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H. La Wildemess Society

II. Critères d'intervention et stratégies des

2) Stratégies

293. C'est l'objectifultime de l'organisation recourante qui dé-termine sa stratégie. Si cet objectif est purement et simplement de faire échec à un projet inacceptable du point de vue de la protection de l'environnement, le recours apparaît comme le moyen le plus direct de contester ledit projet. On observe, d'une manière générale, que, dans une stratégie d'opposition résolue, le recours n'est qu'un instrument de combat parmi d'autres. Les organisations écologistes n'hésitent pas à

841 Infra no 315.

842 RIVA (1980) pp. 108 et 173.

843 Cf. RIVA (1980) p. 173.

L'USAGE DES VOIES DE DROIT

utiliser 1' ensemble des moyens de participation à leur disposition844 :

pétitions, manifestation, référendums, initiatives populaires cantonales ou nationales845. Dans cette perspective, elles cherchent également à présenter le front le plus large possible. Il arrive d'ailleurs que leurs partenaires soient non seulement des organisations similaires ou des as-sociations d'habitants directement concernés, mais également des col-lectivités publiques846.

Le recours peut, au demeurant, se révéler efficace non seulement en cas d'admission, mais également en raison de son effet suspensif qui, dans certains cas, donne le temps à l'opposition politique de s'or-ganiser ou encore conduit les promoteurs de l'entreprise à reconsidérer leur projet847 . Si les circonstances politiques et économiques ont sensi-blement évolué durant le cours de la procédure, il se peut que les recourants gagnent la partie par abandon de leurs adversaires848.

294. Certains projets d'aménagement ont un impact négatif sur l'environnement, sans qu'il soit justifié ou politiquement réaliste d'en exiger l'abandon pur et simple. L'objectif des organisations écologistes est dans ce cas de pousser à la réalisation de la variante la moins dom-mageable possible et d'obtenir, le cas échéant, les meilleures mesures de protection ou de compensation. Cette démarche implique une straté-gie de négociation avec les promoteurs et les autorités849. Dans ce cadre,

844 Sur ces moyens, cf. TANQUEREL (1988) pp. 83 ss.

845 Ainsi, la place d'armes projetée à l'emplacement des marais de Rothenthurm a fait l'objet de plusieurs recours au Tribunal fédéral (ATF 112 lb 280, Besmer, et les arrêts cités), ainsi que d'une des rares initiatives populaires acceptées par le peuple et les cantons (art. 24 sexies al. 5 Cst.; FF 1985 Il 1449, FF 1988 1 541). droit contre la décision du Tribunal administratif écartant la mise sous protection d'un site.

Sur la distinction entre 1 'efficacité purement juridique et 1' efficacité matérielle des moyens de participation, dont les recours, cf. TANQUEREL (1988) pp. 165 ss.

L'affaire de la Croix-de-Coeur (dont l'historique est résumé dans l' ATF 112 lb 353, 354-355) est un bon exemple de stratégie globale, où le succès des oppo-sants a résulté de victoires judiciaires, mais aussi, en fin de compte, du renonce-ment des promoteurs, dont le projet n'était plus défendable dans un contexte devenu plus favorable à la protection du paysage et de l'environnement.

On peut observer des exemples de cette stratégie parmi les cas exposés in Protec-tion du paysage en Suisse 1994 pp. 84 ss. Voir aussi BADILA TT! ( 1992) pp. 5 et 8.

Voir aussi 1' affaire du remaniement parcellaire de Salquenen, en Valais, qui a fait

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l'usage du droit de recours peut être un moyen de forcer l'ouverture d'un dialogue et l'obtention de concessions. Mais il peut aussi sanc-tionner l'échec de négociations menées au stade non contentieux de la procédure850.

295. Le droit de recours étant limité aux décisions concrètes, son usage ne permet guère d'intervenir au niveau de la production norma-tive formelle 851 . Tout au plus l'opposition à certains projets concrets peut-elle participer de la contestation globale d'une option politique et accompagner la revendication d'un nouveau cadre normatif. Dans cette optique, le recours n'entre pas dans une stratégie conservatrice, mais complète une démarche réformatrice852.

