa force de la très grande proportion de ses membres qui sont des militants actifs. L'accent mis sur l'encourage-ment et 1 'encadrement du volontariat est 1 'une des particularités du Sierra Club724

249. Outre les traditionnelles excursions dans la nature, les activi-tés du Sierra Club s'articulent sur l'information, l'intervention politi-que et les procédures juridipoliti-ques. Vu la structure décentralisée du Sierra Club, ces activités ne concernent pas que les problèmes nationaux, mais également les questions régionales ou locales.

Le Sierra Club édite de nombreux livres sur la nature: guides, ouvra-ges d'art, livres d'enfants, études historiques ou philosophiques. Il dif-fuse aussi une abondante littérature militante sous forme de revues, let-tres d'actualité, bulletins régionaux 725 .

716 TURNER (1991) pp. 207-208.

717 TURNER (1991) pp. 186 ss; SIERRA CLUB (1989) pp. 32 ss.

718 SIERRA CLUB (1989) p. 60.

719 Sierra Club Financial Report 1993. Ce chiffre dénote une baisse récente du nom-bre de memnom-bres, qui s'élevait à 600000 en 1990, après dix ans d'accroissement spectaculaire, cf. TURNER (1991) p. 220.

720 Sierra Club Financial Report 1993.

721 Id.

722 SIERRA CLUB (1989) p. 44.

723 Id. pp. 44 et 64.

724 Id. pp. 41 ss et 50-51.

725 Id. pp. 46 ss; TURNER (1991) pp. 242 ss.

LES VOIES DE DROIT DES ORGANISA TI ONS ÉCOLOGISTES

L'engagement politique du Sierra Club se traduit d'abord par un intense lobbying parlementaire reposant à la fois sur le savoir-faire de ses professionnels et sur la mobilisation de ses militants de base726. Mais le Sierra Club n'hésite pas non plus à se lancer sur le terrain électoral en apportant son soutien aux candidats qu'iljuge favorables à ses thèses727 et même, dans les Etats qui connaissent cette institution728, en soute-nant des initiatives populaires729. Il apparaît comme la plus politique des grandes organisations écologistes américaines. Il s'est ainsi trouvé parmi les opposants les plus résolus au premier secrétaire à l'intérieur du président Reagan, James Watt, dont les prises de position violem-ment anti-écologistes avaient suscité une levée de bouclier sans précé-dent. La confrontation avec les instances gouvernementales durant les huit années de 1 'administration Reagan devait au demeurant apporter au Sierra Club une augmentation de 250% de son effectif730

250. Depuis 1970 environ, le Sierra Club est en pointe en ce qui concerne 1 'utilisation des procédures judiciaires en matière de défense de l'environnement. Cette activité a d'ailleurs pris une telle importance qu'elle a été confiée, dès 1971, à une institution apparentée, mais indé-pendante juridiquement, le Sierra Club Legal Defense Fund (SCLDF)731

.

Le Sierra Club ne dispose donc pas d'un service juridique propre. Lors-que la Lors-question d'une procédure se pose, 1 'affaire est transmise au SCLDF ou, si celui-ci est trop chargé pour s'occuper d'une affaire locale, à un avocat privé132

251. Il faut encore noter qu'ayant perdu, en 1966, son statut fiscal privilégié, en raison de son engagement politique, le Sierra Club a tourné la difficulté en créant la Sierra Club Foundation. Cette dernière n'exer-çant pas d'activité politique, les contributions qu'elle reçoit sont fisca-lement déductibles des revenus des donateurs. Son activité consiste uni-quement à financer diverses actions du Club et du SCLDF733

726 TURNER (1991) pp. 204 ss; SIERRA CLUB (1989), notes marginales, passim.

727 TURNER (1991) pp. 228 ss; SIERRA CLUB (1989) pp. 49-50.

728 Il s'agit surtout des Etats de l'Ouest, cf. AUER (1989) pp. 35 ss.

729 Par exemple, l'initiative dite «Big Green» ou Environmental Protection Act of 1990 repoussée par les électeurs californiens en novembre 1990.

730 TURNER (1991) pp. 230 ss; SIERRA CLUB (1989) pp. 35-36.

731 TURNER (1991) pp. 190-191; SIERRA CLUB (1989) pp. 53 ss.

732 SIERRA CLUB (1989) p. 55.

733 Id. pp. 29 (note marginale) et 51-52.

LES SUJETS DES VOIES DE DROIT