L'usage du droit de recours permet, en revanche, d'influencer la politique des autorités d'application.

296. Le droit de recours permet en effet de faire trancher des ques-tions relatives à l'application des normes légales, que le législateur n'a pas pu ou voulu régler précisément. Le droit de protection de la nature et de l'environnement fait nécessairement appel à de nombreuses no-tions juridiques indéterminées et au mécanisme de la pesée des inté-rêts853. Les autorités d'application disposent donc d'une assez large marge de manoeuvre. Pour éviter que cette latitude n'aboutisse à un affaiblissement systématique de la mise en oeuvre de la loi854, les orga-nisations écologistes peuvent souhaiter une jurisprudence qui l'encadre dans une direction favorable à leurs objectifs. Elles ont intérêt à recher-cher une telle jurisprudence dans des cas où le risque de mauvais précé-dent est réduit et où le résultat concret manifestement souhaitable, y

l'objet d'une longue procédure, ponctuée de deux arrêts du Tribunal fédéral (ATF 118 lb 381; 114 lb 224), avant d'aboutir, entre le WWF et les propriétaires, à une convention ménageant les différents intérêts en cause (Panda 5/1995 p. 11).

850 D'après plusieurs responsables d'organisations écologistes suisses, cette deuxième hypothèse est assez fréquente.

851 D'autres moyens permettent une intervention sur ce plan-là, notamment les droits populaires, les pressions sur les parlementaires, la participation aux procédures de consultation; en matière réglementaire, la portée de 1 'intervention des organi-sations écologistes reste toutefois limitée; cf. TANQUEREL (1988) pp. 83 ss et 175 ss, spéc. p. 195.

852 Cf. TANQUEREL (1988) p. 75.

853 RIVA (1980) pp. 16-17.

854 WEISS (1989) oppose ainsi la «bonne note» que méritent les lois de protection de la nature et du paysage à l'application «misérable» qui en est faite.

L'USAGE DES VOIES DE DROIT

compris aux yeux de l'autorité de recours, plaide pour l'admission du principe juridique qu'elles défendent.

297. Les organisations écologistes peuvent aussi influencer l'ap-plication de la loi en renforçant par des actes 1 'effet préventif du droit de recours. Cet effet préventif repose sur l'idée que les autorités d'ap-plication, peu désireuses de voir leurs décisions attaquées ou, pire, cas-sées, porteront une attention plus soutenue aux exigences légales de protection de la nature et de l'environnement dès lors qu'elles savent que des organisations à but idéal sont habilitées à recourir855. Cette dis-suasion abstraite ne suffit pas toujours. Une campagne de recours systé-matique pendant un temps donné est parfois nécessaire pour obtenir un changement de pratique administrative. Une fois le sérieux de cette «po-lice écologique» reconnu par l'autorité visée, l'usage effectif du droit de recours n'est en général plus nécessaire856.

B. Aux Etats-Unis

1) Critères d'intervention

298. Comme en Suisse, l'importance d'une atteinte à l'environne-ment est un critère fondal'environne-mental de l'intervention contentieuse des or-ganisations écologistes. Comme l'objet potentiel des voies de droit américaines est plus étendu que celui des voies suisses, l'éventail des atteintes pouvant être prises en considération est également plus large:

entrent en ligne de compte non seulement les projets de nouveaux amé-nagements ou les travaux exécutés en l'absence d'une autorisation exi-gée par la loi, mais aussi les atteintes résultant d'une activité en cours ou d'une carence administrative.

Confrontées à un champ d'intervention plus vaste et ne disposant pas de moyens proportionnellement plus élevés857, les grandes organi-sations américaines doivent appliquer le critère de l'importance de l'at-teinte avec plus de sévérité que leurs homologues helvétiques. Ce

cri-855 RIVA (1980) pp. 177-178; lMHOLZ (1980) p. 5.

856 Une telle opération a été menée avec succès par la LSPN, entre 1971 et 1973, en matière de défrichements en Suisse méridionale, cf. BRUNNER (1990) p. 20.

857 Supra no 278.

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tère doit en outre presque toujours être combiné avec d'autres facteurs de décision.

299. La portée juridique de la question litigieuse est également un élément déterminant dans la décision d'entamer ou non une procédure.

La très grande variété des motifs d'actionjudiciaire et des conclusions admissibles- en particulier la possibilité de demander à un juge qu'il ordonne à 1' administration d'entreprendre une action déterminée- ouvre un champ intéressant à la recherche de précédents. Les organisations écologistes peuvent souvent se permettre des demandes relativement hardies, risquant tout au plus, en cas de défaite judiciaire, le maintien du statu quo858.

Il faut remarquer, dans ce contexte, que la réputation d'un tribunal, jugé plus ou moins favorable aux thèses écologistes, peut également jouer un rôle dans la décision d'entamer ou non une procédure, ainsi que dans celle d'appeler d'unjugement859.

300. Dans le processus de sélection des affaires méritant l'enga-gement d'une procédure, la question des coûts occupe une place cen-trale. Les coûts directs d'un procès, ou même d'une procédure adminis-trative, sont extrêmement élevés860. Les grandes associations ne peuvent donc pas se contenter d'écarter les affaires d'importance mineure, elles doivent réellement opérer un choix d'allocation de leurs ressources parmi des causes valant, a priori, la peine d'être défendues. Pour les groupe-ments ad hoc, les coûts d'une procédure peuvent tout simplement être prohibitifs. La possibilité d'obtenir des dépens, qui varie suivant les dispositions légales invoquées861, joue dès lors un rôle non négligeable

858 Ainsi, lorsque le Sierra Club avait voulu empêcher la création par la société Disney d'une gigantesque station de sports d'hiver dans la Mineral King Valley, en Ca-lifornie, il avait délibérément renoncé à invoquer l'intérêt de ses membres afin de susciter un précédent fondant sa qualité pour agir propre. Cette tentative ayant échoué, il avait alors modifié sa demande et obtenu la qualité pour agir comme représentant de ses membres; Sierra Club v. Morton, 405 U.S. 727 ( 1972); Sierra Club v. Morton, 2 ELR 20469 (N.C. Cal. 1972); LAWRENCE (1989) p. 10291, note 19.

859 La «réputation écologique» des diverses cours d'appel est tout à fait contrastée.

Quant à la Cour suprême, les représentants des grandes associations écologistes la considèrent comme généralement défavorable à leurs thèses. D'un avis diffé-rent, HASSLER/O'CONNOR (1986), dont l'étude porte sur une période où la Cour suprême était moins conservatrice qu'aujourd'hui.

860 Supra no 202.

861 Supra nos 203 ss.

L'USAGE DES VOIES DE DROIT

dans la décision des organisations862. Par contre, le risque de devoir payer une compensation à la partie adverse en cas de défaite est très faible&63 et n'entre guère en considération864, du moins en ce qui con-cerne les grandes organisations. Des groupes locaux peuvent, en revan-che, être détournés de leur intention de procéder par la menace de «de-mandes de dommages-intérêts stratégiques»865 .

301. Un autre élément essentiel dans le choix d'entamer ou non une procédure est l'intensité de la pression ainsi dirigée contre l'adver-saire866. Cette intensité dépend bien entendu de la solidité des griefs juridiques avancés, autrement dit des chances de succès de l'action, et de la possibilité de réunir les éléments de preuve requis867. Elle dépend aussi de la portée et de la nature des conclusions admissibles868. Elle est enfin fonction de l'attitude de la partie adverse et des contraintes aux-quelles celle-ci est soumise. Dans certains cas, une action en justice sera le seul moyen de débloquer une situation, de forcer un promoteur à négocier ou de secouer 1 'inertie, voire la mauvaise volonté, d'une admi-nistration869. Dans d'autres circonstances, l'appel au juge risque de po-lariser inutilement un conflit susceptible de se résoudre par des voies non contentieuses870. D'une manière générale, les organisations écolo-gistes cherchent à trouver la juste combinaison de combativité et de prudence qui assure leur crédibilité871 .

862 Cet aspect des choses est souligné par de nombreux auteurs, notamment en rap-port avec 1 'utilisation des citizen suifs, cf. TERRIS (1987) p. 1 0255; FADIL ( 1985) pp. 55 ss; BOYER/MEIDINGER (1985) pp. 934-935; FEIN ( 1984) passim; PERCJVAL/

MILLER (1984) pp. 239 ss; MILLER (1983) pp. 10411 et 10422.

863 Supra nos 209.

864 Cf., à propos des citizen suifs, FEIN (1984) p. 218.

865 Supra no 211.

866 Cf. FADIL (1985) pp. 54-55.

867 Sur ce point, le problème de l'accès à l'information est capital, cf. BoYER/

MEIDINGER (1985) p. 917 et supra nos 184 ss. Le problème des preuves est éga-lement lié à celui des coûts, la constitution d'un dossier scientifique solide, la recherche de témoins et la consultation d'experts représentant des dépenses qui peuvent être considérables, cf. BAcow/WHEELER (1984) p. 27.

868 Ainsi, le fait de pouvoir réclamer au juge non seulement une injonction, mais également la condamnation d'un pollueur à une amende civile serait l'un des attraits des citizen suifs fondées sur le CWA, cf. PRICE (1986) p. 33.

869 Cf. BACOW/WHEELER (1984) pp. 12-13.

870 Id. p. 14; GOSLANT (1988) p. 531.

87I BOYERIMEIDINGER (1985) p. 962.

LES VOIES DE DROIT DES ORGANISA Tl ONS ÉCOLOGIQUES

302. Au surplus, les grandes organisations choisissent les affaires pour lesquelles elles entendent faire usage de leurs voies de droit en fonction de leurs objectifs politiques prioritaires, tels qu'ils ressortent de leurs statuts ou des orientations définies par leurs organes.

Dans ce cadre général, la sélection de chaque procédure à engager se fait à travers une analyse coûts-bénéfices872 combinant 1 'ensemble des critères définis ci-dessus.

303. Pour les groupes ad hoc centrés sur un problème spécifique, la question de la sélection ne se pose pas. L'analyse coûts-bénéfices subsiste, mais elle est orientée exclusivement sur le choix du meilleur moyen de parvenir à l'objectiffixé.

2) Stratégies

304. On peut définir cinq types de stratégies des organisations éco-logistes en fonction des objectifs qu'elles poursuivent à travers l'usage de leurs voies de droit. Il faut remarquer d'emblée que ces stratégies ne sont pas strictement liées à un instrument juridique donné, mais font appel, suivant les circonstances, aux diverses formes d'action offertes par le droit administratif américain873 .

305. La stratégie la plus classique est, comme en Suisse, celle qui vise à combattre un projet concret jugé nuisible pour 1 'environnement.

Les moyens procéduraux utilisés dans ce cadre pourront être un appel administratif ou judiciaire contre une décision étatique vitale pour la poursuite du projet- que cela soit une autorisation874 , une concession d'utilisation du domaine pubiic875 ou encore une subvention876 - ou bien une action judiciaire visant à obtenir le blocage du projet au moyen d'une injonction877

872 Voir, par exemple, TRUBECK/GILLEN (1978) p. 197.

873 De même, une institution juridique déterminée peut servir des objectifs variés, voir, à propos des citizen suits, BOYER/ME!DINGER (1985) pp. 852 ss.

874 Voir, par exemple, Sierra Club v. Sig/er, 695 F.2d 957 (5th Cir. 1983); Sierra Club v. Skinner, 885 F.2d 591 (9th Cir. 1989).

875 Voir, par exemple, NWF v. Burford, 871 F.2d 849 (9th Cir. 1989).

876 Voir, par exemple, Citizen to Preserve Overton Park v. Volpe, 401 U.S. 402 (1971).

877 Voir, par exemple, Marsh v. Oregon Natural Resources Council, 490 U.S. 360 ( 1989).

L'USAGE DES VOIES DE DROIT

L'actionjudiciaire est, en règle générale, complétée par un travail politique passant par une mobilisation des populations concernées, des campagnes d'information et surtout un intense lobbyingauprès des auto-rités exécutives ou législatives compétentes878. Dans les Etats et muni-cipalités qui connaissent ces institutions, le référendum et 1 'initiative populaires peuvent également être utilisés. Une action en justice peut d'ailleurs servir à gagner du temps afin de permettre 1 'organisation d'un mouvement d'opposition politique suffisamment fort879. Elle peut aussi viser à provoquer un nouvel examen du dossier. Dans cette perspective, 1' exigence de 1' étude d'impact tirée du NEPA est très souvent invo-quée880. Quand bien même le NEPA n'impose à cet égard qu'une exi-gence procédurale à 1 'autorité, à 1 'exclusion de toute obligation de ré-sultat88I, la contestation de la manière dont cette obligation a été remplie est 1 'un des arguments favoris des groupes combattant des projets dé-terminés.

Dès lors qu'un réexamen du projet contesté est obtenu, les organi-sations écologistes peuvent espérer miner les soutiens politiques dont ce projet dispose, voire amener les promoteurs eux-mêmes à jeter l'éponge882. A l'inverse, si la pression politique est insuffisante ou in-fructueuse, une victoire judiciaire, aussi spectaculaire soit-elle, peut être mise à néant, par exemple par une modification de la législation appli-cable883.

878 Voir, à cet égard, l'approche intégrée proposée par le SCLDF, SCLDF Annual Report 1994 pp. 7-8; SCLDF In Brief, Winter 1994-95, pp. 11 ss.

879 Cf. SIERRA CLUB (1989) p. 54.

880 Voir, par exemple, Friends of Fiery Gizzard v. Farmers Home Administration, 61 F.3d 501 (6th Cir. 1995); Alaska Wilderness Recreation and Tourism Association v. Mo1-rison, 67 F .3d 723 (9th Cir. 1995).

88I Robertson v. Methow Valley Citizen Council, 490 U.S. 332, 350 (1989).

882 C'est ce que la société Disney se résolut finalement à faire dans le cas de la Mineral King Valley, qui avait fait l'objet de l'arrêt Sierra Club v. Morton, 405 U.S. 727 (1972). Voir TURNER (1991) pp. 188 ss; SIERRA CLUB (1989) p. 54.

883 En 1978, divers groupements écologistes avaient obtenu une injonction stoppant les travaux de construction d'un important barrage, car l'achèvement de celui-ci aurait menacé la survie d'une espèce rare de poisson, violant ainsi les disposi-tions très strictes de l'ESA, Tennesse Valley Authority v. Hill, 437 U.S. 153 (1978).

Suite à cet arrêt de la Cour suprême, le Congrès modifia la loi et le barrage fut construit. Dans un autre cas, des organisations écologistes avaient obtenu, sur la base du Mineral Leasing Act, le blocage des autorisations nécessaires à la cons-truction d'un oléoduc à travers l'Alaska, Wilderness Society v. Morton, 479 F.2d 842 (D.C. Cir. 1973), cert. denied 411 U.S. 917 (1973). Là aussi, le Congrès

LES VOIES DE DROIT DES ORGANISA TI ONS ÉCOLOGIQUES

306. Une deuxième stratégie a pour objectif de faire stopper, ou du moins réduire, une activité polluante déterminée. Il s'agit presque toujours de procédures complexes, menées par des coalitions de grou-pements intéressés et reposant sur différentes bases légales884. Ces ac-tions sont dirigées soit contre les autorités pour réclamer des mesures de protection ou d'assainissement, soit directement contre les exploi-tants des sources de pollution, soit encore contre les deux à la fois. D'une manière générale, les demandeurs modulent leurs exigences sur toute la palette des remèdes judiciaires que leur offre la loi: jugements déclara-toires, injonctions, mandats judiciaires, amendes civiles.

307. En troisième lieu, l'engagement de procédures peut viser à forcer 1 'adoption ou la modification d'une politique officielle. Cela peut se faire à travers la contestation d'une réglementation885 ou d'une série de décisions886, 1' obtention d'un jugement ordonnant à 1' administration d'accomplir une obligation légale887 ou encore 1 'orchestration de pour-suites à 1 'encontre de pollueurs888. Comme dans la première stratégie évoquée ci-dessus, l'actionjudiciaire doit être combinée à une action politique. Dans certains cas, la voie judiciaire se révélera peu payante889.

Mais, dans d'autres circonstances, une victoire judiciaire, notamment en ce qui concerne l'interprétation de la loi, peut renverser l'équilibre des forces en présence890 . Et lorsque l'administration, comme ce fut le cas pendant le premier mandat du Président Reagan, entend pratiquer une politique d'application de la législation en matière d'environne-ment particulièred'environne-ment souple, selon ses partisans, ou laxiste, selon ses

modifia la loi pour permettre la réalisation de l'oléoduc, cf.Aleskya Pipeline Co.

v. Wilderness Society, 421 U.S. 240,244-245 (1975); KOTZ (1984) pp. 99-100.

884 BOYERIMEIDINGER (1985) p. 865.

885 Voir, par exemple, Lujan v. Defenders of Wildlife, 112 S.Ct. 2130 (1992);

Horsehead Resource Development v. Browner, 16 F.3d 1246 (D.C. Cir. 1994);

NRDC v. Gorsuch, 685 F.2d 718 (D.C. Cir. 1982), cassé par la Cour suprême, Chevron v. NRDC, 467 U.S. 837 (1984).

886 Cf. TRUBECK/GILLEN (1978) pp. 195 ss, qui décrivent l'exemple de la campagne menée par certaines organisations contre les politiques fédérales relatives à l'uti-lisation des ressources en eau.

887 Voir, par exemple, Alaska Center for the Environment v. Browner, 20 F.3d 981 (9th Cir. 1994); NRDC v. EPA, 475 F.2d 968 (D.C. Cir. 1973).

888 Comme, par exemple, la campagne de citizen suifs fondées sur le CWA au début des années quatre-vingt, cf.'supra no 287.

889 Cf. TRUBECK/GILLEN (1978) pp. 197-198.

89

°

Cf. infra no 330.

L'USAGE DES VOIES DE DROIT

adversaires, le recours aux tribunaux peut contribuer à faire échec à cette volonté.

308. Lorsque les actions tendant à l'application de la loi ne s'intè-grent pas dans l'une des stratégies déjà évoquées, elles sont utilisées par les organisations écologistes endossant le rôle de «procureurs privés»

que le Congrès a voulu encourager en consacrant les citizen suifs. Ces actions sont dirigées contre des administrations pour les pousser à sortir de leur inertie ou à accélérer le rythme de mise en oeuvre des mesures prévues par la loi891, ainsi que contre des pollueurs privés ou publics pour les obliger à respecter les normes légales892. L'objectif des grou-pements écologistes est, dans ces cas, de faire avancer la solution d'un problème précis, mais aussi de crédibiliser par une utilisation effective correctement ciblée, 1 'effet préventif des citizen suits.

que le Congrès a voulu encourager en consacrant les citizen suifs. Ces actions sont dirigées contre des administrations pour les pousser à sortir de leur inertie ou à accélérer le rythme de mise en oeuvre des mesures prévues par la loi891, ainsi que contre des pollueurs privés ou publics pour les obliger à respecter les normes légales892. L'objectif des grou-pements écologistes est, dans ces cas, de faire avancer la solution d'un problème précis, mais aussi de crédibiliser par une utilisation effective correctement ciblée, 1 'effet préventif des citizen suits.